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Le CHU de Liège et le CHR Citadelle se donnent à présent deux ans pour convoler. Pour le meilleur. Et le pire ? Faute de finalisation de l'accord médical d'ici 2025, chacun pourrait, sur le papier, " reprendre ses billes ", mais ce n'est clairement pas le but affiché. Au contraire : c'est d'une même voix et en bonne intelligence que les présidents respectifs des CA du CHU et du CHR, le Pr Philippe Boxho et Jean-Pierre Hupkens, ont présenté les premiers pas d'une convergence qui, en Cité ardente, semble toute naturelle. Comme en témoigne le lieu, hautement symbolique, choisi pour présenter la signature : face à l'ancienne maternité de l'hôpital de Bavière, ancêtre historique des nouveaux fiancés, et avec vue sur la Citadelle qui abrite le CHR (dont le CHU est actionnaire à 35 %, quand on vous dit que ces deux-là se fréquentent depuis longtemps)." L'accouchement ne fut pas simple, mais la mère et le bébé se portent bien, pour parler en termes médicaux ", entame d'emblée le Pr Boxho, qui souligne que c'est à l'unanimité que les deux CA se sont prononcés le matin même, y compris les quatre médecins qui en font partie côté CHU. Un long processus qui ne fut certes pas un long fleuve tranquille, mais qui a été guidé par l'intérêt du bassin liégeois : " Nous avons la chance d'avoir un certain nombre d'institutions, dont deux de premier ordre avec le CHU et le CHR ", rappelle J.-P. Hupkens. " Il nous apparaissait indispensable de réunir ces forces pour se positionner significativement dans le bassin de soins et avoir les niveaux d'excellence nécessaires pour rester ancrés à Liège. "Et Philippe Boxho de recontextualiser la nécessité de ne faire plus qu'un, à terme, notamment à cause de la raréfaction du personnel soignant et des médecins : " C'est la volonté du fédéral d'avoir un nombre de médecins limité alors qu'on se rend compte partout qu'il manque de médecins. Et il en manque énormément, les patients attendent parfois très longtemps. C'est une véritable catastrophe, dont le politique ne veut pas se rendre compte. À nous d'assurer, dans notre région, la santé de la population et qu'elle ait accès à des soins de qualité. "La crise hospitalière actuelle, dont la sévérité fut mise en lumière le mois dernier par l'étude Maha, est loin d'être banale. " Le coût des énergies a augmenté de façon cataclysmique, les salaires également ", poursuit le président du CA du CHU. " Il faut pouvoir rationnaliser, tout en se rendant compte qu'on ne peut plus faire de tout, partout. On n'en a pas les moyens humains, il faut rassembler les compétences. Le CHU et le CHR étaient auparavant une seule institution, c'était Bavière. Une histoire commune, tumultueuse - mais nous sommes Liégeois, aussi (sourire) -, mais des points de rapprochement doivent nous réunir. On n'a pas dit que ce serait facile, le chemin est parsemé d'embûches, mais comme disait l'autre, c'était impossible mais ils l'ont fait, sans doute parce qu'ils ne savaient pas que c'était impossible. On va y arriver, je n'en ai aucun doute, car la volonté d'y parvenir est là. "La mise en réseau pour créer des " bassins de soins ", concept né au milieu des années 2000 sous Demotte puis coulé dans la loi sur les réseaux hospitaliers locorégionaux par Maggie De Block en 2019, est plus que jamais boostée par le fédéral, qui mise sur les partenariats pour soutenir financièrement des " Pôles d'excellence "." Ne perdons pas de vue ce que veut Vandenbroucke ", prolonge le Pr Boxho, " la normalisation des soins de santé, avec des centres d'excellence : 'combien de patients traitez-vous par an ? Si vous n'atteignez pas le chiffre fatidique, vous perdez la reconnaissance, si vous l'atteignez, ces secteurs sont subventionnés.' Il y a donc là un véritable intérêt à se regrouper. Puisqu'on fait la même chose des deux côtés, faisons-le ensemble ! Développons ce qu'il faut, avec une excellence qui sera au rendez-vous. "La fusion n'est pas qu'une affaire de services administratifs. " Nous sommes dans un déploiement, dans un environnement financier