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L'hypnose fait partie des états de conscience modifiés (ou états de conscience modifiée), que d'aucuns préconisent de rebaptiser " états non ordinaires de conscience " pour les différencierde la multitude des états de conscience beaucoup plus ordinaires qui se succèdent sans cesse en nous. Il existe en effet une infinité d'états de conscience banals. " Par exemple, si deux personnes conversent, elles focalisent en principe chacune leur attention sur les propos de l'autre tout en recherchant éventuellement des éléments - arguments, souvenirs, etc. - pour alimenter ou enrichir l'échange. Mais si une sirène retentit soudain, l'attention des deux interlocuteurs se portera sur ce bruit étranger à leur conversation ; il y aura une modification de leur état de conscience, une adaptation au nouveau contexte ", indique en guise d'illustration Antoine Bioy, professeur à l'Université Paris 8, psychothérapeute au CHU de Bordeaux et directeur scientifique du centre Ipnosia dédié à la formation et l'étude en hypnose.La terminologie d'états non ordinaires de conscience semble donc plus adéquate pour dénommer des états plus " marginaux " comme l'état hypnotique, la méditation ou ce que l'on a coutume d'appeler l'état de grâce, éprouvé entre autres par les sportifs lorsqu'ils sont au sommet de leur art.État de conscience modifié - pour s'en tenir à la terminologie traditionnelle -, l'hypnose est une " transe " qui, à l'instar des états de sidération, de dépersonnalisation, de création artistique ou d'euphorie, notamment, fait référence à un vécu ressenti comme non habituel en raison de la façon dont le sujet perçoit sa propre situation et le contexte dans lequel il se trouve. " À la transe est toujours associé un sentiment de décalage par rapport à la réalité, une 'mise à distance participative', que l'on nomme état de dissociation psychique ", précise Antoine Bioy. Et d'ajouter que l'état hypnotique s'accompagne d'un ralentissement psychomoteur qui se traduit par des gestes à la fois plus lents et plus saccadés.Dès qu'elle commença à être étudiée, au 18e siècle, l'hypnose fut appréhendée en Occident comme l'utilisation d'un état de conscience modifié dans une perspective thérapeutique. Vue sous cet angle, elle nécessite l'intervention d'un thérapeute qui, essentiellement par des suggestions et des métaphores, permet au patient de percevoir la réalité selon une perspective susceptible de lui apporter des bénéfices sur le plan de sa santé." La douleur, par exemple, est une information qui arrive au cerveau, mais qu'il doit analyser, explique le Pr Bioy. Quel est son degré de pénibilité, est-elle dangereuse, quelles sont ses caractéristiques?... L'hypnothérapeute oriente ce travail d'analyse par le biais de suggestions et métaphores appropriées, ce que le patient ne peut faire lui-même si ce n'est ultérieurement dans le cadre de l'autohypnose, approche qui requiert un apprentissage préalable des techniques de l'hypnose auprès d'un praticien qualifié. "Au 18e siècle, le médecin allemand Franz Anton Mesmer (1734-1815), père de la théorie du magnétisme animal, fut le premier à faire usage, dans un but thérapeutique, de cet état de conscience particulier qu'est la transe. Il postulait l'existence d'un fluide magnétique animal (donc vivant), transmissible d'un individu à l'autre, dont la circulation, une fois perturbée, était de nature à déclencher des maladies. D'après lui, ce fluide pouvait être canalisé et utilisé par un magnétiseur en vue de provoquer des crises de nature hystérique au terme desquelles les malades seraient guéris. Dans un livre [1] coécrit avec la Pr Marie-Élisabeth Faymonville, anesthésiste qui a notamment dirigé le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU de Liège, Antoine Bioy précise la personnalité et la " méthode " de celui à qui l'on attribue les premiers pas de l'hypnose médicale : " Mesmer est décrit comme une personnalité rigide, on dirait aujourd'hui paranoïaque, qui exerce une forte domination sur ses patients : 'Vous ne parlez pas, vous ne dites rien, vous ne bougez plus, vous fermez les yeux et maintenant vous dormez, je le veux'. La domination du thérapeute se combine à l'imposition des mains, lesquelles se rapprochent parfois plus qu'elles n'auraient dû du corps de la femme. " Les croyances religieuses pesaient encore de tout leur