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En Belgique, une femme sur sept développe un cancer du sein au cours de sa vie, soit plus de 10.000 patientes par an. Sont-elles mieux loties quand elles s'adressent à une Clinique du sein qui dispose de l'agrément officiel ? Le KCE s'est penché sur l'impact de cet agrément sur la survie et la qualité des soins. Dix ans après son premier rapport qui montrait un risque de mortalité plus élevé dans les hôpitaux à faible volume d'activité, le Centre fédéral d'expertise a également étudié l'impact du volume d'activité des différents établissements de soins sur la survie et la qualité de la prise en charge.Les résultats de la nouvelle étude, qui porte sur 3.973 patientes avec un diagnostic de carcinome canalaire in situ (CCIS) et 46.035 patientes avec un diagnostic de cancer du sein invasif (2014-2018), sont accablants : les femmes traitées dans un site hospitalier sans agrément pour le cancer du sein ont un risque de mourir de ce cancer du sein de 30 % supérieur à celui des patientes traitées dans une clinique du sein agréée dite " coordinatrice " (minimum 125 nouveaux diagnostics de cancer du sein par an). Or 1.815 femmes - soit près d'une patiente sur cinq - ont été traitées en dehors d'une clinique agréée (cliniques qui ne sont pas interdites par le législateur, NdlR).Le KCE précise que sur 60 sites non agréés qui ont traité des femmes, 87 % étaient en dessous du volume de 60 nouveaux diagnostics par an (le critère d'agrément des cliniques dites " satellites "). Une patiente sur huit a été prise en charge dans un tel centre, qui voit donc à peine un cas (voire moins) de tumeur mammaire par semaine... Les patientes, déjà sous le choc de l'annonce du diagnostic, n'ont donc aucune garantie de bénéficier de l'encadrement et des services qui relèvent d'une obligation légale dans les Cliniques du sein agréées.Au-delà de l'agrément, le volume d'activité et l'expertise qui en découle constituent aussi un gage de qualité : le risque de mourir de ce cancer du sein est supérieur de 30 % chez les femmes traitées sur un site hospitalier à volume moyen (entre 60 et 125 nouveaux diagnostics par an) en comparaison avec celles qui sont prises en charge sur un site à volume élevé (au moins 125 nouveaux diagnostics par an). Sur un site hospitalier à faible volume (moins de 60 nouveaux diagnostics par an), ce risque grimpe même à 44 %.Par ailleurs, le rapport du KCE note encore que 20 des 52 Cliniques du sein " coordinatrices " n'atteignaient pas le seuil d'activité requis (soit 125 nouveaux diagnostics par an). Pire, trois étaient même en-deçà de 60 nouveaux diagnostics par an, tout comme trois des 13 cliniques " satellites ".La survie cinq ans après le diagnostic est clairement plus élevée chez les femmes prises en charge dans une Clinique du sein " coordinatrice ". Pourquoi ? La littérature scientifique internationale pointe l'approche multidisciplinaire, une meilleure conformité aux processus de soins evidence-based, le niveau de spécialisation ou encore l'apprentissage par la pratique." Chacune des 10.000 femmes qui se voient diagnostiquer un cancer du sein chaque année mérite le meilleur de ce que l'oncologie médicale et chirurgicale est capable d'offrir en Belgique (...) sans avoir à s'interroger sur ses chances de survie en fonction de l'hôpital auquel elle s'adresse ", souligne le KCE en préface de son rapport.Les résultats de l'étude appellent des mesures adéquates, visant à trouver un " équilibre entre qualité & proximité des soins ", éventuellement en réorganisant les réseaux hospitaliers locorégionaux. Le KCE formule donc plusieurs recommandations à destination des autorités tant fédérales que fédérées, dont celle de procéder à de " fréquents audits et inspections pour contrôler le respect des critères d'agrément ", a souligné Isabelle Savoye, coauteur du rapport, lors d'une conférence de presse, et jusqu'au " retrait de l'agrément lorsqu'un site ne répond plus aux critères ".Le Centre fédéral d'expertise préconise que la COM qui préside au plan de traitement - " de préférence avec le médecin généraliste " - et la chirurgie (sein & ganglions lymphatiques) soient désormais exclusivement réservées aux cliniques dites coordinatrices, les procédures diagnostiques et de stadification, la radiothérapie, les thérapies systémique et le suivi pouvant être organisés aussi au niveau de cliniques qui seraient dites " affiliées " (disposant d'un programme de soins oncologiques, en plus d'une convention avec une clinique coordinatrice du même réseau). Les cliniques " satellites " disparaîtraient donc. Enfin, Isabelle Savoye a rappelé l'importance de mettre la liste (tenue à jour) des Cliniques du sein agréées à disposition. Think Pink dispose également d'une liste des cliniques agréées à destination des femmes touchées par un cancer du sein.Sabine Stordeur, experte au KCE, précise de son côté que l'Aviq a rapidement réagi à l'absence de Clinique du sein agréée au Luxembourg et, déjà, " demandé les volumes d'activité pour voir quel site pourrait être agréé ".Si la Flandre a d'ores et déjà annoncé que les résultats de ses hôpitaux seraient rendus publics pour informer les femmes, du côté de Bruxelles et de la Wallonie, la balle est dans le camp de la PAQS. Mais " le Registre du Cancer envoie un feedback individualisé et désanonymisé à chaque hôpital ", souligne Mme Stordeur. Dans son rapport, le KCE invite les associations de médecins à elles aussi se pencher sur ces feedbacks. " On a déjà vu des hôpitaux arrêter certaines activités en cas de volume trop faible - un cercle vertueux avant que le couperet ne tombe via les autorités. " Et d'ajouter : " Nous sommes certains que nos recommandations vont être suivies d'effet. "Effet qui ne s'est effectivement pas fait attendre, puisque le ministre Frank Vandenbroucke a de suite réagi : " Nous devons mettre un terme au traitement du cancer du sein en dehors des cliniques du sein agréées ", a communiqué son cabinet. " Les hôpitaux qui n'ont pas d'agrément ne pourront plus à l'avenir établir de plan de traitement pour le cancer du sein et ne pourront donc plus poser de diagnostic ni opérer. Nous allons passer à l'action immédiatement en cessant de rembourser le traitement du cancer du sein en dehors des cliniques du sein agréées. " À noter que parmi les recommandations, le Registre du Cancer demande à disposer de data plus complètes et standardisées, notamment au niveau de la nomenclature, des stades cliniques, des récepteurs identifiés, des rapports d'anatomopathologie, des récidives et des PROMs et PREMs aux fins d'amélioration continue de la qualité des soins.