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Saga des masques, saga des tests, saga du traçage manuel et automatique. La litanie semble ne jamais devoir s'arrêter. Avec, toujours aux côtés du constat grandissant d'incurie, d'imprévision, d'incompétence, des crevasses de la lasagne institutionnelle, celui, grandissant, de collusion ou de corruption. Quand tant de choses ne se déroulent pas comme prévu, on piste l'argent pour voir s'il n'a pas fui... ailleurs.Pour le vérifier, deux hauts responsables doivent répondre de tels soupçons devant les députés à la Chambre.Mardi 7 juillet, Hugues Malonne, directeur général de l'agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), est soupçonné, au terme d'une enquête du Vif et Knack, d'avoir dépassé les limites avec Diasorin, une entreprise italienne, pour des tests sérologiques. Il s'est défendu pied à pied du moindre conflit d'intérêt. S'il a plutôt convaincu les députés les plus éclairés (comment toucher un pot-de-vin sur un marché d'évaluation des tests que les labos ont fait gratuitement?), il n'a pas stoppé la hargne des députés N-VA, convaincus que Hugues Malonne a volontairement confié l'analyse du test Diasorin à la mère de ses enfants pour en tirer un profit caché.Le second, Frank Robben, décrit par le trimestriel Wilfried comme le " Big Brother " belge, devra s'expliquer prochainement à la Chambre d'avoir préféré la solution louvaniste (son alma mater) pour un logiciel de traçage des infectés. Il est vrai que l'homme détient notamment les manettes des données de la Sécu (banque carrefour), de e-Health, de la Smals (l'entreprise qui fait tourner les soft et les hardwares de la Sécu), qu'il rédige les lois mais siège au sein des commissions (vie privée, protection des données) aptes à en surveiller l'application. Bref, un nid potentiel de conflits d'intérêts à lui tout seul.Robben rétorque à ces lourds soupçons qu'après que le dossier s'est un peu perdu entre deux ministres, trois régions et deux comités de gestion de l'urgence et d'estimation des risques, on lui a demandé de présenter un constat et une solution. Ce qu'il a fait le 25 mai en comité interministériel de la Santé dans une note. Où il conclut que "le développement d'une application belge peut s'appuyer sur les efforts de Google et Apple, du consortium DP-3T et des exemples de Suisse, d'Estonie et de Finlande. Les seuls ajustements à faire sont les messages d'autorisation (comment une application obtient-elle l'autorisation de charger la clé après un test positif) et l'interface utilisateur (que faire avec un risque déterminé, traduction). Côté infrastructure serveur, des ajustements sont à faire chez Sciensano (communication après test positif) ".Robben se dit blessé par les soupçons de potentat absolu. "Je n'ai rien fait de moins, mais rien de plus. La Smals, qui est une asbl fondée dans les années 30 avec les balbutiements de la mécanographie, n'est en rien ma créature. Au CA de celle-ci comme d'ailleurs de la Banque Carrefour ou de e-Health figurent tous les partenaires du secteur, syndicats, mutuelles, Inami, SPF Santé, KCE, Sciensano. Pensez-vous que ces gens me laisseraient construire un big brother à la Belge ? Si j'étais immodeste, je dirais même que je suis le meilleur rempart contre ce péril, parce que notre modèle est fondé sur le fait que les données restent chez leur émetteur, qui les protège et ne communique que la plus petite partie possible que pour être utile. Pour payer des allocations familiales, vous devez connaître la composition de famille. Pour rembourser des soins, disposer du statut précis de l'assuré. Mais les données ne sont pas accumulées, chaque partenaire lève seulement des drapeaux : oui ou non puis-je payer telle allocation ? Mon travail de fin d'études décrivait ce type d'architecture fin des années 80. Le Premier Dehaene m'a demandé de le réaliser, car personne d'autre ne voulait se lancer. Et on reçoit aujourd'hui des prix mondiaux pour ce modèle."Mais cette partie de la loi reste toujours en souffrance, chaque acteur gardant donc ses règles internes. Ce qui fait naître le soupçon. "A tort ! Smals est soumise à la législation sur les marchés publics. Smals est considérée une autorité adjudicatrice, tout comme ses institutions membres. Les intérêts des institutions membres de la Smals sont les intérêts de Smals, et vice versa... ", rétorque Jan-Frans Lemmens, porte-parole de l'asbl. " Smals agit uniquement suite à l'expression d'une demande. Il n'y a pas de conflit. Si plusieurs membres expriment des demandes contradictoires, la Smals ne peut faire autrement que de leur demander de faire une concertation préalable. Raison pourquoi des organes de concertation one été mis en place (Collège des administrateurs-généraux des IPSS, G-Cloud strategic board, SIT). Le critère ultime sera toujours la mission de ses membres, qui sont tous des organismes publics - c'est-à-dire, in fine, l'intérêt commun de la population et des entreprises en Belgique."Et, défendant coûte que coûte son patron, "Frank Robben n'est donc ni actionnaire, ni propriétaire de Smals, ni son fondateur. Il est salarié en tant que gestionnaire de Smals, sans intérêt direct ou indirect dans sa performance financière ".Frédéric Soumois