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jdM : Dans le communiqué envoyé à la presse quant au profil recherché, vous indiquez que le prochain directeur général du Service des soins de santé devrait idéalement mais pas nécessairement être un médecin. Pouvez-vous détailler les atouts qu'offrirait un médecin pour ce type de fonction ?Jo De Cock : Il y a une tradition qui veut que ces DG aient été des médecins tout au long de l'histoire de l'Inami avec une exception notoire : François Praet. C'est un atout dans la mesure où le service doit gérer des aspects liés à la médecine et à la santé publique. Notamment tout ce qui concerne la nomenclature, le collège des médecins directeurs, le Fonds spécial de solidarité, les produits pharmaceutiques. Pour occuper ce poste, il faut bien sûr comprendre la science médicale et les évolutions en cours, dans des domaines novateurs comme la génomique... L'Inami peut s'appuyer sur des experts, naturellement. Mais pour la direction du département Soins de santé, la connaissance scientifique est primordiale. On discute avec les organismes assureurs mais aussi avec les prestataires de soins dont les plus importants sont les médecins, en particulier de première ligne et hospitaliers. S'y ajoutent bien sûr les kinés, les dentistes, les infirmières, etc.En santé publique c'est aussi un atout.Oui bien sûr. Il faut être à même de définir les priorités, les besoins des citoyens en se basant sur les enquêtes santé de parastataux comme Sciensano. Il faut capter les signaux. Sur le plan international, des défis nous sont aussi posés. Ceci dit, on ne cherche pas seulement un médecin. Il doit combiner la connaissance de l'évolution scientifique mais aussi des tendances. Le profil exige donc des qualités de prévisionniste. Le service n'est pas un secrétariat ! L'Inami est un organisme dynamique qui veut être la plaque tournante du système de santé. Il évalue et analyse les variations de pratique. Cela nécessite une vision large. En second lieu, nous cherchons quelqu'un qui sait organiser.Ce n'est pas toujours compatible. Les médecins sont parfois très individualistes...Oui, on les considère parfois comme " solistes ". C'est bien d'avoir un soliste dans l'orchestre mais si celui-ci personnifie la société, il est bon d'avoir un chef d'orchestre sous l'égide du ministre de tutelle. La gestion du système implique de plus en plus la possibilité de changer les modes d'organisation des pratiques médicales notamment dans le monde hospitalier (lorsqu'on discute de la pratique hospitalière notamment des cancers complexes, il faut savoir comment cela fonctionne...).Il faut pouvoir arbitrer entre les experts...C'est cela... En outre, il faut mettre les gens ensemble pas seulement sur le plan administratif. Il faut convaincre les prestataires de soins de travailler ensemble ce, afin d'arriver à un traitement global du patient et pas seulement dans la perspective de silos. Donc il doit être un organisateur sur le plan interne et externe... Troisième élément, le côté financier. Nous sommes à la veille d'évolutions en ce domaine (nomenclature à réviser) qu'il faut comprendre. On parle souvent de " Triple Aim " mais il faut aussi une " Triple Competence " : médecine, administration, organisation de notre pays. La santé publique est encore très fédérale mais elle a des implications de plus en plus régionales avec la 6e Réforme de l'État. Pensons seulement à la qualité et l'E-santé. Enfin, le cadre budgétaire est donné : on attend le prochain gouvernement pour connaître la norme de croissance mais il ne faut pas nier que la règle du 1,5% qui nous est imposée nécessite déjà une approche assez stricte.On parle beaucoup au masculin... Or les fonctions dirigeantes à l'Inami sont majoritairement occupées par des hommes. C'est donc peut-être bien une femme qui va occuper le poste ?Nous avons en effet six fonctions de haut-managers : l'administrateur-général et son adjoint (deux hommes). Le Service des indemnités est géré par un homme, le service de contrôle administratif est géré par une femme et le médecin du Service de contrôle et d'évaluation médicaux est un homme mais le poste est également à pourvoir... On cherche une personne avec une vraie vision qui peut rassembler, qui a une perspective de préparation aux changements à venir dans les soins de santé mais aussi sur le plan administratif.Un des éléments-clés est la concertation...Il y a pas mal de commissions en effet. Fin d'année, nous conclurons plusieurs accords importants : médico-mut, dento-mut, kiné,... Bien des choses doivent être réglées. Il faut rassembler mais aussi convaincre.C'est ainsi que le profil que vous recherchez est d'une certaine manière technocratique mais la concertation, les qualités d'empathie (y compris envers le personnel de l'Inami) sont également hautement recherchées. Ce qui revient à dire qu'il vous faut un candidat exceptionnel !Ce n'est pas un profil notarial ou " secrétarial " que nous recherchons mais quelqu'un qui a suffisamment de connaissance du système pour exécuter mais aussi discuter. Un fonctionnaire moderne n'est pas l'esclave de son ministre. Mais quelqu'un qui est à côté de son ministre pour avertir, donner des signaux, des infos et un éclairage sur les décisions politiques à prendre. C'est une fonction passionnante sur ce plan-là.