poids à l'époque de Mesmer, à telle enseigne qu'elles " polluaient " sa démarche, dont il revendiquait la scientificité. Ses patients déclenchaient des crises de convulsion suggérant des états de possession et, ainsi que le relate le Pr Bioy, " les séances d'hypnose étaient des exorcismes laïcs pratiqués par un scientifique ".Dans l'hypnose de spectacle, le comportement très directif de l'hypnotiseur est voisin de la domination qu'exerçait Mesmer sur ses patients. D'ailleurs, l'un des artistes les plus réputés à l'heure actuelle, le Québécois Éric Normandin, n'a-t-il pas choisi Messmer (avec deux " s " cependant) comme nom de scène ? L'hypnose de spectacle mise à la fois sur la suggestion, comme on peut le faire en hypnose thérapeutique, et sur des " trucs et ficelles ". À ce niveau, la première chose à effectuer est de sélectionner, au moyen de quelques tests de suggestibilité, les spectateurs les plus hypnotisables - 2 à 5 % de la population générale. De surcroît, le ou les premiers volontaires conviés à monter sur scène seront des comparses. Pourquoi ? Parce que l'artiste hypnotiseur joue sur le mimétisme. " Quand les individus ont vu ce que l'on attend d'eux, ils ont tendance à le reproduire ", souligne Antoine Bioy. Lui-même a participé à un reportage de l'émission de France 2 Envoyé spécial, pour lequel il a décrypté en direct un spectacle de Messmer. Il remarqua très rapidement qu'une des personnes invitées sur scène parmi neuf autres était un comédien. De fait, ce participant ne présenta à aucun moment les signes de la transe, évidents à détecter pour un hypnothérapeute. " C'était le seul qui rajoutait de l'information ", rapporte-t-il. " Or, en hypnose, un tel comportement est impossible car l'individu n'est plus dans le raisonnement logique. Par exemple, on n'entendra jamais quelqu'un que l'on convie à imaginer le dernier jour de ses vacances en préciser la date. "Des réactions physiologiques peuvent également être mises à profit par l'artiste hypnotiseur. Exemple : il vous demande de garder le bras tendu et d'imaginer que vous tenez un livre de poche dans la main, puis, au bout d'un certain temps, un livre un peu plus imposant, ensuite un dictionnaire et enfin une encyclopédie. À force de rester bandés, les muscles de votre bras vont se tétaniser. En outre, vous avez reçu l'injonction de garder les yeux fermés et les pieds écartés, ce qui place votre corps en déséquilibre. Dans ces circonstances, il n'est pas étonnant que, comme d'autres participants avec qui vous êtes unis par un lien mimétique, vous finissiez par tomber sur le sol et que les spectateurs pensent que l'unique cause de votre chute est la sensation qui vous a été suggérée lors de l'induction hypnotique que vous tenez un livre extrêmement lourd à bout de bras.Le caractère directif de l'hypnose de spectacle et la manière dont l'état de transe est habituellement représenté dans les oeuvres de fiction entretiennent chez beaucoup la conviction que l'hypnotiseur possède un pouvoir qu'il peut utiliser dans le but d'exercer une emprise sur autrui. Ce préjugé tenace n'est évidemment pas en phase avec la dimension scientifique de l'hypnose médicale et de l'hypnothérapie. Certes, dans des cas très particuliers où s'instaure une relation amoureuse ou une relation d'autorité ciblant une personne devenue vulnérable à la suite de traumatismes antérieurs, la possibilité d'une forme d'emprise du thérapeute sur son patient ou sa patiente n'est pas absolument exclue. C'est néanmoins l'exception et l'hypnose n'en est pas la clé de voûte. Même si durant l'hypnose, les capacités cognitives - raisonnement, sens critique, etc. - sont érodées et que la suggestibilité augmente, le sujet demeure conscient de ce qui se dit et se produit dans son environnement. Dans le livre qu'elle a cosigné avec Antoine Bioy, Marie-Élisabeth Faymonville tient à remettre l'église au milieu du village : " (...) l'expression employée au passif, 'être hypnotisé', est un abus de langage. En hypnose, on travaille avec quelqu'un qui aide son patient à trouver les conditions favorables pour qu'à un moment donné il glisse vers l'hypnose. "Une des caractéristiques de la transe hypnotique est que le sujet y est à la fois détendu et hyperattentif. Nous pouvons accéder naturellement à cet état. Par exemple, lorsque nos sens sont stimulés de façon répétitive et monotone comme quand on suit