Il nous aura fallu longtemps pour comprendre le parcours du patient à Taïwan. Mais finalement, cela se révèle assez simple : il n'y a pas de médecin généraliste soliste travaillant à son cabinet. Ni même en pratique de groupe. Le premier échelon de soins, c'est la clinique. Il y en a plus de 30.000 à Taïwan. Certaines sont spécialisées en ophtalmologie, en dentisterie. Ici, le patient sait où il a mal et donc vers où se diriger. On retrouve à cet échelon à la fois des médecins généralistes et des spécialistes. La seconde ligne est, elle, découpée en fonction de zones géographiques : des hôpitaux locaux (de district), régionaux, et enfin, les grands centres médicaux qui se retrouvent dans les plus grandes villes.

La couverture universelle made in Taiwan

La NHI couvre 99,9% de la population taïwanaise au niveau des soins ambulatoires, hospitaliers, des services dentaires, de la médecine traditionnelle chinoise ou encore des soins de maternité. L'inscription est obligatoire pour tous les citoyens et résidents légaux. "Notre système d'assurance nationale est basé sur la prime d'assurance. Cette prime est calculée en fonction du salaire de chaque citoyen ", détaille le Dr Chen Shihchung, ministre tawaïnais de la Santé. " L'employeur, le gouvernement et le citoyen participe conjointement au paiement de cette prime qui s'élève à 4,69 % du salaire. "

Au sein des bureaux de la NHI, nous apprenons que le système requiert un co-paiement de la part du patient. Co-paiement qui varie entre 1,30 euros pour les soins dentaires, la médecine traditionnelle chinoise ou des soins ambulatoires dans un hôpital local ou dans une clinique, à 14 euros pour une prise en charge aux urgences non urgente. Intéressant : la constitution taïwanaise empêche la création d'un système gatekeeper. La liberté laissée au patient d'aller directement aux urgences s'il le souhaite est un droit fondamental sur l'île, bien qu'il existe des volontés de changer ce système. La NHI propose ainsi un malus aux patients se rendant dans les hôpitaux directement sans référence d'un médecin généraliste. Ainsi, au lieu de payer 4,30 euros, le patient déboursera 10,70 euros, soit plus du double s'il se rend directement dans un grand centre médical pour une consultation. Une manière de conscientiser le patient.

L'hôpital chrétien de Yuanlin est un hôpital blinquant, tout neuf, avec un appareillage technologique de pointe., LZ
L'hôpital chrétien de Yuanlin est un hôpital blinquant, tout neuf, avec un appareillage technologique de pointe. © LZ

Tous ne payent cependant pas le même tarif. Il y a d'abord des exemptions pour les zones reculées (montagnes, zones disposant de ressources médicales jugées inadéquates). Car les déserts médicaux sont également présents à Taïwan, d'une part car l'île est coupée en deux - par la plus grande chaîne de montagne d'Asie après l'Himalaya - et d'autre part car la population taïwanaise indigène, très minoritaire et moins bien lotie malgré les récents efforts du gouvernement, a historiquement un moins bon accès à la santé. Deuxième exemption : les bas revenus. " Ceux qui ne sont pas capables de contribuer au paiement de cette prime bénéficie de mesures pour leurs soins de santé, tels des subsides ou des réductions de prime. C'est le cas notamment des personnes handicapées ou à bas revenus ", explique le ministre.

En se baladant à Taipei, la capitale, tard le soir, on peut encore trouver des cliniques ouvertes, tout comme ici, ce cabinet de dentisterie ouvert à minuit., LZ
En se baladant à Taipei, la capitale, tard le soir, on peut encore trouver des cliniques ouvertes, tout comme ici, ce cabinet de dentisterie ouvert à minuit. © LZ

Pérenne ?

