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Les montants de référence ont déjà fait couler beaucoup d'encre. Le législateur les a mis en place par dérogation à la loi AMI pour freiner les dépenses hospitalières. Ce mécanisme institue un contrôle a posteriori de certaines dépenses médicales effectuées pendant une période donnée par les hôpitaux à charge de l'assurance maladie. Il se fonde sur les dépenses réelles de l'hôpital concerné et une moyenne nationale[1]. Ces montants s'appliquent à un certain nombre de prestations qui rentrent dans les "groupes de diagnostic" basés sur les APR-DRG (All Patients Refined Diagnosis Related Group) dont, parmi beaucoup d'autres, les APR-DRG 73 (intervention sur le cristallin) et 516 (ligature tubaire par voie laparoscopique)... L'application de la procédure déboucha pour les Cliniques Saint-Pierre sur l'obligation de rembourser 257 mille euros pour l'année 2016. L'hôpital en question, comme de nombreux gestionnaires et médecins hospitaliers, trouve le système inadéquat et a posé une série de questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle. Ces questions portent sur une série de points techniques. Pour faire court, le système utilise pour déterminer les outliers, une médiane à zéro, ne respecte pas les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi. Ce qui est contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme. Les montants faisant l'objet d'un remboursement ne sont connus que trois ans après les faits. Le système exclut les hospitalisations de jour et les prestations pendant la période de carence (les premiers jours d'hospitalisations du patient). Le système ne tient pas compte du profil de la patientèle ni de la zone géographique desservie. Ils exclut pour cinq APR-DRG les prestations de physiothérapie alors que rien ne justifie cette exclusion en tout cas pour les années 2006, 2007 et 2008.En outre, les montants de référence prévoient des montants à rembourser à l'Inami sont disproportionnés par rapport aux dépassements. Il sanctionne l'hôpital et non pas le médecin prescripteur extra-muros à l'origine de la surconsommation. Enfin, les sanctions sont de type administratif sans les garanties constitutionnelles et internationales idoines.A cela, l'Inami et le "conseil des ministres", via leurs avocats, répondent que le délai de trois ans est nécessaire pour évaluer les dépassements réels. Que le délai imparti avant la décision de faire rembourser l'hôpital n'empêche pas celui-ci de mettre en place un comportement normal puisqu'ils sont au courant que le système s'applique. Ceci implique aussi que la rétroactivité de la loi n'est que formelle. Le choix d'une médiane à zéro est lié au dépassement d'un plancher de dépenses augmenté de 1.000 euros. Le mécanisme n'est pas illégitime en tant qu'il incite les hôpitaux à la prudence. La majorité des actes incriminés, pointe l'Inami, sont la responsabilité de médecins hospitaliers, qu'il y a donc bien une responsabilité du corps médical en interne et que l'hôpital à l'obligation de les contrôler. La Cour constitutionnelle rappelle que le mode de calcul des récupérations opère en réalité en deux temps : une comparaison des dépenses à une moyenne pour déterminer les outliers et à une médiane pour calculer le montant. Le choix de la moyenne est pertinent à pathologie identique. Or la comparaison entre dépenses de l'hôpital et moyenne ne peut être fait précisément qu'a posteriori au moment où toutes les dépenses sont enregistrées. Il n'y a donc pas rétroactivité. D'autant que même sans précision des montants, l'hôpital peut anticiper les conséquences de dépenses exagérées. La disposition a une portée rétroactive mais elle ne contient aucune disposition nouvelle qui soit inconnue des hôpitaux. Et il n'y a pas disproportion des sommes remboursées dès lors que le système tient compte de la réalité des pratiques. Ne pas intégrer les dépenses en hospitalisation de jour n'implique pas une discrimination entre hôpitaux qui disposent ou pas d'une clinique de jour puisque cela n'a pas d'incidence sur le calcul des montants à rembourser (il s'agit en fait d'éviter de déplacer les dépenses vers le service de jour...). Idem pour la présence ou non d'un service de physiothérapie : le législateur peut exclure les traitements de physiothérapie utilisant là son pouvoir d'appréciation. Etant donné qu'il s'agit d'interventions relativement courantes, le type d'hinterland (précarisé ou pas) autour de l'hôpital n'entraîne pas non plus de discriminations entre institutions : il ne s'agit pas de nombre de cas rencontrés mais de montant moyen dépensé par traitement. Enfin, le délai de trois ans critiqué ne paraît pas exagéré pour recontacter le médecin fautif après l'avoir identifié et lui réclamer les sommes à rembourser.En revanche, il y a bien disproportion des montants remboursés dans le cas particulier ou la médiane (qui sert de critère pour calculer le montant à rembourser) est fixée à zéro. En effet, cela conduit certains hôpitaux à rembourser la totalité des dépenses occasionnée et donc de devoir fermer un service ou renoncer complètement à ce type de prestations. Cette modalité viole bien la constitution.La haute Cour ne donne donc raison à l'hôpital que sur cette dernière question préjudicielle...[1] Les moyenne de tous les hôpitaux par groupe de prestations par pathologies et par degré de gravité est établie chaque année. Ces moyennes, majorées de 10% constituent les "montants de référence". Les hôpitaux dont les dépenses totales dépassent ces montants pour l'ensemble des pathologies entrent en ligne de compte pour un remboursement qui remplit les caisses de l'AMI.