Combinant approche thérapeutique et technologique, la société wallonne VV Analytics et son programme " Fenyx Acouphènes " se veulent une innovation majeure dans le traitement des acouphènes, qui touchent 10 % de la population mondiale. Rencontre avec Gauthier Havelange, ingénieur, thérapeute et inventeur de ce " traitement ".
...
L'entreprise VV Analytics est spécialisée dans le développement d'outils technologiques permettant de mesurer, interpréter et, si besoin, améliorer l'état de stress d'une personne. " Fenyx Acouphènes " vise trois objectifs : observer, identifier et interpréter les acouphènes, les apaiser grâce au biofeedback et trouver et maintenir un nouvel équilibre sur le long terme. Le fondateur de la société, Gauthier Havelange, nous détaille l'approche qu'il a créée.Le journal du Médecin : quelle est au départ votre formation ?Gauthier Havelange : Je suis d'abord ingénieur civil en sciences des matériaux dans le secteur industriel, avant de devenir thérapeute alternatif, alliant l'aspect sensitif et mon côté technologique. Je me suis tourné vers ce qu'on appelle les outils de biofeedback, qui permettent de mesurer un élément physiologique du corps et d'en déduire un état de stress. Certains outils mesurent également les ondes cérébrales.Cette approche se double d'un accompagnement thérapeutique ?Effectivement, car l'expérience des thérapeutes ainsi que la littérature scientifique montrent que 95 % des acouphènes sont subjectifs, c'est-à-dire qu'on ne peut pas les objectiver par une mesure ou une observation d'un médecin. De plus, nombre d'études ont montré que l'origine même de l'acouphène, dans 35 % des cas, est lié à une émotion, une situation ou un événement stressants. 25 % proviennent d'une surdité partielle : les personnes entendent moins à partir d'une certaine fréquence, et l'acouphène vient se placer dans cette tonalité. 12 % des cas résultent d'une surexposition au bruit. Viennent ensuite une série de cas particuliers. Ceci dit, même une surexposition au bruit ou une surdité partielle peuvent aussi être liées à une émotion.Ce que vous proposez, c'est la réémission d'une onde correspondant à la tonalité ? Notre particularité - parce qu'il existe déjà plusieurs traitements alternatifs -, c'est de réémettre une onde électromagnétique que le patient n'entend pas, à la fréquence de l'acouphène, et également couplée à une onde alpha. Une onde que le cerveau produit quand il est en état de calme. Beaucoup de recherches menées sur les activations montrent que lorsqu'un acouphène est très prégnant et cause de stress, on observe que sont activées des parties du cerveau liées à l'audition, mais aussi d'autres corrélées à la perception, à la saillance. Le réseau de saillance est une structure cérébrale qui détermine, parmi la multitude de stimuli internes et externes, ceux qui sont signifiants et dignes d'attention. Normalement, l'oreille capte le son, l'onde acoustique, l'oreille interne le transforme en signal électrique, le cortex le traite par fréquence et ensuite différentes zones (émotionnelle, mémoire, saillance) s'activent pour filtrer l'information et ne garder que les sons qui sont pertinents pour la conscience.Dans le cas d'un acouphène, le cortex reste en état d'excitation à certaines fréquences (tonalité) qui donne la sensation d'un son. Cet état est entretenu par une émotion désagréable apparue lors d'une situation stressante ou un événement traumatique. Au CHU de Liège, avec qui nous sommes en contact par l'entremise du chef du service ORL le Dr Philippe Lefèbvre, le même constat a été fait : beaucoup d'acouphènes sont liés à un facteur émotionnel, donc la réponse à apporter doit être du même type. En résumé, le stress est l'une des causes de l'acouphène ? Bien sûr. Au début, c'est souvent inconscient. Il existe donc un lien constant entre nos émotions, le cerveau qui prend en charge le filtrage et le passage à la conscience, et l'extérieur.Votre approche est holistique. En cela, est-ce une avancée ?C'est le constat qui est fait depuis déjà au moins dix ou quinze ans dans le monde scientifique, mais qui ne percole pas encore au quotidien. Tout un système de thérapie cognitive s'est donc mis en place, surtout aux États-Unis, afin d'enseigner aux personnes en souffrance comment gérer ce phénomène. Chez nous, les thérapies qui fonctionnent relativement bien mettent en place l'hypnose ou l'autohypnose afin d'apprendre à gérer l'acouphène comme on peut apprendre à gérer une douleur. Le but, c'est de faire comprendre au cerveau qu'il existe une autre manière de gérer l'information, de gérer l'émotion qui est sous-jacente à l'acouphène. Notre approche combine à la fois un côté technologique puisque l'on réémet une onde à la fréquence de l'acouphène couplée à une onde alpha afin de diminuer cette notion de filtre qui va mettre énormément d'attention sur cet acouphène. Ensuite, comme c'est lié à une émotion, par le versant thérapeutique, nous invitons la personne à trouver l'émotion d'origine afin de la retravailler et de pouvoir la vivre différemment. Lorsqu'on met déjà des mots sur des émotions, le cerveau s'apaise. Avec quelle fréquence faut-il diffuser cette onde ? L'adhérence au traitement est, comme toujours, primordiale. Si le patient voit le thérapeute quatre fois sur quatre mois, par exemple, il est invité, dix minutes par jour, à mettre un casque dans lequel est diffusée une onde électromagnétique, très faible, reliée à son smartphone. Lequel diffuse, comme il diffuserait un morceau de musique silencieux, la fréquence concernée. Nous conseillons de procéder à cette "écoute" deux fois dix minutes par jour, en même temps qu'un exercice de respiration ou de visualisation, exercice qui sera mis au point par le thérapeute.Quels professionnels de la santé sont concernés, outre le médecin ?Les kinés, en majeure partie ceux spécialisés en kinésithérapie vestibulaire. Les audiophonistes qui reçoivent aussi des personnes qui souffrent d'une surdité partielle. Et puis les thérapeutes qui sont plus dans la gestion, celle des émotions et celle du stress. Certains médecins, qui ont une vision holistique, perçoivent également le côté émotionnel. Mais leur fonction n'étant pas de travailler sur les émotions, il en réfère à des thérapeutes.Des personnes souffrent-elles d'acouphènes uniquement physiologiques et, si c'est le cas, votre approche peut-elle leur venir en aide ?Nous allons alors plutôt contribuer à la gestion du symptôme car même s'il est d'origine purement physiologique, la surexposition au bruit génère un stress : entendre un bruit dans sa tête est stressant. On peut dès lors diminuer le symptôme. Lorsque une personne est calme, elle parvient à mieux entendre qu'en état de stress.Comment votre technologie est-elle reçue par les ORL ? Nous en sommes encore au prototype, j'irai plutôt voir ceux qui ont une vision holistique, qui sont ouverts à cette approche. Nous avons plus de retours d'audiophonistes, de kinés et thérapeutes qui voient un patient arriver avec un énorme stress au niveau des acouphènes.Le généraliste devrait être intéressé par la vision plus globale qu'il a du patient ? Effectivement, s'il connaît son patient et qu'il le voit très stressé, le médecin généraliste va sans doute référer à un thérapeute ou à un kinésithérapeute.