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Télétravailler présente de nombreux avantages pour les employés : une certaine flexibilité, un environnement de travail plus agréable pour certains, une économie d'argent pour d'autres et un impact sur la mobilité et la qualité de l'air non négligeable. Dans une étude récente menée par Orange Belgium publiée sur le site de People sphere, près de huit entreprises sondées sur dix (79%) indiquent que leur personnel continuera à travailler à domicile plus souvent. 83% des répondants sont convaincus que les horaires de travail deviendront plus flexibles. En 2018 déjà, selon une enquête du SPF Mobilité, près de 17 % des employés télétravaillaient. La plupart, à savoir 12 %, en moyenne un jour par semaine. Ce changement a permis une diminution de 5% des déplacements domicile - travail, soit un impact non négligeable sur les déplacements quotidiens. Cependant si les avantages sont considérables, quelques conséquences néfastes sont à déplorer telles que l'isolement ou encore le surmenage. Catherine Hellemans1, professeure de psychologie du travail à l'ULB : " Lorsqu'un employé télétravaille deux à trois jours par semaine, l'isolement peut être un risque. Il y a une perte de lien social au travail ; les collègues ou encore les gens que l'on croise à l'heure de midi ne sont plus là, mais il y a aussi l'isolement par rapport aux discussions liées aux conditions de travail. Si on se retrouve face à un problème, on sera seul ou moins solidaire pour porter la problématique. L'union fait la force comme on dit en Belgique. Par ailleurs, je vois l'isolement à d'autres niveaux, comme être isolé des décisions des ressources humaines en termes d'opportunités et de nouveaux défis. Le travailleur peut être oublié, en dehors des tâches de base qui lui ont été confiées. Il ne sera plus au courant de ce qui se passe, tout simplement parce qu'il n'est pas sur le lieu de travail. " Il y a un risque de dématérialisation de la personne qui devient en quelque sorte un être virtuel. " Par ailleurs, ce que l'on peut imaginer c'est qu'il soit moins bien armé pour le travail collaboratif. Tout dépend bien évidemment des outils en possession du travailleur. En télétravail, on peut envoyer un mail ou avoir un système de Messenger, mais on va hésiter davantage à déranger un collègue. Il n'y a plus, comme au bureau, de spontanéité pour aller poser une question. "Durant le confinement, le télétravail s'est fait avec les moyens du bord pour de nombreuses personnes. Cette situation a créé des inégalités évidentes. Le Dr Tatiana Roy, médecin biologiste à la Clinique Saint-Pierre à Ottignies, s'est sentie interpellée par cette problématique pendant le confinement : " En ce qui me concerne, il m'était impossible, par exemple, de faire passer des entretiens à distance, car je ne suis pas équipée pour faire des interviews vidéo et donc je n'aurais pu faire que des contacts audio, d'autant plus que la connexion n'était pas toujours satisfaisante. Par ailleurs, je suis très sensible au langage non verbal, je pense que cela apporte énormément d'informations. Il faut reconnaître que le télétravail peut être un atout pour les personnes qui effectuent des tâches nécessitant de la concentration ou sans interruption. D'autre part, on ne perd pas de temps en déplacement, tout en faisant des économies sur ces frais-là. Cela demande malgré tout de l'organisation et une bonne gestion du temps de travail pour éviter le surmenage ", ajoute le Dr Roy . Le médecin biologiste reconnaît également qu'il y a des professions pour qui ce mode de fonctionnement convient parfaitement . " comme les informaticiens par exemple, qui s'en sont très bien sortis car ils peuvent se connecter de chez eux pour travailler sur leurs applications. J'ai pu cependant constater que pour certaines personnes, comme les délégués commerciaux avec qui je suis en contact, le télétravail n'était vraiment pas évident car ils étaient souvent distraits par les enfants dont ils devaient s'occuper à la maison. "Catherine Hellemans admet également que durant le confinement le télétravail n'était pas toujours facile à gérer pour tout le monde : " Il est clair que quand on a des enfants en bas âge et qu'on est dans un petit appartement, ou quand il y a du monde à la maison avec des ados, le mari et que l'on doit partager la connexion internet ou le PC, la situation n'est pas facile à gérer. Mais les conditions de télétravail ne devraient plus être les mêmes par la suite. Les enfants en bas âge vont généralement retourner à la crèche et l'organisation de la famille va se rétablir. Normalement, une convention collective régit les conditions du télétravail et, en général, il y a une discussion avec l'employeur pour qu'il fournisse le matériel : le PC portable et éventuellement la connexion internet, voire une chaise de bureau. Ce sont des aspects qui devraient être mieux pris en compte à l'avenir. " " Une autre problématique de l'isolement, au-delà des relations sociales, c'est le manque d'hygiène de vie ", poursuit la psychologue , " En télétravail, on court le risque de ne plus sortir de chez soi. Quand on va travailler, on bouge, on croise des gens, à midi on va acheter un sandwich, on voit autre chose que ses quatre murs. En télétravail, on risque de ne plus développer d'activité physique, de grignoter et de mal manger. C'est important de le mentionner car les occidentaux, et spécialement les citadins, ont déjà une activité physique insuffisante. "" Et enfin, la mauvaise gestion de son temps est une autre conséquence néfaste à signaler. Deux extrêmes peuvent naître, d'un côté ne pas poser de limites dans les heures de travail ou au contraire être trop laxiste. Certaines personnes ne se déconnectent plus du tout de leur travail. Elles commencent à travailler plus tôt et les heures sont prolongées car il n'y a pas d'horaires de bureau. Et si la personne ne s'impose pas de règles de vie ou des horaires de travail, cela peut entraîner un moindre temps de repos, un sommeil de mauvaise qualité et un risque de conflit avec le conjoint ou les enfants. C'est un aspect important à prendre en considération par rapport à la problématique du burnout. Par ailleurs, il existe le risque inverse de s'adonner à l'oisiveté ou de faire totalement autre chose. Il est important de garder des règles de vie et aussi de connaître les règles de son entreprise. Prendre trop de liberté en termes d'horaires par rapport à son entreprise peut être compliqué dans le cas où la personne doit être disponible pour répondre à ses collègues. Le télétravail demande une certaine discipline. "