Emploi du temps, expérience professionnelle personnelle et vision de l'avenir: une grande enquête a été menée auprès de 3.000 MG belges. Ses résultats, qui confirment des attendus tout en dressant pas mal de différences régionales, aideront à développer les hypothèses à appliquer au modèle de planification pour fixer les quotas pour 2029.
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Comment les médecins généralistes vivent-ils leur pratique ? Combien de temps y consacrent-ils ? C'est pour mieux cerner leur expertise - et les besoins pour l'avenir (quotas 2029) - qu'une importante enquête vient d'être menée à la demande du ministre de la Santé publique et de la Commission de planification - offre médicale du SPF Santé publique. Près de 3.000 généralistes y ont pris part, un échantillon représentatif des 12.600 MG belges."Les soins de première ligne sont aux abois, surtout après une période covid très intense, et les médecins généralistes, trop peu nombreux, doivent assumer trop de tâches", note Frank Vandenbroucke en préambule des premiers résultats de l'enquête. "Le taux de réponse très élevé confirme que les médecins généralistes sont très préoccupés par leur charge de travail. Il démontre que les médecins généralistes souhaitent travailler moins qu'ils ne le font actuellement. Les résultats montrent également que les médecins généralistes croient en une approche aux multiples facettes : veiller à ce qu'il y ait un nombre suffisant - et donc accru - de médecins généralistes, mais aussi évoluer vers un modèle organisationnel différent, misant davantage sur la collaboration et la délégation de tâches. Il me semble évident qu'il faille tenir compte de ces suggestions venues du terrain, d'abord dans la détermination des quotas, mais aussi dans la refonte du modèle d'organisation et de financement."Premier enseignement, la notion de " temps plein " fait le grand écart entre les générations.Si la semaine de travail "idéale" selon les répondants devrait compter entre 38 et 40 heures, seuls 17 % des MG - relativement jeunes, 39 ans en moyenne - prestent cet horaire. La moitié des MG bossent 50 à 64 heures et un sur cinq (parmi les plus âgés) davantage encore. "Si l'on regarde les médecins généralistes qui prestent plus de 70 heures par semaine, on remarque que la part d'hommes médecins est près de trois fois plus importante que la part de femmes médecins généralistes, avec respectivement 17 % et 6 %", souligne le rapport.Il faudra donc bien plus d'un jeune généraliste - " deux à trois ", estime le Dr Paul De Munck (GBO) - pour remplacer chaque futur retraité (15 % des MG actuels). Des différences régionales se font également jour: les généralistes flamands et wallons prestent une semaine moyenne de 50 heures, versus 42 à Bruxelles.Conséquence, cette charge de travail, que 75 % des médecins estiment " importante ", voire " très importante ", ne permet plus de prendre de nouveaux patients pour un praticien sur cinq, ou seulement sous strictes conditions (même famille, p.ex.) pour près de six MG sur dix.Combien de temps passé 'au chevet' du patient ? En moyenne, 38 minutes en visite à domicile et 21 en consultation pour, au total, 73 % du temps de travail. Le quart restant est dédié à l'agenda, la gestion des dossiers, les gardes, la formation continue et la littérature médicale, etc. À noter que le temps passé avec le patient est un peu plus long à Bruxelles (49 minutes à domicile) et en Wallonie (40 minutes) et en zones rurales (+ 2 minutes) et un peu plus court chez les médecins hommes (- 8 minutes) et chez les plus de 50 ans (- 2 minutes). Le rapport révèle une différence de gestion du temps de travail à Bruxelles, où les médecins généralistes consacrent moins de temps aux services de garde que leurs confrères de Flandre et Wallonie mais accordent par contre plus de temps à la communication avec les patients et leurs familles. Autre différence: les MG bruxellois font deux fois plus mention de barrières linguistiques lors de leurs consultations (14%). En maisons médicales au forfait, le cas se présente dans plus d'un quart des consultations.L'enquête montre également que la pandémie de covid-19 a eu un impact à la fois conséquent et durable, au niveau de la charge administrative (téléconsultations, notamment) mais aussi de la teneur même des consultations, avec davantage de soins psychologiques et moins de préventif, et des tâches désormais plus complexes.La charge de travail ressentie varie en fonction du lieu de pratique. Ainsi, près de 44% des médecins qui sont en maison médicale au forfait estiment leur charge de travail "équilibrée", contre seulement 21% de leurs confrères en cabinet individuel. "Comme un tiers des médecins généralistes bruxellois travaille dans ce genre de maisons médicales, on comprend pourquoi ceux-ci ressentent la charge de travail comme plus équilibrée que leurs confrères flamands et wallons", analysent les premiers résultats de l'enquête.Si la majorité des généralistes se voit continuer à exercer sa profession dans un proche avenir, quelque 15 % des généralistes hommes (et 3% des femmes) partiront à la retraite prochainement. Par ailleurs, près d'un tiers déclare vouloir changer de type de lieu de travail, la formule la plus populaire pour un changement étant le cabinet de groupe, et la moitié (plutôt chez les jeunes) s'attend à une hausse de la charge de travail.On s'oriente clairement vers une structure organisationnelle différente, orientée davantage vers une pratique de groupe plutôt qu'en solo afin de mieux répartir et organiser les tâches entre confrères, voire en cabinet de groupe multidisciplinaire pour mieux accorder les soins aux besoins des patients avec d'autres professionnels des soins. Une évolution finalement bien en accord avec le souhait de disposer d'une semaine de travail de 38-40 heures et avec le futur New Deal.