du regard un pendule en mouvement. Toutefois, l'état hypnotique en soi ne procure aucun bénéfice au niveau de la santé. Cet objectif ne peut être atteint sans l'accompagnement d'un thérapeute." À l'instar du cerveau d'un enfant qui apprend sans contrainte, c'est-à-dire attentif et détendu, le cerveau sous hypnose est un cerveau ouvert à l'apprentissage, mais il doit être guidé pour cheminer vers le but thérapeutique poursuivi ", dit le Pr Bioy. L'hypnose n'est pas assimilable au vagabondage de l'esprit, lequel fait appel au circuit cérébral du mode par défaut, ni à une forme de somnolence. Si la neuroimagerie structurelle et fonctionnelle ne dévoile pas une " aire de l'hypnotisabilité ", elle a pourtant permis de dessiner un profil d'activations cérébrales caractéristique de l'état hypnotique. La Pr Faymonville écrit : " Les aires impliquées dans la vision, les sensations et le mouvement sont activées sous hypnose. Elles le sont exactement comme si le sujet voyait, éprouvait des sensations et bougeait réellement, alors qu'il est immobile, les yeux fermés. Au cours de l'hypnose, même si la conscience interne (conscience de soi) augmente, l'activité des régions cérébrales médianes (precuneus et régions mésofrontales) diminue par rapport à celle observée en conscience normale. Simultanément, la conscience de l'environnement (conscience externe) diminue en hypnose comme l'activité des aires dites frontopariétales latérales. "Il apparaît par ailleurs que les cortex préfrontal et cingulaire antérieur sont plus développés que la moyenne chez les individus les plus suggestibles et, partant, les plus facilement hypnotisables. Certains chercheurs ont également montré dans une expérience qui n'a cependant pas été reproduite que plus le corps calleux est épais, plus l'accès à l'état hypnotique est aisé. Selon d'autres travaux, une bonne mémoire de travail exercerait aussi un effet facilitateur.Existe-t-il en outre des traits de personnalité caractéristiques des individus les plus réceptifs à l'hypnose ? La question fait débat depuis des décennies, mais n'a toujours pas été tranchée. " On n'a jamais pu dégager un profil psychologique spécifique de la suggestibilité, commente Antoine Bioy. Variable selon les individus, elle est influencée par différents facteurs, dont l'âge - le maximum d'hypnotisabilité se situe entre 8 et 12 ans - et l'histoire de chacun. Les trajectoires de vie sans heurts sont associées à une moindre suggestibilité. Pourquoi ? L'explication généralement avancée est que ceux qui, enfants, n'ont pas manqué d'amour et d'affection, ont joui d'un attachement sécure, éprouvent moins le besoin de s'évader de la réalité. "La psychologue américaine Joséphine Hilgard, décédée en 1989, parlait des " grands voyageurs " à propos des enfants rêveurs qui deviennent souvent des adultes enclins à de fréquentes déambulations dans l'imaginaire. Cette caractéristique constitue le seul élément de personnalité - il ne s'agit toutefois pas d'un trait de personnalité sensu stricto - dont il est établi qu'il favorise l'hypnotisation.Par le passé, les suggestions des hypnothérapeutes revêtaient un caractère autoritaire et paternaliste. En 1923 et 1924, lors de ses études de médecine à l'Université du Wisconsin, le futur psychiatre Milton Erickson (1901-1980) réalisa des travaux expérimentaux sur l'hypnose dont les conclusions étaient en désaccord avec celles de son professeur Clark Hull (1884-1952), pour qui la suggestion devait être autoritaire et directe. La méthode éricksonienne, plus ouverte, est centrée sur les besoins du patient et recourt régulièrement à des suggestions indirectes (" Ne trouvez-vous pas qu'il y a un courant d'air ? " plutôt que " Fermez la fenêtre ") et à des métaphores. Depuis un demi-siècle, l'hypnose éricksonienne est celle qui se taille la part du lion dans le cadre médical et psychothérapeutique. C'est le volet que nous aborderons dans notre prochain numéro... sans suggestions ni métaphores.