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Il y a un an, la première cohorte de spécialistes dûment formés en alcoologie était diplômée. Les lauréats de la promotion 2016-2017 étaient en effet les premiers à terminer avec succès le cursus du Certificat interuniversitaire en alcoologie organisé par la SSMG, en étroite collaboration avec l'ULB, l'UCL et l'ULiège.Cette formation interdisciplinaire s'adresse aux professionnels (para) médicaux pour les aider à mieux déceler et prendre en charge les mésusages de l'alcool. L'objectif est double : fournir des notions théoriques et les intégrer dans la pratique de terrain en renforçant le dialogue entre praticiens et spécialistes pour créer un travail en réseau. Elle se décline en huit modules (vendredi et samedi) pour un total de 103 heures, réparties sur 12 jours entre le 18 octobre 2019 et le 16 mai 2020. Un travail de in d'études permet aux candidats de valider leur certificat.Pour le Dr Thomas Orban (Cellule alcool de la SSMG), les deux points forts du certificat sont la multidisciplinarité qui transparaît dans les cours donnés par des enseignants venant d'horizons divers (gastro-entérologues, neurologues, psychiatres, généralistes, psychologues...)- et la création d'un réseau d'alcoologues : " Aujourd'hui, je travaille avec des confrères qui ont fait ce certificat. Cette année, nous avons organisé une première journée de formation continue pour les 'alumnis' (bilan alcool d'un patient, comment le gérer en médecine de première ligne...). Ce sont des activités qui permettent de donner naissance à ce réseau qui part de la base, de la rencontre entre les participants. "Pour cette édition, les organisateurs ont décidé de mettre plus l'accent sur la remédiation cognitive, dans un souci d'intégrer les avancées récentes de la recherche en neuropsychologie des addictions en pratique clinique : " Il est désormais établi que les patients souffrant de troubles sévères de l'usage d'alcool (TSUA) présentent une vaste gamme de troubles cognitifs, englobant des fonctions perceptivo-motrices, attentionnelles, mnésiques, mais aussi exécutives (par exemple concernant l'inhibition, la flexibilité ou la planification) ", expliquent-ils. " Il est également démontré que ces troubles neuropsychologiques jouent un rôle majeur dans le développement de la pathologie, mais également dans son maintien puisqu'ils favorisent la rechute. Sur base de ce constat, de nouvelles perspectives de recherche appliquée ont été récemment développées, avec pour objectif de proposer une évaluation et une réhabilitation des processus cognitifs déficitaires, et ainsi améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients. "On n'en est encore qu'aux prémices, la remédiation cognitive commençant seulement à être implémentée en pratique clinique, en complément de la prise en charge classique. A l'avenir, elle pourrait faire appel aux nouvelles technologies comme l'exposition à des situations à risque de consommation d'alcool dans un environnement de réalité virtuelle et aux techniques de neuromodulation (stimulation magnétique transcrânienne ou stimulation transcrânienne à courant continu, pour stimuler l'activité cérébrale et améliorer l'efficacité de la remédiation cognitive)." La maladie de l'alcool est mal connue par le grand public et les soignants. Plus de gens devraient être formés à l'alcoologie ", estime le Dr Orban, " parce qu'on comprend alors mieux le fonctionnement d'un patient alcoolodépendant, par exemple, pourquoi il arrive en retard, sans ses papiers... Il ne s'agit pas de problèmes de caractère mais bien de troubles neurocognitifs liés à l'alcool, cela fait partie de la maladie et la prise en charge doit donc être tout à fait différente. "" J'ai pris l'habitude de faire le dépistage de ces troubles neurocognitifs de manière succincte, et dès qu'il faut un bilan plus complet, je renvoie vers un spécialiste. Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de neuropsychologues vraiment formés et intéressés à faire du dépistage de troubles neurocognitifs liés à l'alcool. Ces troubles peuvent apparaître de manière modérée assez rapidement, mais ils peuvent se développer de manière beaucoup plus sévère sur le long terme et handicaper le patient dans l'évolution de sa pathologie et surtout dans la possibilité pour lui d'aller mieux. Avoir un tel bilan permet de mettre en place une remédiation cognitive ".