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Une petite révolution vient de se produire à l'hôpital pour enfants de Philadelphie où une équipe dirigée par le chirurgien foetal Alan Flake a conçu une sorte de couveuse perfectionnée qu'il a appelé " utérus artificiel ", mais qu'on devrait plutôt nommer " placenta artificiel ". Le but : répondre au défi de l'extrême prématurité.L'enjeu est de taille quand on sait qu'à l'heure actuelle, en dépit des progrès des soins de néonatologie, un bébé humain né après seulement 20 à 22 semaines de gestation n'a que 10% de chances de survie, et que seuls 30% des enfants nés à 25 semaines d'aménorrhée sortent de l'hôpital vivants. Et, lorsque l'enfant survit, cela se fait à un coût élevé en termes de qualité de vie, avec une grande vulnérabilité aux infections et 90% de risque de séquelles. Or quelques jours de gestation supplémentaires peuvent faire une énorme différence puisque le taux de survie sans séquelle passe à 81% chez les petits nés à 27 semaines.De nos jours, les grands prématurés qui ne peuvent respirer de façon autonome car leurs poumons ne sont pas assez développés sont intubés et mis sous respirateur artificiel." Ces enfants ont un besoin urgent d'un relais entre l'utérus de leur mère et le monde extérieur ", plaide Alan Flake. D'où la mise au point, après cinq années de recherches, d'un dispositif qui contourne les principaux écueils auxquels se heurte la réanimation néonatale chez les grands prématurés et qui permet au foetus de prolonger sa " vie liquide ", le temps que les poumons soient prêts à la " vie aérienne ".Baptisé " Biobag ", ce dispositif ressemble à un sachet de congélation dans lequel est inséré le foetus né trop tôt. Analogue au liquide amniotique, une eau iodée produite en laboratoire va et vient entre l'intérieur et l'extérieur de la poche, apportant au petit organisme les nutriments et les facteurs de croissance nécessaires à sa maturation.Oxygéner le foetus est également nécessaire. Les chercheurs ont externalisé le processus. Un oxygénateur à faible résistance et un circuit sans pompe permettent au coeur du foetus de gérer seul le flux sanguin. Un port spécifique permet de brancher la machine sur le cordon ombilical de substitution, situé à l'extérieur de la poche. Activé par les battements du coeur foetal, il assure les échanges de dioxygène et de dioxyde de carbone.Reconstituant ainsi au mieux l'environnement placentaire dans lequel évoluent les foetus avant la naissance, le Biobag a été testé sur le mouton, animal chez qui le développement des poumons in utero est proche de celui des humains. Il a permis de faire " maturer " pendant 20 à 28 jours huit agneaux, extraits par césarienne du ventre de leur mère, 105 à 120 jours après le début de la gestation, l'équivalent, en termes de maturité pulmonaire, à une durée de 22 à 24 semaines d'aménorrhée chez l'Homme.Les agneaux très grands prématurés ont semblé se développer correctement : les échanges étaient comparables au flux placentaire normal, les foetus bougeaient, ouvraient les yeux, s'endormaient, et n'avaient pas l'air stressés. Après leur sortie, et au cours de leur croissance, les jeunes animaux n'ont pas présenté de séquelles, ni d'anomalies anatomiques et physiologiques. Leur respiration était normale, tout comme leur alimentation.Des tests ont montré que le fonctionnement de leurs poumons correspondait à celui d'animaux témoins du même âge. Après avoir ouvert les yeux, ils ont produit de la laine, signe de bonne santé s'il en est. Enfin, l'agneau le plus âgé, qui a plus d'un an maintenant, paraît tout à fait normal.C'est donc la première fois qu'un système externe parvient à maintenir pendant aussi longtemps les fonctions vitales et assurer le développement d'un foetus animal. Si le procédé est pour le moins impressionnant, comme le montre une vidéo publiée par le site The Verge, il permettrait surtout, une fois transposé à des bébés humains prématurés extrêmes de réduire leur taux de mortalité de 90% à moins de 10%, et leur risque de séquelles de 90% à 30%. Une estimation qui émane des auteurs de cette recherche.Ces bons résultats sont un signe d'espoir pour Alan Flake. Reste à adapter le dispositif à des bébés humains et à l'améliorer. Selon les chercheurs de Philadelphie, la version humaine devrait ressembler plus à un incubateur qu'à un sac plastique. Elle devra être approuvée par la Food and Drug Administration et pourrait être testée sur des prématurés de 24 semaines jusqu'à ce qu'ils atteignent leur 28e semaine. Il est toutefois peu probable qu'une telle expérience ait lieu avant trois, voire cinq ans.L'" utérus artificiel " est donc encore loin d'arriver sur le marché et cela d'autant plus qu'il reste aussi un certain nombre de questions juridiques et surtout éthiques à régler, la principale portant sur la rupture du lien physique et psychologique entre la mère et l'enfant ...