État modifié de conscience, l'hypnose est une transe à laquelle est associé, comme dans tous les autres états de transe tels que la sidération ou la dépersonnalisation, un sentiment de décalage par rapport à la réalité. S'il existe une " hypnose de spectacle ", la transe hypnotique est essentiellement utilisée, du moins en Occident, dans une optique thérapeutique. Dans ce cadre, l'hypnose ne peut se suffire à elle-même ; elle requiert l'intervention d'un thérapeute dès qu'elle ambitionne de permettre au patient de percevoir la réalité selon une perspective susceptible de lui apporter des bénéfices sur le plan de sa santé. Au terme d'un apprentissage guidé par un praticien qualifié, elle peut prendre néanmoins la forme d'une autohypnose au cours de laquelle les métaphores et suggestions traditionnellement formulées par le thérapeute en séance de soins, lors de l'induction hypnotique, font place à des autosuggestions.Jusqu'à l'émergence de la méthode éricksonienne dans les années 1930, l'hypnose médicale et l'hypnothérapie se voulaient très directives - " Dormez, je le veux ! ", disait leur pionnier Franz Anton Mesmer au 18e siècle. Depuis les travaux de Milton Erickson, l'hypnose mise sur l'ouverture, se met davantage au service des besoins du patient. Aussi les suggestions, qui pouvaient apparaître autrefois cinglantes comme des ordres, adoptent-elles habituellement une forme indirecte aujourd'hui et sont-elles fréquemment secondées par l'usage de métaphores. L'idée que l'hypnothérapeute puisse exercer une emprise sur son patient demeure bien ancrée dans une fraction assez large de la population. Une sorte de réverbération de l'hypnose de spectacle et des oeuvres de fiction. Certes, en état d'hypnose, le sujet voit ses capacités cognitives s'amoindrir et sa suggestibilité s'accroître, mais, sauf cas exceptionnels liés par exemple à une emprise amoureuse, jamais l'état hypnotique ne le dépossède de la conscience de ce qui se dit et se produit autour de lui ni de ses facultés de réaction à des suggestions auxquelles il n'adhérerait pas.De façon schématique et presque caricaturale, on recense deux grandes catégories d'indications thérapeutiques de l'hypnose : la sphère de certains troubles psychiques et celle de diverses manifestations somatiques. Au sein de la première figurent notamment la dépression, le stress, l'anxiété, les phobies, les troubles du comportement alimentaire, les troubles du sommeil, les addictions aux drogues et à l'alcool ou encore le stress post-traumatique. Dans le cas de la dépression, par exemple, les résultats sont fonction du type de syndrome dépressif. Ils sont controversés dans le cas de dépressions endogènes ou primaires. En revanche, l'hypnose semble avoir un impact favorable sur les dépressions secondaires. Ainsi, des travaux mettent en évidence qu'une amélioration notable peut être obtenue chez des patients cancéreux dont l'état dépressif pouvait être qualifié initialement d'intensité moyenne.Dans le traitement des phobies, l'efficacité de l'hypnose paraît démontrée, de même que dans celui de la boulimie. " Les patients boulimiques déclarent se regarder eux-mêmes manger quand ils sont en crise : ils sont à la fois spectateurs et acteurs. Autrement dit, ils accèdent à un état de dissociation comparable à une transe hypnotique, mais de coloration négative, qui leur nuit. Il n'est donc pas nécessaire au thérapeute de leur apprendre à se mettre en état d'hypnose lors de leurs épisodes de boulimie, mais à l'apprivoiser lorsqu'il survient ", indique Antoine Bioy.De façon générale, des travaux scientifiques de grande ampleur manquent quant à l'efficacité de l'hypnose dans les différents domaines où elle semble receler un potentiel. S'agissant des addictions, par exemple, seules existent quelques études de cas à partir desquelles on ne peut dégager des conclusions générales. " Il faut d'ailleurs avoir le courage de reconnaître ses erreurs. Des recherches effectuées sur de vastes cohortes révèlent que moins de 20% des personnes qui ont eu recours à l'hypnose pour arrêter la cigarette ne fument plus deux ans après l'hypnothérapie, alors que d'aucuns font miroiter de façon scandaleuse une efficacité de 80, 90, voire 100 %... ", déclare le Pr Bioy.Une indication pour laquelle l'efficacité de l'hypnose semble bien établie est le stress post-traumatique. On se trouve alors dans une pratique dont l'objectif est de " fluidifier les processus ". Dans tous les types de thérapie (TCC, systémique, etc.), l'exposition du patient au souvenir de l'événement traumatique qu'il a vécu constitue un passage obligé qui s'avère éminemment déstabilisant pour lui. Quand, après plusieurs entretiens, arrive cette étape de la thérapie, l'utilisation de l'hypnose permet un traitement plus souple et plus rapide du souvenir