À ce sujet, l'on sait que Ri De Ridder qui occupait le poste a été chef de cabinet du ministre Franck Vandenbroucke et actif au cabinet Onkelinx. Donc, on entend souvent le reproche de " l'indispensable étiquette politique ". Peut-on imaginer cette fois engager un homme ou une femme " neutre politiquement " ou " innocent " politiquement alors qu'il doit, sans doute aucun, avoir un profond sens politique ?Je pense que oui. Il n'y a pas d'exclusive. Dans " l'ancien régime ", c'était comme ça. Mais aujourd'hui, toute personne active dans une organisation ou une association dont la concertation et la gestion sont au premier plan pourrait bien sûr être choisie.Même venant du privé ?Oui ! C'est clair. Nous cherchons un fonctionnaire " moderne ". La procédure de recrutement est claire à ce sujet (ndlr : le Selor est à la manoeuvre avec notamment un assessment préalable de quatre heures sur ordinateur suivi d'une épreuve orale de trois heures d'analyse d'un cas pratique avec des professeurs de management suivi d'un entretien par l'Inami des personnes classées dans le groupe " très apte " jusqu'à épuisement de cette catégorie, le tout sans implication politique. L'impétrant doit être bilingue FR-NL et, de facto, entendre l'anglais). Le meilleur gagnera (ndlr : après épuisement de la catégorie " très apte ", l'Inami peut se résoudre, en cas de malheur, à pêcher dans le stock " apte " mais pas dans les catégories " moins apte " ou " pas apte ". Le candidat doit être un ressortissant de l'Espace économique européen ou de la Suisse et porteur au minimum d'un master ou titulaire d'une fonction de niveau A. Un candidat interne peut également postuler.). On sait tous qu'on est devant de grands défis. Je n'enfonce pas une porte ouverte.La santé est une des premières préoccupations des Belges...En effet. Donc, nous ne recherchons pas le professeur spécialisé dans le type génomique x et qui a voué son existence à de la recherche clinique ciblée... Donc, c'est vrai qu'on cherche un oiseau rare, mais que peut-on lui offrir ? L'Inami est en crise pour l'instant ? Non ! On est en plein changement, certes, dans la mesure où est à l'oeuvre un changement générationnel. Nous employons des gens très capables. Notre service pharmaceutique est très respecté y compris sur le plan international...Vous parlez beaucoup dans l'offre d'emploi de la modernisation " en continu " de votre institut. Donc, clairement, vous recherchez un profil de réformateur ?Les réformes sont en effet en cours. Pensons par exemple à la réforme des hôpitaux. Que vont faire les réseaux hospitaliers ? Quelle implication pour le budget des hôpitaux (hors-Budget des moyens financiers qui appartient toujours à la Santé publique - j'y reviendrai)-. Mais aussi : soins intégrés, réforme de la nomenclature, médicaments (contrats existants à gérer), informatisation... Ces grands chantiers se trouvent devant nous. Il faut les accompagner. Ils sont gérés par l'Inami en partenariat. Donc, oui, on cherche un profil qui est à même de mener ces réformes jusqu'au bout. Je mets tout de suite un bémol : fin 2020-début 2021, on se restructure en rejoignant dans un même bâtiment le SPF Santé publique et l'AFMPS (agence du médicament). Le but est d'unir les forces opérationnelles.Le candidat devra donc être " synergique " ?Oui. C'est aussi une réforme que de bâtir des passerelles entre les différentes entités, des synergies voire même, à long terme, une intégration.Je lis que le prochain DG devra créer des liens avec les prestataires individuels et les représentants des organisations professionnelles. Si les seconds sont tout de même relativement " rodés " à l'exercice, pour le médecin solo, l'Inami reste une grosse boîte mystérieuse, impressionnante et crainte (si l'on pense au Service de contrôle en particulier). Cet homme providentiel devra-t-il aussi casser cette image ?Absolument. Il devra être comme je l'ai dit un bon communicateur. Ce n'est pas seulement quelqu'un qui a de bons contacts avec le journal du Médecin (sourire) mais quelqu'un qui sait s'adresser aussi aux médecins individuels. Il doit gérer les périodes fastes mais aussi les périodes de crise. Sa communication devra donc être large et qui implique les gens davantage. Je pense à la réforme de l'accréditation (ndlr : des médecins). Sur ce plan là, lorsqu'on veut mettre à plat cette réforme, qu'est-ce qui est important ? La formation continue avec les partenaires sociaux ? Comment peut-on associer les sociétés scientifiques ? Comment porter à la connaissance des médecins les variations de pratique ? Ce n'est pas pour publier mais pour discuter sur le terrain si c'est possible. Par ailleurs, sur quoi va déboucher l'audit des hôpitaux ? Pour améliorer les pratiques là où cela est nécessaire, cela implique un dialogue. Cette personne ne doit pas incarner systématiquement la sévérité mais doit stimuler les bonnes pratiques tenant compte des besoins du patient.Comment ?Le Dr Ri De Ridder, par exemple, donnait énormément de conférences avec le terrain (...).Mettant toutes les exigences de la fonction en perspective, la question qu'on peut se poser, c'est : quelle autonomie réelle aura le prochain directeur général ?Il y a une autonomie de gestion inscrite dans un cadre légal et du contrat de gestion que l'on vient de signer et qui est disponible sur notre site. Plutôt que l'autonomie, la créativité est toujours bienvenue. Nous n'avons pas besoin de quelqu'un qui dit : ma passion c'est le Fonds de solidarité.Vous proposez pour ce candidat exceptionnel 146.230,61 euros bruts par an. C'est justifié ?Le montant du salaire me paraît tout à fait normal eu égard aux exigences détaillées ici même.Il bénéficie également d'une voiture de fonction ?Oui.D'un chauffeur ? Ce genre de chose fait jaser...Non. Je dispose moi-même d'un chauffeur pour me rendre aux nombreuses réunions extérieures mais je ne dispose pas d'une voiture de fonction. Je prends tous les jours le train pour Bruges (sourire).