Il n'est pas non plus démontré avec les données épidémiologiques accessibles au public et aux professionnels de santé à ce stade que la ré-augmentation récente des cas soit attribuable en premier lieu aux bulles sociales élargies et que tel est le cas partout en Belgique.

Avec un dépistage intensif, cette bulle restreinte pourrait toutefois être élargie aux personnes testées négatives s'engageant à respecter les gestes barrières en dehors de celle-ci ; une manière de responsabiliser les citoyens et de leur permettre de s'approprier le concept de bulle.

Le testing est bien central dans le contrôle de la propagation du virus et ne prendre aucune décision visant à organiser la détection des contaminateurs par un dépistage à grande échelle recommandé unanimement par l'OMS, les épidémiologistes de renom belges et étrangers et les publications internationales récentes [1] reste incompréhensible. Cette stratégie de testing massif appliquée dans la plupart des pays asiatiques semble avoir permis d'éviter des confinements dévastateurs, à quelques exceptions près en Chine.

Distanciation, masques et tests

Il y a 3 mois, dans la perspective du déconfinement, deux chercheurs de l'université de Namur, Jean Philippe Platteau et Vincenzo Venardi avaient réalisé des simulations permettant d'évaluer les risques de 2e vague en fonction des mesures qui seraient prises pour contrôler la circulation du virus [2]. La distanciation physique et le port du masque obligatoire et le dépistage massif de la population s'avéraient être les mesures indispensables. Selon leur modèle, l'identification de 5 % de malades asymptomatiques chaque jour au sein de chaque classe d'âge associé à leur mise en quatorzaine permettrait d'éviter le rebond de l'épidémie. La deuxième vague se profile mais seul le port du masque, en complément à la distanciation physique, a, enfin, été rendue obligatoire dans les lieux publics.

Alors que la mise en application adéquate du testing-tracing constituait une pierre angulaire du contrôle de l'épidémie, la mise en oeuvre sur le terrain reste laborieuse pour le testing et très insuffisante pour le tracing (suivi des contacts). En outre, l'application mobile permettant d'en optimaliser le fonctionnement ne sera opérationnelle au mieux qu'en septembre ! Aucune communication n'est donnée quant à l'efficacité actuelle du tracing et au nombre de cas secondaires identifiés permettant de casser les chaînes de transmission. La majorité des cas détectés actuellement ne semblent malheureusement pas être liés à l'efficacité de ce tracing, laissant craindre le pire. Quels indicateurs de performance ont été établis par les autorités sanitaires pour cette activité cruciale ? Sont-ils régulièrement analysés et des mesures correctrices sont-elles prises ?

"Ne prendre aucune décision visant à organiser la détection des contaminateurs par un dépistage à grande échelle est incompréhensible"

Se faire tester relève encore trop souvent du parcours du combattantAlors que le nombre de contaminations augmente jour après jour et que la Belgique passe en zone orange dans la surveillance épidémiologique de l'European Center of Disease Control (eCDC) (> 20 cas/14 jours/100.000 habitants), le nombre de tests quotidiens reste étrangement constant et se faire tester relève encore trop souvent du parcours du combattant. Les possibilités de réalisation de tests de dépistage risquent de se réduire alors qu'elles devraient s'amplifier. En effet, les grands groupes industriels pharmaceutiques qui avaient été incorporés dans la plateforme fédérale de dépistage se préparent à arrêter la réalisation des tests faute de demandes. Actuellement, la Belgique est un des rares pays où il existe des restrictions à tester des personnes asymptomatiques. De surcroît, les chaines de réalisation du testing depuis le prélèvement jusqu'à l'obtention du résultat se révèlent totalement désorganisées et inefficaces.

De plus, alors qu'il s'agit d'être réactif lors de la mise en évidence d'une contamination [3], le résultat d'un test ne parvient souvent qu'après 2 ou 3 jours.

Nos voisins français ont compris toute l'importance de la généralisation du dépistage et une loi a été promulguée ce 25 juillet permettant à toute personne de se faire dépister, même asymptomatique, avec prise en charge complète par la sécurité sociale, sans devoir passer par la prescription d'un médecin [4]. L'autorisation de réalisation des frottis naso-pharyngés ou oro-pharyngés par des non-médecins a été élargie, sous conditions, à plusieurs catégories de personnel de santé y compris des sapeurs-pompiers et des secouristes.