de l'événement à l'origine du traumatisme. Imaginons qu'un individu ait été agressé physiquement en rentrant chez lui. Lorsque, à la suite des suggestions du thérapeute, il est ramené mentalement sur le chemin qu'il avait emprunté ce jour-là et qu'il voit s'approcher son agresseur, situation génératrice d'une vive anxiété, l'hypnose doit lui permettre de s'extraire de sa position d'acteur dans le film de son agression pour en devenir spectateur. De la sorte, son ressenti est mis à distance et, avec l'aide du thérapeute, il pourra travailler plus facilement son rapport à l'anxiété, calmer les émotions qui l'assaillent et, in fine, retourner dans le souvenir de son agression telle qu'il l'a vraiment vécue." Là se situe la fluidité, dans cette possibilité de changer beaucoup plus facilement de point de vue au sein du travail thérapeutique que si celui-ci s'effectuait dans un état de conscience ordinaire, commente Antoine Bioy. Sous hypnose, l'événement traumatique est revécu au présent, ce qui accélère son intégration, tandis que, dans un état de conscience 'normal', la scène traumatisante peut être racontée telle qu'elle a eu lieu mais sans être totalement revécue, si ce n'est au terme de plusieurs narrations. " Dans les troubles psychologiques ou les affections psychiatriques, l'hypnose favorise-t-elle l'émergence de souvenirs que le patient aurait éventuellement " bannis " de son esprit ? La réponse doit être nuancée. Comme susmentionné, le patient garde toujours une part de conscience dans l'état hypnotique, de sorte que, selon le Pr Bioy, il demeure le principal maître de la séance thérapeutique bien qu'il n'en éprouve pas le sentiment. Son réflexe premier est de se protéger, de résister s'il a l'impression que l'hypnose peut le déstabiliser.Toutefois, le directeur scientifique du centre Ipnosia rapporte que si la relation que le patient entretient avec l'hypnothérapeute est forte et de bonne qualité, il laissera parfois émerger, à la surprise du praticien, le souvenir d'événements traumatiques qui n'avaient pas été identifiés jusque-là. Ce qui peut se révéler déstabilisant pour lui-même, mais aussi pour le thérapeute, qui doit être un psy aguerri. Dans la sphère des manifestations somatiques, l'hypnose est utilisée comme approche complémentaire pour la prise en charge de diverses affections, dont notamment le syndrome du côlon irritable, les pathologies dégénératives - surtout rhumatismales -, le cancer, le mal de dos chronique ou encore les maladies auto-immunes. La gestion de la douleur, du stress et de l'anxiété fait alors partie des priorités. Prenons le cas de la douleur. Comme le souligne le Pr Bioy, le thérapeute va jouer sur l'attention, en lien avec la mémoire et les émotions. Concrètement, il pourra demander au patient sous hypnose d'être attentif à la manière dont s'exprime la douleur qui le tenaille, mais aussi d'aller " rechercher " d'autres sensations corporelles. Pourquoi ? Pour qu'il prenne conscience qu'à côté des parties de son corps sur lesquelles il focalise son attention parce qu'elles sont douloureuses, d'autres ne le sont pas. Si le patient veut être soulagé, il est essentiel qu'il intériorise ce qu'est l'absence de douleur, qu'il se forge l'idée d'une sensation non nociceptive, condition nécessaire pour que l'hypnothérapeute puisse travailler avec lui à l'apaisement de sa douleur dans les zones corporelles dont elle émane. " L'hypnose permet un travail dit de réassociation car dans un contexte douloureux, entre autres, le patient tend à considérer que son corps n'est plus vraiment le sien, qu'il est son ennemi. Il faut qu'il se le réapproprie ", précise Antoine Bioy.S'il est aisé de prendre en charge la douleur aiguë avec l'hypnose - le sujet n'a pas encore développé une mémoire de sa douleur ni des émotions particulières qui lui sont associées -, on observe chez les patients une immense variabilité du ressenti et des résultats thérapeutiques lorsqu'il s'agit de douleurs chroniques. " Pour l'heure, il s'avère très difficile de définir précisément une stratégie de changement chez des patients chroniques. L'un des principaux défis des études scientifiques dans le domaine de l'hypnose est de réussir à cerner la complexité des processus impliqués dans la chronicité ", conclut notre interlocuteur.[1] Antoine Bioy et Marie-Élisabeth Faymonville (2018). La révolution de l'hypnose. Dunod.