Pour fonctionner, ce système s'appuie non seulement sur les primes d'assurance, mais également sur les revenus issus des assurances complémentaires - privées -, des revenus de la loterie nationale et des taxes imposées sur le tabac. Le fait que le système soit à payeur unique géré par le gouvernement assure des frais d'administration réduit - de l'ordre de 1% du budget. " Nous avons également un organe de contrôle qui veille à l'équilibre budgétaire de ce système. Chaque année, le budget est discuté et une somme plafond est fixée ", complète le Dr Chen. " En cas de dépassement, ce sont les institutions médicales qui paient la note. C'est un moyen efficace de contrôler nos dépenses. Mais cela veut également dire que de nombreuses institutions sont en désaccord avec le gouvernement. En attendant, les patients, eux, sont 85 % à se montrer très satisfaits de la NHI, tandis que le personnel médical atteint péniblement la barre de 30 % de satisfaction. Il incombe bien sûr au gouvernement de garder l'équilibre entre les désidérata de chacun. Dans ce cas précis, il faudrait augmenter la prime d'assurance pour satisfaire les exigences des institutions de santé, mais ce n'est pas une tâche facile pour un gouvernement. "

La NHI tente de contrer la surpopulation hospitalière par un co-paiement plus élevé si le patient se rend directement à l'hôpital sans passer par une clinique pour obtenir la référence d'un médecin., SI 7
La NHI tente de contrer la surpopulation hospitalière par un co-paiement plus élevé si le patient se rend directement à l'hôpital sans passer par une clinique pour obtenir la référence d'un médecin. © SI 7

Un tel système pourrait pousser les médecins à fuir le pays, mais ce n'est apparemment pas le cas, nous assure le ministre. " Ils ne sont pas si nombreux à partir. En fait, il y a plus de médecins qui retournent à Taïwan que de médecins qui partent pour l'étranger. "

Quid sur le terrain ?

84% des hôpitaux et 98% des cliniques dépendent du secteur privé. Bien que la NHI couvre certains frais, les hôpitaux semblent se démener tant et plus pour offrir de nouveaux services à leurs patients. On arrive donc à trouver des chambres d'hôpital luxueuses, avec frigo et salon, entre divers nouveaux outils technologiques pour un coût avoisinant les 400 euros la nuit. Non couverts par la NHI, il va sans dire.

À la rencontre de ce modèle particulier, le Yuanlin Christian Hospital (YCH) se dresse sur la route. Jeune hôpital privé âgé de 2 ans et demi à peine, il compte 209 lits. L'hôpital est affilié à l'église presbytérienne mais " il n'y a pas de prosélytisme, la liberté philosophique est garantie ", assure Ke Chi-hung, vice-directeur des relations publiques du Changhua Christian Hospital (CCH), dont le YCH fait partie. Le CCH compte plusieurs branches dans le centre du pays - pour un total de 3.700 lits et 8.000 employés. C'est le deuxième plus grand réseau du pays.

Les chambres présentées, pas seulement à l'hôpital chrétien de Yuanlin, présentaient des outils technologiques de dernier cri. Choisir son repas grâce à la console, acheter une minerve de couleur bleue plutôt que de couleur verte : de bonnes idées, d'autres plus dispensables., LZ
Les chambres présentées, pas seulement à l'hôpital chrétien de Yuanlin, présentaient des outils technologiques de dernier cri. Choisir son repas grâce à la console, acheter une minerve de couleur bleue plutôt que de couleur verte : de bonnes idées, d'autres plus dispensables. © LZ

Dans cet hôpital blinquant, ce qui frappe, ce sont les outils technologiques. Ils sont partout ! Pour l'accueil de la presse, un panneau affichait un message personnalisé. Pour commencer la présentation, quelques pas plus loin, Ke Chi-hung nous postait devant un écran XXL pour nous montrer film narrant les plus-values de l'hôpital.

