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Déjà responsable de plus de 65% des cas d'infection par le Sars-CoV-2, et vraisemblablement quasi 100% des cas d'infections d'ici quelques semaines, comme c'est arrivé au Danemark, le BA.2 peut induire des formes graves chez les immunodéprimés, les patients âgés avec comorbidité et ceux qui ne sont pas vaccinés. Il est également moins sensible aux vaccins actuellement disponibles, bien que chez ceux dont le système immunitaire fonctionne normalement le booster protège bien des formes les plus graves - pour une durée d'au moins trois mois. Le Pr Michel Goldman, ancien directeur exécutif de l'Agence Européenne pour l'innovation thérapeutique, souligne l'importance des alternatives médicamenteuses aux vaccins pour les immunodéprimés qui ne répondent pas aux vaccins. "Ce sont les grands oubliés de la stratégie belge. Aujourd'hui, la Belgique ne leur propose aucun produit efficace contre BA.2 : l'anticorps monoclonal sotrovimab ne l'est pas, alors qu'il est le seul traitement accessible chez nous." Pour eux, il est urgent d'offrir rapidement un accès à l'association nirmatrelvir/ritonavir (Paxlovid), dont une étude de phase 3 montre une réduction relative du risque d'hospitalisation ou de décès de 88%."La décision de se procurer du nirmatrelvir/ritonavir a pourtant bien été prise mais la signature du contrat des 10.000 premières doses prévues n'a toujours pas été annoncée au moment d'écrire ces lignes." Michel Goldman nous explique : "Alors que pour les vaccins la Commission Européenne a mis en place un système efficace de précommandes communes dont les conditions s'appliquent à tous les États membres, pour l'association nirmatrelvir/ritonavir chaque État mène ses propres négociations avec le producteur, et la Belgique est manifestement à la traîne dans ce processus par rapport aux autres pays." Le Pr Elie Cogan (Professeur émérite de médecine Interne et ancien doyen de la faculté de médecine de l'ULB) renchérit : "En fait, nous ne comprenons pas pourquoi les choses traînent. Ce n'est certainement pas une réticence de l'État belge face aux traitements per os contre le Covid, car le molnupiravir, qui ne réduit que de 30% les formes graves, est actuellement disponible dans notre pays dans le cadre d'une étude dans les maisons de repos et bientôt à l'initiative du KCE en ambulatoire. On s'attendait d'ailleurs à ce que l'allègement - à nos yeux trop précoce - des mesures de protection entraîne une augmentation de la circulation du virus, telle qu'on l'observe d'ailleurs actuellement. Nous déplorons donc un manque de réactivité des autorités sanitaires face aux dangers encourus par les patients vulnérables (les immunodéficients, qui ne répondent pas à la vaccination, et les personnes avec comorbidités à risque de formes graves de la maladie), qu'on laisse sans mode de prévention efficace des formes graves."D'où viendraient les réticences ? Pour certains, il s'agirait du risque d'interactions médicamenteuses chez les patients âgés avec comorbidité. Elie Cogan estime cette crainte démesurée "alors que des recommandations d'usage sont disponibles, permettant de suspendre l'administration de certains médicaments ou d'en réduire le dosage pendant les cinq jours de traitement. La liste des contre-indications éventuelles est également disponible. Comme le précise le CDC, ce médicament étant le seul antiviral oral hautement efficace pour le traitement du Covid-19, les interactions médicamenteuses ne doivent pas empêcher son utilisation. La prescription sera encadrée, comme elle l'est par exemple en France, où un document doit être rempli par le médecin pour que le produit soit délivré par le pharmacien."A noter que la France, justement, a commandé 500.000 doses de Paxlovid soit, en termes de proportion par rapport à sa population, environ six ou sept fois plus que les 10.000 doses commandées par la Belgique. Quant au Grand-Duché, il en a commandé pas moins de 20.000, et les Pays-Bas ont signé un contrat pour un million de doses. En se faisant l'avocat du diable, pourrait-on imaginer que les médecins seraient nombreux à prescrire un peu trop facilement le Paxlovid, épuisant ainsi rapidement les 10.000 doses commandées ? "C'est une question importante", réagit Michel Goldman. "Il est clair que la prescription sera encadrée, et il est d'autant plus important d'informer dès maintenant les médecins prescripteurs des critères d'éligibilité des patients et des modalités de délivrance et de surveillance. Il sera essentiel qu'elles ne retardent pas l'administration du traitement, dont l'efficacité dépend de sa mise en oeuvre dès les premiers symptômes." Une autre crainte existe peut-être, pour Michel Goldman, à savoir que la disponibilité du Paxlovid inciterait des gens à ne pas se faire (re)vacciner et à compter plutôt sur le médicament en cas d'infection. "Il faut bien expliquer que les deux stratégies sont complémentaires, et qu'elle ne s'opposent pas l'une à l'autre. Il en est de même de la combinaison d'anticorps tixagevimab/cilgavimab (Evusheld) utilisée dans plusieurs pays pour prévenir l'infection chez les patients immunodéprimés. Plus de 15.000 doses ont déjà été administrées en France, permettant à autant de patients immunodéprimés de sortir de leur isolement social lié à la crainte d'une infection qui peut leur être fatale. Là encore la Belgique est à la traîne, en attente d'une décision de l'Agence Européenne du Médicament alors que d'autres pays sont allés de l'avant sur la base de procédures nationales."En conclusion, il est urgent d'agir, et d'agir avec efficacité. "Nous avons connu beaucoup de retards dans la gestion de cette pandémie", déplore Elie Cogan. "Malgré des effets d'annonce parfois spectaculaires. Il est important que les médecins de première ligne hospitalière et ambulatoire soient informés et préparés dès à présent à prescrire ce médicament."" Nous déplorons un manque de réactivité des autorités sanitaires face aux dangers encourus par les patients vulnérables, qu'on laisse sans mode de prévention efficace des formes graves. "