Un des premiers traitements évoqués a été la chloroquine (Nivaquine®) et son dérivé l'hydroxy-chloroquine (Plaquénil®). C'est à leur propos, compte tenu de l'énorme expérience que l'on a de ces drogues dans d'autres indications (la malaria entre autres) qu'il est possible d'évoquer un mode d'action.

La pénétration du virus COVID 19 dans l'organisme

Il est nécessaire de se remettre en mémoire pour comprendre ce qui va suivre, le mécanisme délicat du système rénine-angiotensine-aldostérone (Figure1).

Figure 1 - Ce système joue un rôle dans les modifications importantes de la tension artérielle, le passage de la position couchée à la position debout, par exemple avec une diminution notable de la tension. L'appareil juxta-glomérulaire du rein sécrète alors de la rénine qui transforme l'angiotensinogène produite par le foie en angiotensine 1. Celle-ci est clivée par une enzyme de conversion (ACE I) présente surtout dans le tissus pulmonaire en angiotensine 2, laquelle peut faire remonter la tension artérielle par un double mécanisme : une vasoconstriction et via le cortex surrénal et l'aldostérone, une action antidiurétique et une modification de l'ionogramme pour obtenir une augmentation de la volémie.

Figure 2, il existe également un système dérivé du même schéma qui équilibre les effets déjà décrits. L'angiotensine 2 subit elle-même l'effet d'une enzyme de conversion, l'ACE II.

Celle-ci entraine des effets qui équilibrent ceux de l'ACI : vasodilatation, et surtout une augmentation des prostaglandines PGE2 et PGF2alpha . Cela traduit une réaction inflammatoire.

Le point d'attaque du COVID 19 est l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 ou ACE II (1)(2).

Celle-ci est présente surtout dans les cellules alvéolaires du poumon, un peu dans le pancréas, peut-être dans la muqueuse nasale.

Le virus s'étant introduit dans ces cellules via l'ACE II, il va déclencher dans les sites évoqués, une violente réaction inflammatoire que certains ont qualifié " d'orage cytokinique " (3). L'interleukine 6 serait le médiateur clé de ce processus.

Cela rend assez bien compte de la pathogénie de cette infection : pneumonie, brutale dans certains cas, rares pancréatites, peut-être l'anosmie.

Les patients âgés dont l'immunité a déjà été stimulée au cours des années sont prompts à réagir plus violement à l'inverse des jeunes dont l'immunité " naïve " répond moins durement. C'est l'explication avancée pour expliquer que les enfants sont en général davantage épargnés par le COVID 19.

L'importance de cette réaction cytokinique est variable et conditionne la gravité de l'infection qui siège majoritairement dans le parenchyme pulmonaire.

Pharmacologie de la chloroquine et de l'hydroxy-chloroquine

Ces médicaments sont connus depuis très longtemps pour la prévention et le traitement de la malaria ainsi que le traitement de certaines arthrites et du lupus érythémateux.

Leur pharmacocinétique est assez semblable, ils sont résorbés par voie orale et leur taux sanguin maximum est rapidement atteint en 1 à 2 heures. Leur temps de demi-vie est assez long, couvre largement un nycthémère de sorte qu'une prise unique par 24 heures est suffisante. Mais leur temps d'élimination du corps est très important parce qu'ils se fixent dans le rein, le foie et la rétine : de UN à DEUX mois !! C'est ce qui explique certains aspects de leur toxicité (4).

L'analyse de leur mode d'action comporte deux volets.

1) Leur action sur le protozoaire de la malaria est liée à une concentration dans les hématies parasitées. Elle se lierait avec la ferritoporphyrine IX, métabolite de la formation de l'hémoglobine, pour produire un complexe toxique pour le parasite.

2) Leur action dans les connectivites (5) le lupus entre autres, est due à un pouvoir anti-tnf (tumor necrosis factor) et inhibiteur de l'interleukine-6. C'est ce que l'on désigne sous l'appellation globale de son pouvoir anti-inflammatoire.

Application possible à la lutte anti-COVID-19

On a vu que le facteur le plus important qui conditionne la gravité, voir le décès des victimes, est la réaction cytokinique, dans laquelle l'interleukine-6 jouerait un rôle déterminant. Le pouvoir antagoniste de cette interleukine par la chloroquine et l'hydroxy-chloroquine rend vraisemblable le rôle que d'aucuns lui ont attribué dans la lutte contre l'infection au COVID-19. C'est leur pouvoir anti-inflammatoire qui est utile et qui serait même de nature à empêcher le virus de se fixer sur les cellules cibles de l'ACE II.