Mais la vraie attraction, c'est le Dr Hsieh Ming-chia, directeur adjoint de l'hôpital chrétien de Yuanlin et diabétologue. Nous le rencontrons pour avoir un aperçu du Centre d'éducation sur le diabète, dont il est à la tête. Médecin aux allures rockstar, qui n'a pas sa langue da la poche, il nous apparaît fatigué, mais le sourire aux lèvres. " Je suis vraiment fatigué...J'ai vu 140 patients ce matin, en six heures. " Voir autant de patients, en six heures, dans un hôpital qui affirme mettre le patient au centre de ses préoccupations, voilà qui est étonnant ! " Dans les pays asiatiques, c'est une obligation de chercher la manière intelligente de traiter un problème. En tant que patient, si vous voyez votre médecin trois minutes, vous vous dites qu'il est très bon. S'il prend 30 minutes à solutionner votre problème, c'est qu'il est très mauvais. " Le ton est donné.

Trois minutes

" Je passe trois minutes avec un patient. Parce que je connais ses paramètres, je connais son évolution car nous avons analysé ses données. " Des données qui sont prises au préalable par une équipe de téléconsultation et de télémonitoring composée de neuf infirmières, d'éducateurs, de diététiciens dans un centre qui fonctionne 24 heures sur 24, disposant d'un call center. Quels bénéfices pour le patient ? "Nous pouvons résoudre son problème. En trois minutes. Si vous une glycémie élevée dans votre pays, comment faites-vous ? Vous devez vous rendre physiquement chez le médecin. Ici, la glycémie est contrôlée 24 heures sur 24. C'est ça, la continuité des soins ! " Mais qu'arrive-t-il si un patient ne se sent pas bien, et que l'on ne peut contrôler ses paramètres ? " La télémédecine ne peut évidemment résoudre tous les problèmes. Mais grâce à internet, aux appareils mobiles, aux infirmières et aux médecins joignables dans notre centre d'appels, nous pouvons éviter de renvoyer ce patient automatiquement vers les urgences. "

Le Dr Hsieh Mingchia à la porte du centre d'éducation sur le diabète de l'hôpital chrétien de Yuanlin, pose à côté de son propre personnage, dessiné en style chibi. Ce style graphique de dessin manga n'est pas le seul point commun entre le Japon et Taïwan., LZ
Le Dr Hsieh Mingchia à la porte du centre d'éducation sur le diabète de l'hôpital chrétien de Yuanlin, pose à côté de son propre personnage, dessiné en style chibi. Ce style graphique de dessin manga n'est pas le seul point commun entre le Japon et Taïwan. © LZ

Chaque patient prend ici sa santé en main. Il doit envoyer à l'équipe médicale toutes les données dont il dispose - et la sécurité des données et le partage de cellesci sont une question d'enjeu majeur dans ce pays qui a fait de la liberté individuelle un droit constitutionnel. La question de savoir si tout le monde a un appareil mobile, sait s'en servir, est très différente à Taïwan par rapport à Belgique. Même les plus âgés surfent sur leur smartphone ici ! Malgré tout, " tout le monde ne peut pas être suivi par télémonitoring. Il faut connaître les antécédents du patient, ses complications éventuelles. C'est un projet complexe à mettre en place. Mais nous faisons cela depuis des années maintenant. "

© LZ

Rien n'est gratuit

Ce suivi coûte un peu plus de 20 euros par mois. " C'est très peu. Même pour Taïwan. Avec ce peu d'argent, nous arrivons à fournir un service de qualité ", se félicite le diabétologue. Ce service n'est toutefois pas couvert par la NIH. " Il faut que le service fasse ses preuves sur la durée. Et cela ne serait une bonne chose que pour certains patients, pas pour l'ensemble. Si l'ensemble de la population était couverte, l'assurance santé serait en banqueroute. "

