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À la fin de l'année dernière, Wuhan a soudain été confrontée à une flambée de pneumonies particulièrement sévères, qui ont très rapidement pu être mises en relation avec un marché local où sont proposés à la vente des animaux vivants. Le 7 janvier, des chercheurs sont parvenus à isoler chez l'un des patients touchés un nouveau virus, baptisé 2019-nCov. Analysé par séquençage, son génome s'est avéré identique à 70 % à celui du SARS-CoV, le coronavirus responsable du SARS.Pour rappel, le SARS (syndrome respiratoire aigu sévère) est apparu en Chine en 2002 et a contaminé quelque 3.000 personnes, dont environ 11 % sont décédées avant que la pandémie ne finisse par se terminer. En 2012, c'est un autre coronavirus mortel qui a commencé à propager le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) au départ de l'Arabie Saoudite. Ce second pathogène est toujours en circulation et 2.456 cas confirmés par la biologie ont été enregistrés entre le début de l'épidémie et décembre 2019. Ce MERS-CoV est associé à une mortalité de 34%.Les chercheurs ont réagi très rapidement à l'épidémie de Wuhan. Mi-janvier, ils avaient pu décoder dans les échantillons prélevés chez les patients le génome de 19 souches virales, et il semble que le pathogène qui circule actuellement dans la ville chinoise soit étroitement apparenté au virus du SARS et à plusieurs autres coronavirus observés chez des chauves-souris, qui en constitueraient donc le réservoir primaire. Reste à savoir - et c'est actuellement la priorité des chercheurs - quel animal présent sur le marché de Wuhan l'a transmis à l'homme, ce qui permettrait de mettre des mesures en place pour éviter sa propagation.Les experts s'efforcent, pour une série de raisons, de prendre la balle au bond. À la fin de la semaine dernière, un article publié dans le Journal of Medical Virology laissait ainsi entendre que l'hôte " intermédiaire " aurait été un serpent. Pour l'affirmer, le groupe de recherche dirigé par Wei Ji s'est basé sur la préférence d'usage des codons, l'un des mécanismes utilisés par les virus pour s'adapter à leur hôte. Les codons sont des ensembles de trois nucléotides qui codent chacun pour un acide aminé, qui sera ensuite intégré à la structure d'une protéine. Il se trouve toutefois que les cellules vivantes possèdent dans leur génome des codons dits synonymes (en d'autres termes, il existe pour coder un même acide aminé plusieurs codons différents), mais semblent utiliser de préférence certains codons plutôt que d'autres. Les raisons de ce phénomène ne sont pas clairement établies, mais l'une des tactiques qu'utilisent les virus pour s'adapter à leur hôte consiste à copier cette préférence pour tel ou tel codon. Lorsqu'ils infectent une cellule et mettent la main sur la synthèse protéique de leur hôte, on pense qu'ils favorisent l'usage des codons qui remportent également la préférence de ce dernier pour l'empêcher d'agir dans son propre intérêt - une stratégie qui leur permet de l'affaiblir et d'affecter ses mécanismes de défense.Wei Ji et son équipe ont vu dans ce mécanisme une piste intéressante pour identifier l'animal qui a provoqué la nouvelle épidémie sur le marché de Wuhan. En comparant les préférences d'usage des codons de 2019-nCov à celle de divers animaux dont des hérissons, des pangolins, des chauves-souris, des poulets, des serpents et des êtres humains, ils ont observé le plus de similitudes avec deux espèces de serpents, dont le cobra chinois, qui étaient effectivement proposées à la vente sur le marché de Wuhan.D'autres chercheurs ont toutefois accueilli leurs conclusions par des quolibets, soulignant qu'il est improbable qu'un animal vendu sur le marché de Wuhan ait été infecté suffisamment longtemps par le virus 2019-nCov pour permettre l'adaptation des codons à l'hôte - un processus qui ne se fait pas en 1-2-3. En outre, rien ne permet de penser que les coronavirus puissent infecter des animaux autres que des oiseaux et des mammifères. La plupart des experts pensent que la source de la contamination ne pourra être identifiée que par des recherches génétiques sur un large éventail d'échantillons prélevés sur les animaux et les cages... et que le coupable s'avérera vraisemblablement être un mammifère.