Association à l'azithromycine

Dans les essais cliniques publiés, les meilleurs résultats ont été obtenus par l'association de l'hydroxy-chloroquine à l'azithromycine. Il est donc nécessaire de revenir sur le mode d'action de cet antibiotique, macrolide dérivé de l'érythromycine.

Il a été choisi pour deux raisons :

- il est assez actif contre beaucoup de germes que l'on trouve dans les voies respiratoires et exerce une couverture contre les surinfections ;

- il est possible qu'il possède une action anti virale tel que cela a été étudié (6) dans la défense contre l'infection par le rhinovirus RV16. Il stimule la production d'interféron dont on sait le rôle dans la défense contre la présence d'un ARN étranger, donc un virus.

Bilan des essais en cours

Dès la fin de l'année 2019 le Pr Raoult de Marseille a fait état sur une très petite série d'une diminution de la présence du virus testé par PCR dans le nasopharynx chez des patients traités à l'hydroxy-chloroquine et à l'hydroxy-chloroquine + azithromycine. Sa publication et l'importance qu'il lui a accordée a été vivement critiquée surtout parce qu'il n'y avait pas de groupe contrôle bien qu'il se défende qu'en l'espèce un groupe contrôle aurait pu être éthiquement discutable. Malgré sa réputation de scientifique internationalement reconnue, son look atypique l'a sans doute desservi. Mais son intuition est peut-être géniale ? Cela vaut la peine de l'explorer.

L'équipe du Pr Raoult (7) a repris l'expérimentation sur une série plus importante de patients avec des résultats prometteurs.

La première étude observationnelle était limitée à 26 patients. Elle intègre la présence du virus dans le nasopharynx mais ne décrit pas les signes cliniques des patients.

Une étude chinoise plus importante ne concerne que l'usage de la chloroquine et avait trouvé aussi un raccourcissement du portage (8).

Actuellement de nombreux essais bien conduits sont en cours en Europe. Nous apprenons ce jour que certains sont conduits en double aveugle.

Effets secondaires et limites de ce traitement

La chloroquine et son dérivé hydroxy- ainsi que l'azithromycine ont le même effet sur le myocarde : ils allongent l'espace QT de l'ECG avec le risque de torsade de pointe gravissime. C'est d'autant plus grave que les doses utilisées sont plus importantes (400 à 600 mg/j contre 200 pour la chloroquine) alors que le traitement risque d'être destiné à des patients plus âgés, déjà bradycardes à cause de béta-bloquants qui leur sont souvent prescrits.

Un autre aspect est l'aggravation possible de la DMLA[1] que l'on rencontre davantage dans la même population. On a vu que la chloroquine s'accumule dans la rétine.

L'hypokaliémie est un autre aspect à surveiller.

Ces traitements doivent être suivis sous monitoring cardiaque, ophtalmologique et électrolytique très soigneux. L'automédication est à proscrire même à petites doses surtout si on tient compte de leur très longue demi-vie.

D'autres effets secondaires ont été décrits mais leur importance peut être minimisée compte tenu de la brièveté du traitement et de l'enjeu de la pathologie engendrée par ce virus.

Conclusions

Nous pensons donc après avoir pris connaissance de leur mode d'action que ces traitements pourraient représenter une arme valable de la lutte contre le COVID-19.

Mais cette opinion est purement théorique et devrait être confirmée par des essais cliniques randomisés en double aveugle si possible.

Ces drogues ont l'avantage d'être connues depuis longtemps, elles ne sont pas onéreuses et leur production à large échelle serait aisée, à en croire les industriels.

L'avenir nous dira si l'intuition du Pr Raoult de Marseille a été géniale... ?

Bibliographie

1 - Kuster G.M. and alii,

SARS-CoV2 : Should inhibitors of the renin-angiotensin system be withdrawn in patients with COVID-19

Euop.Heart J. (2020) 0,1-3 doc 10.1093

2 - Tignanelli C.J. and alii,

Anihypertensive drugs and risk of COVID - 19

Lancet Respir Med, publ.on line, March 26, (2020)

3 - Clarck I.A.,

The advent of cytokine storm,

Immunology and cell biology, vol.85,4 (2007) 271-273

4 - AFMPS belge, flash info du 01.04.(2020)

5 - Aubry-Rosier B. et alii,

Les connectivites,

Rev Med Suisse, (2013) 9 :556-560

6 - Menzi M. and alii,

Azithromycin induce anti-viral effects in cultured bronchial epithelial cells from COPD patients,

Sc Rep, (2016), 6: 28698

7 - Gautret P. and alii,

Hydroxy-chloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non randomized clinical trial,