" Les services médicaux sont différents d'un pays à l'autre. Comment payer ces services ? Qu'est-ce que le patient met de sa poche ? Ce sont des questions importantes car rien n'est gratuit ", continue le Dr Hsieh. " Si un gouvernement décide de rembourser intégralement certains services, cela a évidemment un coût, et impacte indirectement le citoyen. Quelle est la prévalence du diabète dans votre pays ? 9-10%? On parle ici de gros sous, de gros enjeux de santé publique. La gratuité est une erreur. Chaque service médical ne devrait pas être gratuit pour l'ensemble des patients. D'un point de vue santé publique, il faut analyser l'efficacitécoût, les impacts économiques de chaque service que l'on propose à la population. "

Les problèmes culturels ont également un poids important. " Dans mon pays, nous avons énormément de patients. Nous devons donc avoir une approche différente par rapport à votre pays. Je pense donc que la télémédecine doit avoir une approche locale pour correspondre aux réalités et aux besoins d'une population donnée. Transposer ce système tel quel n'importe où dans le monde n'a pas de sens. L'idée, derrière, est de développer un modèle de soins partagés, notamment pour répondre aux défis rencontrés dans les déserts médicaux et permettre une continuité des soins optimale. "

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un séjour organisé et financé par le ministère des affaires étrangères de Taïwan. Le journal du Médecin a été invité et guidé mais conserve une liberté totale dans sa publication éditoriale.