Il s'agit donc pour nos politiques d'agir vite. Mettre en place une politique de testing des personnes asymptomatiques en particulier dans les zones à haute circulation du virus. Donner les moyens aux bourgmestres pour organiser le testing à l'échelon local. Ne plus devoir passer nécessairement par un médecin pour la prescription du test. Identifier clairement des circuits de dépistage en fonction de la présence ou non de symptômes. Tester et isoler l'entourage des personnes suspectes d'être infectées même si un premier test s'avère négatif. Enfin, donner la possibilité à toute personne de connaître son statut sérologique en levant l'interdiction des tests sérologiques rapides et en permettant aux médecins généralistes d'en assurer la réalisation contribuerait à mieux identifier les risques individuels de contamination et de mesurer l'immunité de groupe au niveau local, régional et national.

Madame et Messieurs les Ministres de la Santé, Madame la Première Ministre, le temps n'est plus de dire que nous avons la possibilité de réaliser beaucoup de tests mais il est urgent que le gouvernement optimalise les procédures adéquates pour le faire.

[1] Steinbrook R. Contact Tracing, Testing, and Control of COVID-19-Learning From Taiwan. JAMA Intern Med (2020)

[2] Le Soir, édition du 21 avril 2020

[3] les études internationales récentes montrant un taux important de contamination dès les premiers jours après les symptômes Cheng HY et al. Contact Tracing Assessment of COVID-19 Transmission Dynamics in Taiwan and Risk at Different Exposure Periods Before and After Symptom Onset. JAMA Intern Med (2020)

[4] Arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l'arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19

Par Elie Cogan (professeur émérite de médecine interne, ULB); Frédéric Cotton (Professeur de biochimie médicale, ULB / LHUB-ULB); Béatrice Gulbis (Directeur médical, LHUB-ULB); Emmanuel Bottieau (professeur de maladies infectieuses, Institut de médecine tropicale, Anvers); Yves Coppieters (Epidémiologiste, professeur de Santé Publique, Ecole de Santé publique, ULB); Jean Christophe Goffard (professeur de Médecine Interne, responsable des Unités Covid, Hôpital Erasme, ULB); Nathan Clumeck (professeur émérite de maladies infectieuses, ULB); Take Care of Care (mouvement citoyen)

Tribune parue également dans Le Soir.