Int J Antimicrob Agents, (2020), march 20: 105949

8 - Zhonghua and alii,

Multicenter collaboration group, (2020) 43E0199

[1] Dégénérescence maculaire liée à l'âge

Un des premiers traitements évoqués a été la chloroquine (Nivaquine®) et son dérivé l'hydroxy-chloroquine (Plaquénil®). C'est à leur propos, compte tenu de l'énorme expérience que l'on a de ces drogues dans d'autres indications (la malaria entre autres) qu'il est possible d'évoquer un mode d'action.Il est nécessaire de se remettre en mémoire pour comprendre ce qui va suivre, le mécanisme délicat du système rénine-angiotensine-aldostérone (Figure1).Figure 1 - Ce système joue un rôle dans les modifications importantes de la tension artérielle, le passage de la position couchée à la position debout, par exemple avec une diminution notable de la tension. L'appareil juxta-glomérulaire du rein sécrète alors de la rénine qui transforme l'angiotensinogène produite par le foie en angiotensine 1. Celle-ci est clivée par une enzyme de conversion (ACE I) présente surtout dans le tissus pulmonaire en angiotensine 2, laquelle peut faire remonter la tension artérielle par un double mécanisme : une vasoconstriction et via le cortex surrénal et l'aldostérone, une action antidiurétique et une modification de l'ionogramme pour obtenir une augmentation de la volémie.Figure 2, il existe également un système dérivé du même schéma qui équilibre les effets déjà décrits. L'angiotensine 2 subit elle-même l'effet d'une enzyme de conversion, l'ACE II.Celle-ci entraine des effets qui équilibrent ceux de l'ACI : vasodilatation, et surtout une augmentation des prostaglandines PGE2 et PGF2alpha . Cela traduit une réaction inflammatoire.Le point d'attaque du COVID 19 est l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 ou ACE II (1)(2).Celle-ci est présente surtout dans les cellules alvéolaires du poumon, un peu dans le pancréas, peut-être dans la muqueuse nasale.Le virus s'étant introduit dans ces cellules via l'ACE II, il va déclencher dans les sites évoqués, une violente réaction inflammatoire que certains ont qualifié " d'orage cytokinique " (3). L'interleukine 6 serait le médiateur clé de ce processus.Cela rend assez bien compte de la pathogénie de cette infection : pneumonie, brutale dans certains cas, rares pancréatites, peut-être l'anosmie.Les patients âgés dont l'immunité a déjà été stimulée au cours des années sont prompts à réagir plus violement à l'inverse des jeunes dont l'immunité " naïve " répond moins durement. C'est l'explication avancée pour expliquer que les enfants sont en général davantage épargnés par le COVID 19.L'importance de cette réaction cytokinique est variable et conditionne la gravité de l'infection qui siège majoritairement dans le parenchyme pulmonaire.Pharmacologie de la chloroquine et de l'hydroxy-chloroquineCes médicaments sont connus depuis très longtemps pour la prévention et le traitement de la malaria ainsi que le traitement de certaines arthrites et du lupus érythémateux.Leur pharmacocinétique est assez semblable, ils sont résorbés par voie orale et leur taux sanguin maximum est rapidement atteint en 1 à 2 heures. Leur temps de demi-vie est assez long, couvre largement un nycthémère de sorte qu'une prise unique par 24 heures est suffisante. Mais leur temps d'élimination du corps est très important parce qu'ils se fixent dans le rein, le foie et la rétine : de UN à DEUX mois !! C'est ce qui explique certains aspects de leur toxicité (4).L'analyse de leur mode d'action comporte deux volets.1) Leur action sur le protozoaire de la malaria est liée à une concentration dans les hématies parasitées. Elle se lierait avec la ferritoporphyrine IX, métabolite de la formation de l'hémoglobine, pour produire un complexe toxique pour le parasite.2) Leur action dans les connectivites (5) le lupus entre autres, est due à un pouvoir anti-tnf (tumor necrosis factor) et inhibiteur de l'interleukine-6. C'est ce que l'on désigne sous l'appellation globale de son pouvoir anti-inflammatoire.Application possible à la lutte anti-COVID-19On a vu que le facteur le plus important qui conditionne la gravité, voir le décès des victimes, est la réaction cytokinique, dans laquelle l'interleukine-6 jouerait un rôle déterminant. Le pouvoir antagoniste de cette interleukine par la chloroquine et l'hydroxy-chloroquine rend vraisemblable le rôle que d'aucuns lui ont attribué dans la lutte contre l'infection au COVID-19. C'est leur pouvoir anti-inflammatoire qui est utile et qui serait même de nature à empêcher le virus de se fixer sur les cellules cibles de l'ACE