certes particulier, l'idée d'avoir un pôle de soins qui peut drainer toute la patientèle du bassin de vie est un élément de l'équilibre financier ", assure de son côté Jean-Pierre Hupkens, le président du CA du CHR. Par ailleurs, la convergence des deux principaux acteurs du réseau formé depuis presque deux ans avec André Renard et le CHBA mais aussi Huy, Verviers et Malmedy - soit le plus gros réseau de Wallonie - va lui permettre de prendre son envol et trouver son rythme de croisière.La forme juridique d'une coopérative a été retenue pour la future structure faîtière. L'accord engrangé sur la convention va désormais permettre de la porter un pont plus loin. " Nous allons pouvoir solliciter les agréments des autorités de tutelle pour poursuivre notre chemin et, grâce à deux médiateurs que nous allons solliciter, dénouer les quelques noeuds qui subsistent encore, même ils sont loin d'être négligeables ", poursuit J.-P. Hupkens. Pas mal d'avancées ont été enregistrées en amont de la signature de ce mercredi, des " quick wins " et fusions anticipées de services, par exemple sur les centrales d'achats, la communication, la médiation, le SIPPT, les formations et les services 'support'. À noter par ailleurs que plusieurs services universitaires sont déjà situés, de longue date, au CHR Citadelle. Parmi les points encore à régler, et non des moindres, l'organisation et le statut des médecins, les systèmes de rémunération, le conseil médical... " Le système de répartition des revenus pour les médecins, c'est un problème sensible, même s'il est sans doute en partie fantasmé - on a toujours l'impression que l'autre gagne plus que soi -, mais je suis convaincu que c'est surmontable ", insiste le président du CA du CHR. " Les travaux préalables - les revenus et statuts ont été comparés - montrent qu'il n'y a pas de 'gap' phénoménal, loin de là. "La constitution du conseil médical a beaucoup retenu l'attention, sur la façon de tenir compte de l'importance relative des deux institutions, mais l'accord n'a finalement pas pu aboutir. Des facilitateurs devront poursuivre les négociations entre les deux conseils actuels. Un organigramme commun a été mis sur pied pour le management, il faut à présent le mettre en oeuvre. Le quotidien d'une fusion nécessite une réflexion sur les services médicaux et leur (ré)organisation : "On s'est mis d'accord sur les doubles chefferies et la répartition des compétences suprarégionales ", pointe encore Jean-Pierre Hupkens. " Beaucoup de choses qui ne sont pas d'ordre conflictuel, mais qui demandent encore du travail. De même pour le principe d'une caisse commune. "" Il faut que l'on arrive à vaincre les peurs de tout le monde ", embraie Philippe Boxho. Et le légiste, qui a autopsié les reliques de saint Lambert et étudié le Saint-Suaire, d'emprunter l'encyclique de Jean-Paul II, histoire de détendre un peu l'atmosphère : " J'ai envie de dire : 'N'ayez pas peur'. Je ne suis pas Jean-Paul II mais clairement, c'est un peu ça : ça va se faire dans le respect de chacun, des contrats de chacun, dans les meilleures conditions ", rassure-t-il." Dans la structure mise sur pied, les organes sont composés de manière paritaire. C'est rassurant pour ceux qui ont des craintes ", signale le président du CA du CHR. " Tout sera négocié, rien ne se fera à la hussarde. Des solidarités s'organisent déjà, quand il manque des infirmières dans certains secteurs, par exemple. Les liens sont historiquement forts dans les deux institutions soeurs. On va pouvoir l'amplifier, et toujours en concertation. Les organisations syndicales sont favorables car elles savent que c'est l'avenir. Ce qui va se produire, c'est un dépassement. Les gens pensent que les structures vont se survivre au sein d'une structure commune mais non, c'est une structure nouvelle et ce n'est que comme cela qu'on peut réussir le pari. Un pari essentiel en termes de santé, d'emploi et de positionnement, notamment sur la recherche de pointe car c'est un hôpital universitaire appelé à prendre davantage d'ampleur. Et nous pourrons alors nous déclarer heureux. "