Il nous aura fallu longtemps pour comprendre le parcours du patient à Taïwan. Mais finalement, cela se révèle assez simple : il n'y a pas de médecin généraliste soliste travaillant à son cabinet. Ni même en pratique de groupe. Le premier échelon de soins, c'est la clinique. Il y en a plus de 30.000 à Taïwan. Certaines sont spécialisées en ophtalmologie, en dentisterie. Ici, le patient sait où il a mal et donc vers où se diriger. On retrouve à cet échelon à la fois des médecins généralistes et des spécialistes. La seconde ligne est, elle, découpée en fonction de zones géographiques : des hôpitaux locaux (de district), régionaux, et enfin, les grands centres médicaux qui se retrouvent dans les plus grandes villes.La couverture universelle made in TaiwanLa NHI couvre 99,9% de la population taïwanaise au niveau des soins ambulatoires, hospitaliers, des services dentaires, de la médecine traditionnelle chinoise ou encore des soins de maternité. L'inscription est obligatoire pour tous les citoyens et résidents légaux. "Notre système d'assurance nationale est basé sur la prime d'assurance. Cette prime est calculée en fonction du salaire de chaque citoyen ", détaille le Dr Chen Shihchung, ministre tawaïnais de la Santé. " L'employeur, le gouvernement et le citoyen participe conjointement au paiement de cette prime qui s'élève à 4,69 % du salaire. "Au sein des bureaux de la NHI, nous apprenons que le système requiert un co-paiement de la part du patient. Co-paiement qui varie entre 1,30 euros pour les soins dentaires, la médecine traditionnelle chinoise ou des soins ambulatoires dans un hôpital local ou dans une clinique, à 14 euros pour une prise en charge aux urgences non urgente. Intéressant : la constitution taïwanaise empêche la création d'un système gatekeeper. La liberté laissée au patient d'aller directement aux urgences s'il le souhaite est un droit fondamental sur l'île, bien qu'il existe des volontés de changer ce système. La NHI propose ainsi un malus aux patients se rendant dans les hôpitaux directement sans référence d'un médecin généraliste. Ainsi, au lieu de payer 4,30 euros, le patient déboursera 10,70 euros, soit plus du double s'il se rend directement dans un grand centre médical pour une consultation. Une manière de conscientiser le patient.Tous ne payent cependant pas le même tarif. Il y a d'abord des exemptions pour les zones reculées (montagnes, zones disposant de ressources médicales jugées inadéquates). Car les déserts médicaux sont également présents à Taïwan, d'une part car l'île est coupée en deux - par la plus grande chaîne de montagne d'Asie après l'Himalaya - et d'autre part car la population taïwanaise indigène, très minoritaire et moins bien lotie malgré les récents efforts du gouvernement, a historiquement un moins bon accès à la santé. Deuxième exemption : les bas revenus. " Ceux qui ne sont pas capables de contribuer au paiement de cette prime bénéficie de mesures pour leurs soins de santé, tels des subsides ou des réductions de prime. C'est le cas notamment des personnes handicapées ou à bas revenus ", explique le ministre.Pérenne ?Pour fonctionner, ce système s'appuie non seulement sur les primes d'assurance, mais également sur les revenus issus des assurances complémentaires - privées -, des revenus de la loterie nationale et des taxes imposées sur le tabac. Le fait que le système soit à payeur unique géré par le gouvernement assure des frais d'administration réduit - de l'ordre de 1% du budget. " Nous avons également un organe de contrôle qui veille à l'équilibre budgétaire de ce système. Chaque année, le budget est discuté et une somme plafond est fixée ", complète le Dr Chen. " En cas de dépassement, ce sont les institutions médicales qui paient la note. C'est un moyen efficace de contrôler nos dépenses. Mais cela veut également dire que de nombreuses institutions sont en désaccord avec le gouvernement. En attendant, les patients, eux, sont 85 % à se montrer très satisfaits de la NHI, tandis que le personnel médical atteint péniblement la barre de 30 % de satisfaction. Il incombe bien sûr au gouvernement de garder l'équilibre entre les désidérata de chacun. Dans ce cas précis, il faudrait augmenter la prime d'assurance pour satisfaire les exigences des institutions de santé, mais ce n'est pas une tâche facile pour un gouvernement. "Un tel système pourrait pousser les médecins à fuir le pays, mais ce n'est apparemment pas le cas, nous assure le ministre. " Ils ne sont pas si nombreux à partir. En fait, il y a plus de médecins qui retournent à Taïwan que de médecins qui partent pour l'étranger. "Quid sur le terrain ?84% des hôpitaux et 98% des cliniques dépendent du secteur privé. Bien que la NHI couvre certains frais, les hôpitaux semblent se démener tant et plus pour offrir de nouveaux services à leurs patients. On arrive donc à trouver des chambres d'hôpital luxueuses, avec frigo et salon, entre divers nouveaux outils technologiques pour un coût avoisinant les 400 euros la nuit. Non couverts par la NHI, il va sans dire.