Il n'est pas non plus démontré avec les données épidémiologiques accessibles au public et aux professionnels de santé à ce stade que la ré-augmentation récente des cas soit attribuable en premier lieu aux bulles sociales élargies et que tel est le cas partout en Belgique.Avec un dépistage intensif, cette bulle restreinte pourrait toutefois être élargie aux personnes testées négatives s'engageant à respecter les gestes barrières en dehors de celle-ci ; une manière de responsabiliser les citoyens et de leur permettre de s'approprier le concept de bulle.Le testing est bien central dans le contrôle de la propagation du virus et ne prendre aucune décision visant à organiser la détection des contaminateurs par un dépistage à grande échelle recommandé unanimement par l'OMS, les épidémiologistes de renom belges et étrangers et les publications internationales récentes [1] reste incompréhensible. Cette stratégie de testing massif appliquée dans la plupart des pays asiatiques semble avoir permis d'éviter des confinements dévastateurs, à quelques exceptions près en Chine.Il y a 3 mois, dans la perspective du déconfinement, deux chercheurs de l'université de Namur, Jean Philippe Platteau et Vincenzo Venardi avaient réalisé des simulations permettant d'évaluer les risques de 2e vague en fonction des mesures qui seraient prises pour contrôler la circulation du virus [2]. La distanciation physique et le port du masque obligatoire et le dépistage massif de la population s'avéraient être les mesures indispensables. Selon leur modèle, l'identification de 5 % de malades asymptomatiques chaque jour au sein de chaque classe d'âge associé à leur mise en quatorzaine permettrait d'éviter le rebond de l'épidémie. La deuxième vague se profile mais seul le port du masque, en complément à la distanciation physique, a, enfin, été rendue obligatoire dans les lieux publics.Alors que la mise en application adéquate du testing-tracing constituait une pierre angulaire du contrôle de l'épidémie, la mise en oeuvre sur le terrain reste laborieuse pour le testing et très insuffisante pour le tracing (suivi des contacts). En outre, l'application mobile permettant d'en optimaliser le fonctionnement ne sera opérationnelle au mieux qu'en septembre ! Aucune communication n'est donnée quant à l'efficacité actuelle du tracing et au nombre de cas secondaires identifiés permettant de casser les chaînes de transmission. La majorité des cas détectés actuellement ne semblent malheureusement pas être liés à l'efficacité de ce tracing, laissant craindre le pire. Quels indicateurs de performance ont été établis par les autorités sanitaires pour cette activité cruciale ? Sont-ils régulièrement analysés et des mesures correctrices sont-elles prises ?Se faire tester relève encore trop souvent du parcours du combattantAlors que le nombre de contaminations augmente jour après jour et que la Belgique passe en zone orange dans la surveillance épidémiologique de l'European Center of Disease Control (eCDC) (> 20 cas/14 jours/100.000 habitants), le nombre de tests quotidiens reste étrangement constant et se faire tester relève encore trop souvent du parcours du combattant. Les possibilités de réalisation de tests de dépistage risquent de se réduire alors qu'elles devraient s'amplifier. En effet, les grands groupes industriels pharmaceutiques qui avaient été incorporés dans la plateforme fédérale de dépistage se préparent à arrêter la réalisation des tests faute de demandes. Actuellement, la Belgique est un des rares pays où il existe des restrictions à tester des personnes asymptomatiques. De surcroît, les chaines de réalisation du testing depuis le prélèvement jusqu'à l'obtention du résultat se révèlent totalement désorganisées et inefficaces.De plus, alors qu'il s'agit d'être réactif lors de la mise en évidence d'une contamination [3], le résultat d'un test ne parvient souvent qu'après 2 ou 3 jours.Nos voisins français ont compris toute l'importance de la généralisation du dépistage et une loi a été promulguée ce 25 juillet permettant à toute personne de se faire dépister, même asymptomatique, avec prise en charge complète par la sécurité sociale, sans devoir passer par la prescription d'un médecin [4]. L'autorisation de réalisation des frottis naso-pharyngés ou oro-pharyngés par des non-médecins a été élargie, sous conditions, à plusieurs catégories de personnel de santé y compris des sapeurs-pompiers et des secouristes.Il s'agit donc pour nos politiques d'agir vite. Mettre en place une politique de testing des personnes asymptomatiques en particulier dans les zones à haute circulation du virus. Donner les moyens aux bourgmestres pour organiser le testing à l'échelon local. Ne plus devoir passer nécessairement par un médecin pour la prescription du test. Identifier clairement des circuits de dépistage en fonction de la présence ou non de symptômes. Tester et isoler l'entourage des personnes suspectes d'être infectées même si un premier test s'avère négatif. Enfin, donner la possibilité à toute personne de connaître son statut sérologique en levant l'interdiction des tests sérologiques rapides et en permettant aux médecins généralistes d'en assurer la réalisation contribuerait à mieux identifier les risques individuels de contamination et de mesurer l'immunité de groupe au niveau local, régional et national.Madame et Messieurs les Ministres de la Santé, Madame la Première Ministre, le temps n'est plus de dire que nous avons la possibilité de réaliser beaucoup de tests mais il est urgent que le gouvernement optimalise les procédures adéquates pour le faire.[1] Steinbrook R. Contact Tracing, Testing, and Control of COVID-19-Learning From Taiwan. JAMA Intern Med (2020)[2] Le Soir, édition du 21 avril 2020[3] les études internationales récentes montrant un taux important de contamination dès les premiers jours après les symptômes Cheng HY et al. Contact Tracing Assessment of COVID-19 Transmission Dynamics in Taiwan and Risk at Different Exposure Periods Before and After Symptom Onset. JAMA Intern Med (2020)[4] Arrêté du 24 juillet 2020 modifiant l'arrêté du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de COVID-19 Par Elie Cogan (professeur émérite de médecine interne, ULB); Frédéric Cotton (Professeur de biochimie médicale, ULB / LHUB-ULB); Béatrice Gulbis (Directeur médical, LHUB-ULB); Emmanuel Bottieau (professeur de maladies infectieuses, Institut de médecine tropicale, Anvers); Yves Coppieters (Epidémiologiste, professeur de Santé Publique, Ecole de Santé publique, ULB); Jean Christophe Goffard (professeur de Médecine Interne, responsable des Unités Covid, Hôpital Erasme, ULB); Nathan Clumeck (professeur émérite de maladies infectieuses, ULB); Take Care of Care (mouvement citoyen)Tribune parue également dans Le Soir.