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Denis Mukwege reste un sujet dont nous ne parlerons jamais assez. Jamais, tant que perdurent les atrocités en RDC. Le réalisateur Thierry Michel et la journaliste Colette Braeckman retracent dans un film envahissant le parcours de cet enfant de Bukavu. Ce fils de pasteur protestant, parti étudier la gynécologie en France pour venir en aide à ses soeurs congolaises, exposées à des conditions de maternité déplorables.L'homme qui répare les femmes. La Colère d'Hippocrate exhibe sans fard la réalité de ces fillettes abusées dans le silence des champs du Sud-Kivu, de leurs mères torturées sexuellement par des soldats sans armée, de leurs pères assassinés pour le plaisir de dominer, des innombrables fosses communes de ce pays où " il faut tuer 1.000 personnes pour être nommé général "...Mais les auteurs ne s'abandonnent pas au voyeurisme morbide d'une situation sans issue. La caméra met surtout en lumière la persévérance de ces femmes face à leur bourreau, une société congolaise à mille lieues de l'état de droit, qui s'accrochent à leur existence brisée, la reconstruisent, lui redonnent sens. Ces femmes qui ont investi le Dr Mukwege d'une mission impossible : changer les esprits, émanciper la communauté, renverser le pouvoir établi sur des morts évitables. Ce même régime qui avait poussé Mukwege à s'exiler en Belgique après une tentative d'attentat.En 2012, le ministre congolais de la Santé l'avait gentiment prévenu à la veille d'un discours que le gynécologue devait tenir devant l'assemblée des Nations Unies. " Ne prenez pas la parole. Sinon, qui sait ce qu'il peut vous arriver. " L'avertissement avait eu l'effet recherché, Mukwege avait annulé son intervention, de peur de mettre en danger sa famille. Pourtant, de retour au pays, le docteur était attendu par un peloton d'exécution improvisé, qui par miracle a raté sa cible.Fait marquant pour Mukwege, les femmes sans le sou de sa région natale se cotiseront alors, épargneront le moindre dollar produit par la vente de leurs fruits et légumes. Ces milliers de petites fourmis congolaises s'affaireront jusqu'à lui offrir un billet d'avion. Un appel à l'aide irréfutable. Denis Mukwege rentre au pays où il est accueilli comme un président africain, par des dizaines de casques bleus noyés dans une marée de femmes en liesse. C'est le retour de " papa Mukwege ", leur " messie ", leur " sauveur ".Du massacre perpétré fin des années '90 dans l'hôpital de Lemera, où ses patientes sont achevées sans raison dans leur lit, jusqu'au combat qu'il mène quotidiennement dans son hôpital de Panzi, Denis Mukwege incarne l'espoir de ces femmes sur lesquelles reposent l'économie rurale du Congo, " l'avenir du pays " selon lui.Et comme l'attestent dans ce film le surréalisme des procès (" comment la victime peut-elle crier avec un pénis dans la bouche ?"), le systématisme de la corruption (" contre 100 dollars, la police libère le violeur ") mais surtout la fureur de vivre des femmes congolaises, cet avenir a besoin de notre soutien.Avant-première en présence du Dr Mukwege le 29 mars à Ath (Le Palace, 17h), en présence des auteurs du film le 13 avril à Mons (Plaza Art, 20h), 14 avril à Bruxelles (Vendôme, 20h). Autres dates sur mukwege-lefilm.com