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Les médecins généralistes le vérifient tous les jours : la médecine générale a un encrage social important. C'est ce que rappelle avec beaucoup de clarté " Together we change. Soins de santé de première ligne : aujourd'hui plus que jamais ". Si nous souhaitons relever les défis d'aujourd'hui et de demain, notre système de soins de santé doit être revu en profondeur. Pourquoi ce rapport? Ces derniers mois, un nombre étonnamment élevé de rapports importants ont été écrits. De plus, jamais autant de conférences n'ont été organisées sur le futur des soins de santé que ces dernières années. En tant que professeurs de médecine générale, il est de notre devoir de donner un signal clair, car un changement fondamental dans la politique des soins de santé s'impose. Et les soins de première ligne constituent le liant et le catalyseur qui permettent de relever les défis actuels (accessibilité, viabilité financière, vieillissement, qualité).Le point de départ, c'est la philosophie Triple Aim : amélioration des soins tels que vécus par l'individu; amélioration de l'état global de santé au niveau de la population et réalisation de plus de "valeur" sur le plan de la santé avec les moyens engagés. Le vieillissement constitue un grand défi, avec une multi-morbidité en hausse, dans un contexte de développement scientifique et technologique important, avec des patients actifs et toujours mieux informés.A côté du niveau macro, à savoir la politique nationale et la politique des états-membres, on trouve aussi le niveau méso, au sein des " zones de première ligne ", zones géographiques d'environ 100.000 habitants à l'intérieur desquelles les soins de première ligne sont coordonnés, et le niveau micro, celui des pratiques de première ligne, qui font partie d'un dispositif de soins de premières ligne fonctionnant en réseau. Très important également : le niveau nano, celui de l'interaction concrète entre le demandeur et le prestataire de soins, gage ultime de la qualité des soins. Méthode de travail Le citoyen/patient s'inscrit librement à une pratique de médecine générale. Celle-ci fait partie d'un réseau de dispositifs de première ligne (personnel infirmier, travailleurs sociaux, pharmaciens, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues de première ligne, etc.). Les soins préventifs, curatifs ou autres, sont donnés de manière coordonnée au sein de ce réseau, par le biais de la collaboration opérationnelle. Dans ce cadre également, le Dossier Patient Electronique (DPE) est partagé, en veillant au respect de la vie privée et au secret professionnel partagé. Financement Tout d'abord, nous entendons définir un " Budget Moyens Financiers pour la première ligne ", répondant à la question : que faut-il mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés en matériel de politique fédérale et régionale des soins de santé ? Ce " budget optimal (virtuel)" sera alors comparé aux moyens actuellement mis en oeuvre en matière de soins de santé, dans chaque zone distincte de première ligne. Mécanismes de financement Première point crucial, il faut supprimer un maximum d'obstacles financiers en matière de soins de santé. Pas question donc de ticket modérateur pour les soins prodigués par les généralistes ou les infirmiers. Toutes les transactions devront avoir lieu dans le cadre du d'un régime du tiers payant électronique généralisé. Pour les médecins généralistes, on aura le choix entre deux mécanismes de financement.Le modèle A part de l'actuelle rémunération à l'acte, déjà constituée de 20% de rémunérations non liées à l'acte. Dans les 10 ans à venir, ce système évoluera vers une rémunération non liée à l'acte qui représentera 60% - principalement grâce à une augmentation de la rémunération pour le Dossier Médical Global (DMG), complétée par 30% de rémunération à l'acte et 10% de pay-for-quality (P4Q).Le modèle B est le système actuel de rémunération forfaitaire, où 10% de P4Q sont intégrés. Dans le cadre de P4Q, nous fixons une série d'indicateurs de qualité au niveau de la structure, du processus et de l'outcome des soins. Le P4Q est versé au dispositif de soins et non pas aux professionnels individuels. Promotion de la santé et prévention Les gens peuvent prendre en main une bonne partie des déterminants de leur santé (alimentation, tabagisme, déplacement, participation à des examens préventifs, etc.). Nous devons veiller à ce qu'ils disposent d'informations correctes et puissent ainsi prendre les bonnes décisions (...). Faciliter l'accès à " l'évidence " En tant que médecins généralistes, nous avons aujourd'hui déjà la possibilité de faire directement le lien, grâce au diagnostic introduit dans le DPE, avec des recommandations existantes, grâce au " CEBAM-evidence linker ". Ce système continuera à évoluer avec des liens vers les infos relatives aux patients, des mises en garde contre les erreurs éventuelles, des avis récents etc., ce qui permettra au généraliste de prendre davantage conscience de ses propres lacunes et de ses besoins d'apprentissage. Il pourra ainsi lui-même planifier sa formation. Augmenter la qualité des données introduites dans le DPE, c'est aussi faciliter leur utilisation dans la prise de décisions politiques par exemple, mais aussi veiller à la qualité et aider la recherche épidémiologique (...). Formation Alors que l'accord du gouvernement promet d'investir dans l'amélioration de l'encadrement des stages de médecine et un statut social adapté pour les MG et les spécialistes en formation, toutes les formations des métiers de soins devront accorder de l'importance à la formation interprofessionnelle, de sorte que les étudiants puissent apprendre comment les prestataires de soins analysent ensemble la complexité d'un cas et parvienne à le résoudre.Concernant la formation des médecins, la réflexion doit partir de la première ligne. Régions Chaque région doit avoir la chance d'adapter ses dispositifs de soins à ses propres besoins. Cette nouvelle donne nécessitera peut-être une révision des missions des professions actuelles, ou la création de nouvelles formations et professions. Pour ce faire, il essentiel que, comme stipulé dans l'Accord de gouvernement fédéral, l'A.R. 78 soit revu de manière approfondie. Il doit être possible de créer de nouveaux métiers de la santé, " de manière asymétrique " (approche différente en Flandre et en Wallonie). Bruxelles En ce qui concerne les soins de santé à Bruxelles, il existe un important fossé social entre les pauvres et les riches. Parmi les manquements constatés, citons les services de première ligne pour les populations démunies souvent saturés, l'utilisation inadéquate des dispositifs de soins et la présence importante d'étrangers avec une formation supérieure.L'accessibilité aux soins de santé reste un problème dans la capitale. Beaucoup se tournent automatiquement vers la deuxième ligne, avec une surconsommation des soins et des prestations techniques à la clé.Nous ne soutenons pas les propositions visant à ce que les habitants de la Région Bruxelles Capitale soient invités à choisir leur appartenance à une des deux Communautés (...). Bruxelles accueille non pas deux, mais des dizaines de communautés, qui parlent une multitude de langues. Il est donc vraisemblablement plus réaliste d'implémenter, en Région de Bruxelles Capitale, une politique de soins de santé répondant à la situation spécifique de Bruxelles, carrefour international et ville multiculturelle.Nous proposons une seule structure régionale, par exemple une OIP (Organisme d'intérêt public). Il semble opportun de définir plusieurs "zones de première ligne" au sein de la région, qui ne se chevauchent pas et qui couvrent l'entièreté du territoire Conclusion " Together we change " pose donc les balises pour des soins de santé de première ligne accessibles, qualitativement élevés et performants. C'est la condition essentielle à un système de soins de santé durable.