À la rencontre de ce modèle particulier, le Yuanlin Christian Hospital (YCH) se dresse sur la route. Jeune hôpital privé âgé de 2 ans et demi à peine, il compte 209 lits. L'hôpital est affilié à l'église presbytérienne mais " il n'y a pas de prosélytisme, la liberté philosophique est garantie ", assure Ke Chi-hung, vice-directeur des relations publiques du Changhua Christian Hospital (CCH), dont le YCH fait partie. Le CCH compte plusieurs branches dans le centre du pays - pour un total de 3.700 lits et 8.000 employés. C'est le deuxième plus grand réseau du pays.Dans cet hôpital blinquant, ce qui frappe, ce sont les outils technologiques. Ils sont partout ! Pour l'accueil de la presse, un panneau affichait un message personnalisé. Pour commencer la présentation, quelques pas plus loin, Ke Chi-hung nous postait devant un écran XXL pour nous montrer film narrant les plus-values de l'hôpital.Mais la vraie attraction, c'est le Dr Hsieh Ming-chia, directeur adjoint de l'hôpital chrétien de Yuanlin et diabétologue. Nous le rencontrons pour avoir un aperçu du Centre d'éducation sur le diabète, dont il est à la tête. Médecin aux allures rockstar, qui n'a pas sa langue da la poche, il nous apparaît fatigué, mais le sourire aux lèvres. " Je suis vraiment fatigué...J'ai vu 140 patients ce matin, en six heures. " Voir autant de patients, en six heures, dans un hôpital qui affirme mettre le patient au centre de ses préoccupations, voilà qui est étonnant ! " Dans les pays asiatiques, c'est une obligation de chercher la manière intelligente de traiter un problème. En tant que patient, si vous voyez votre médecin trois minutes, vous vous dites qu'il est très bon. S'il prend 30 minutes à solutionner votre problème, c'est qu'il est très mauvais. " Le ton est donné." Je passe trois minutes avec un patient. Parce que je connais ses paramètres, je connais son évolution car nous avons analysé ses données. " Des données qui sont prises au préalable par une équipe de téléconsultation et de télémonitoring composée de neuf infirmières, d'éducateurs, de diététiciens dans un centre qui fonctionne 24 heures sur 24, disposant d'un call center. Quels bénéfices pour le patient ? "Nous pouvons résoudre son problème. En trois minutes. Si vous une glycémie élevée dans votre pays, comment faites-vous ? Vous devez vous rendre physiquement chez le médecin. Ici, la glycémie est contrôlée 24 heures sur 24. C'est ça, la continuité des soins ! " Mais qu'arrive-t-il si un patient ne se sent pas bien, et que l'on ne peut contrôler ses paramètres ? " La télémédecine ne peut évidemment résoudre tous les problèmes. Mais grâce à internet, aux appareils mobiles, aux infirmières et aux médecins joignables dans notre centre d'appels, nous pouvons éviter de renvoyer ce patient automatiquement vers les urgences. "Chaque patient prend ici sa santé en main. Il doit envoyer à l'équipe médicale toutes les données dont il dispose - et la sécurité des données et le partage de cellesci sont une question d'enjeu majeur dans ce pays qui a fait de la liberté individuelle un droit constitutionnel. La question de savoir si tout le monde a un appareil mobile, sait s'en servir, est très différente à Taïwan par rapport à Belgique. Même les plus âgés surfent sur leur smartphone ici ! Malgré tout, " tout le monde ne peut pas être suivi par télémonitoring. Il faut connaître les antécédents du patient, ses complications éventuelles. C'est un projet complexe à mettre en place. Mais nous faisons cela depuis des années maintenant. "Rien n'est gratuitCe suivi coûte un peu plus de 20 euros par mois. " C'est très peu. Même pour Taïwan. Avec ce peu d'argent, nous arrivons à fournir un service de qualité ", se félicite le diabétologue. Ce service n'est toutefois pas couvert par la NIH. " Il faut que le service fasse ses preuves sur la durée. Et cela ne serait une bonne chose que pour certains patients, pas pour l'ensemble. Si l'ensemble de la population était couverte, l'assurance santé serait en banqueroute. "" Les services médicaux sont différents d'un pays à l'autre. Comment payer ces services ? Qu'est-ce que le patient met de sa poche ? Ce sont des questions importantes car rien n'est gratuit ", continue le Dr Hsieh. " Si un gouvernement décide de rembourser intégralement certains services, cela a évidemment un coût, et impacte indirectement le citoyen. Quelle est la prévalence du diabète dans votre pays ? 9-10%? On parle ici de gros sous, de gros enjeux de santé publique. La gratuité est une erreur. Chaque service médical ne devrait pas être gratuit pour l'ensemble des patients. D'un point de vue santé publique, il faut analyser l'efficacitécoût, les impacts économiques de chaque service que l'on propose à la population. "Les problèmes culturels ont également un poids important. " Dans mon pays, nous avons énormément de patients. Nous devons donc avoir une approche différente par rapport à votre pays. Je pense donc que la télémédecine doit avoir une approche locale pour correspondre aux réalités et aux besoins d'une population donnée. Transposer ce système tel quel n'importe où dans le monde n'a pas de sens. L'idée, derrière, est de développer un modèle de soins partagés, notamment pour répondre aux défis rencontrés dans les déserts médicaux et permettre une continuité des soins optimale. "