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Toujours plus de prises en charge médicamenteuses du TDAH, pour des durées trop longues et avec peu de suivi par les professionnels de santé mentale: tel est le constat de la dernière étude de la MC. "Des conclusions qui doivent interpeller car elles indiquent que la situation en Belgique n'est pas optimale", s'inquiète la mutuelle.La prise en charge médicamenteuse a ainsi augmenté de 20% chez les 6-17 ans entre 2013 et 2022, alors qu'elle n'est pas toujours basée sur des données probantes. De plus, la prise de médicaments se fait souvent sans suivi psychologique, et dure trop longtemps."Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a déjà appelé la Belgique à garantir le fait que la prise en charge médicamenteuse du TDAH se fasse en dernier recours. Ce n'est pas encore une la réalité aujourd'hui", regrette la Mutualité chrétienne dans un communiqué. "Pour ralentir la médication des TDAH, Il est temps, notamment, de former le corps enseignant et médical aux spécificités du TDAH", recommande Claude Rolin, président de la MC. Selon l'estimation de l'étude de la MC, en 2022, 2,4% des jeunes Belges prenaient du méthylphénidate (seuls Rilatine et Equasim sont remboursés par l'AO). Ce recours a augmenté de 20% depuis 2013, davantage chez les filles (+ 40%) que chez les garçons (+ 13%). Par ailleurs, les durées de traitement sont extrêmement longues: par exemple, un enfant sur quatre qui commence son traitement à l'âge de 6 ans restera sous traitement au moins jusqu'à ses 17 ans (limite d'âge du remboursement, et donc des données disponibles pour l'analyse). La durée moyenne de la prise en charge médicamenteuse pour un enfant de 6 ans s'élève à sep ans. "Or, il existe très peu d'études sur l'usage prolongé du méthylphénidate, qui a plusieurs effets secondaires", note la mutuelle.Tout aussi inquiétant, le patient ne fait souvent pas l'objet d'un suivi systématique par un professionnel de la santé mentale. "Alors que la littérature scientifique et les guidelines insistent sur la nécessité d'un suivi attentif et régulier, en 2022, seule la moitié des enfants ont eu une consultation avec un psychiatre, et moins de 15% un rendez-vous avec un psychologue. Pourtant, à long terme, l'efficacité du suivi psychologique semble être comparable à celle du traitement médicamenteux."L'étude montre que les jeunes de 10 à 15 ans sont les plus à risque de recourir à un traitement par médicament, risque peut-être lié au stress scolaire augmenté par le passage du CEB / la transition entre le primaire et le secondaire. En outre, les garçons nés entre les mois d'octobre et décembre sont les plus à risque de suivre un traitement médicamenteux, une tendance déjà révélée dans d'autre pays où ce risque a aussi été confirmé pour les filles. Ici encore, l'école pourrait jouer un rôle, ces enfants se retrouvant les plus jeunes de la classe. Des experts s'accordent à dire qu'il serait possible que dans certains cas, " l'immaturité développementale soit étiquetée à tort comme un trouble mental et traitée inutilement avec des médicaments stimulants " (Whitely, Lester, Phillimore, & Robinson, 2017).Il existe également une différence entre la Flandre d'une part, et Bruxelles et la Wallonie d'autre part. En 2022, 2,9% des enfants flamands âgés de 6 à 17 ans prenaient un médicament, contre seulement 1,1% des enfants wallons et 0,6% des petits Bruxellois. Ces différences ne peuvent s'expliquer par des raisons médicales et sont donc en partie liées aux pratiques diagnostiques.Dans son étude, la mutuelle relève aussi avec inquiétude une augmentation du nombre de cas de polymédication avec d'autres psychotropes: 8% des enfants traités pour TDAH, indépendamment de leur âge, avaient également recours aux antipsychotiques en 2022, soit le double par rapport à 2013. Par ailleurs, 5% des 15-17 ans sous traitement avaient aussi recours à des antidépresseurs. Des chiffres d'autant plus inquiétants que les enfants plus défavorisés ont deux fois plus de risque d'avoir recours à des antipsychotiques au cours de la même année où ils sont traités avec le méthylphénidate..."Et l'étude pourrait présenter une sous-estimation par rapport à la situation réelle", note la MC, un des plus grands problèmes étant le manque de transparence des données concernant les ventes de médicaments en Belgique. "Deux médicaments contenant du méthylphénidate sur quatre sont remboursés par l'assurance obligatoire, mais nous ne disposons pas de données concernant les médicaments non remboursés. Cela vaut également pour les médicaments anxiolytiques dont l'usage simultané avec le méthylphénidate se généralise, selon les données venant d'autres pays."Il essentiel d'aborder la question du renforcement des connaissances des enseignants sur le TDAH et sur les risques de surdiagnostic du TDAH (notamment chez les jeunes nés au cours du dernier trimestre de l'année), sur les possibilités d'un accompagnement possible pour les enfants, sur les besoins des enfants TDAH et plus globalement sur la santé mentale et notamment le rôle de l'école dans la prévention des troubles psychiques. "Pour cela il est nécessaire d'élargir les possibilités d'adaptation du milieu scolaire aux besoins des enfants et de sensibiliser les directions et les enseignants aux risques de la pression scolaire chez les adolescents", conclut la MC.