II.Association à l'azithromycineDans les essais cliniques publiés, les meilleurs résultats ont été obtenus par l'association de l'hydroxy-chloroquine à l'azithromycine. Il est donc nécessaire de revenir sur le mode d'action de cet antibiotique, macrolide dérivé de l'érythromycine.Il a été choisi pour deux raisons :- il est assez actif contre beaucoup de germes que l'on trouve dans les voies respiratoires et exerce une couverture contre les surinfections ;- il est possible qu'il possède une action anti virale tel que cela a été étudié (6) dans la défense contre l'infection par le rhinovirus RV16. Il stimule la production d'interféron dont on sait le rôle dans la défense contre la présence d'un ARN étranger, donc un virus.Bilan des essais en coursDès la fin de l'année 2019 le Pr Raoult de Marseille a fait état sur une très petite série d'une diminution de la présence du virus testé par PCR dans le nasopharynx chez des patients traités à l'hydroxy-chloroquine et à l'hydroxy-chloroquine + azithromycine. Sa publication et l'importance qu'il lui a accordée a été vivement critiquée surtout parce qu'il n'y avait pas de groupe contrôle bien qu'il se défende qu'en l'espèce un groupe contrôle aurait pu être éthiquement discutable. Malgré sa réputation de scientifique internationalement reconnue, son look atypique l'a sans doute desservi. Mais son intuition est peut-être géniale ? Cela vaut la peine de l'explorer.L'équipe du Pr Raoult (7) a repris l'expérimentation sur une série plus importante de patients avec des résultats prometteurs.La première étude observationnelle était limitée à 26 patients. Elle intègre la présence du virus dans le nasopharynx mais ne décrit pas les signes cliniques des patients.Une étude chinoise plus importante ne concerne que l'usage de la chloroquine et avait trouvé aussi un raccourcissement du portage (8).Actuellement de nombreux essais bien conduits sont en cours en Europe. Nous apprenons ce jour que certains sont conduits en double aveugle.Effets secondaires et limites de ce traitementLa chloroquine et son dérivé hydroxy- ainsi que l'azithromycine ont le même effet sur le myocarde : ils allongent l'espace QT de l'ECG avec le risque de torsade de pointe gravissime. C'est d'autant plus grave que les doses utilisées sont plus importantes (400 à 600 mg/j contre 200 pour la chloroquine) alors que le traitement risque d'être destiné à des patients plus âgés, déjà bradycardes à cause de béta-bloquants qui leur sont souvent prescrits.Un autre aspect est l'aggravation possible de la DMLA[1] que l'on rencontre davantage dans la même population. On a vu que la chloroquine s'accumule dans la rétine.L'hypokaliémie est un autre aspect à surveiller.Ces traitements doivent être suivis sous monitoring cardiaque, ophtalmologique et électrolytique très soigneux. L'automédication est à proscrire même à petites doses surtout si on tient compte de leur très longue demi-vie.D'autres effets secondaires ont été décrits mais leur importance peut être minimisée compte tenu de la brièveté du traitement et de l'enjeu de la pathologie engendrée par ce virus.ConclusionsNous pensons donc après avoir pris connaissance de leur mode d'action que ces traitements pourraient représenter une arme valable de la lutte contre le COVID-19.Mais cette opinion est purement théorique et devrait être confirmée par des essais cliniques randomisés en double aveugle si possible.Ces drogues ont l'avantage d'être connues depuis longtemps, elles ne sont pas onéreuses et leur production à large échelle serait aisée, à en croire les industriels.L'avenir nous dira si l'intuition du Pr Raoult de Marseille a été géniale... ?Bibliographie1 - Kuster G.M. and alii,SARS-CoV2 : Should inhibitors of the renin-angiotensin system be withdrawn in patients with COVID-19 Euop.Heart J. (2020) 0,1-3 doc 10.10932 - Tignanelli C.J. and alii,Anihypertensive drugs and risk of COVID - 19Lancet Respir Med, publ.on line, March 26, (2020)3 - Clarck I.A.,The advent of cytokine storm,Immunology and cell biology, vol.85,4 (2007) 271-2734 - AFMPS belge, flash info du 01.04.(2020)5 - Aubry-Rosier B. et alii,Les connectivites,Rev Med Suisse, (2013) 9 :556-5606 - Menzi M. and alii,Azithromycin induce anti-viral effects in cultured bronchial epithelial cells from COPD patients,Sc Rep, (2016), 6: 286987 - Gautret P. and alii,Hydroxy-chloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non randomized clinical trial,Int J Antimicrob Agents, (2020), march 20: 1059498 - Zhonghua and alii,Multicenter collaboration group, (2020) 43E0199[1] Dégénérescence maculaire liée à l'âge