Un triste - mais honnête - record belge

Avec 2.186 décès Covid par million d'habitants, la Belgique se classe très loin au-dessus de l'ensemble des pays de l'OCDE (1.406 décès par million d'habitants). Cinq autres seulement font encore pire, majoritairement de petits États d'Europe de l'Est. Une trentaine font mieux, dont tous nos voisins. Le cas de la Belgique semble plus dramatique encore lorsque l'on considère la mortalité dans le groupe le plus âgé: fin mai 2021, notre pays dénombrait environ 12.500 décès Covid parmi les plus de 85 ans, ce qui correspond à plus de 37.000 décès par million d'habitants. Un chiffre fictif calculé à des fins de comparaison, et qui catapulte la Belgique tout au sommet du classement. Seule la Slovénie s'en rapproche un peu. Reste que les comparaisons de ce type sont souvent bancales, ne fût-ce que parce que tous les pays ne rapportent pas leurs chiffres de mortalité de la même manière. L'OCDE les a donc confrontés à ceux de la surmortalité dans ses pays membres. Lorsqu'on examine cette dernière pour 2020 uniquement (en comparaison avec la moyenne des cinq années précédentes), on observe en Belgique une augmentation de 15% de la surmortalité. Cela reste plus que la moyenne de l'OCDE, qui s'élève à 11% (pour 36 États-membres). Néanmoins, des pays comme la Pologne, l'Italie et les États-Unis, qui ont rapporté un nombre relatif de décès Covid plus faible que la Belgique, affichaient en 2020 une augmentation de la surmortalité parfois considérablement plus élevée par rapport aux années précédentes. Pour l'ensemble des pays repris dans l'analyse de l'OCDE, la surmortalité observée en 2020 excédait le nombre de décès Covid enregistrés de 60%... et, d'après l'OMS, la mortalité réelle associée au coronavirus dépassait cette année-là de plus d'un tiers les chiffres rapportés. La figure 1 reprend le nombre de décès Covid (par million d'habitants) et la surmortalité entre début 2020 et mi-2021. Pour l'ensemble de cette période, les chiffres belges restent en-dessous de ceux qui concernent l'ensemble des 35 pays de l'OCDE ; avec une augmentation de 9% par rapport aux cinq années précédentes, notre pays se retrouve dans le " ventre mou " du classement. À titre de comparaison, au cours de la même période, l'Italie affichait une augmentation de la surmortalité de 13%, les États-Unis de 20% et la Pologne, de 23%. Les statistiques belges restent toutefois plombées par un nombre record de décès Covid rapportés. L'OCDE souligne que des facteurs géographiques et démographiques peuvent expliquer en partie les différences dans la mortalité associée au Covid. La Belgique est sans doute un peu victime de sa population vieillissante. Néanmoins, force est bien de constater que le Danemark comptait moins de 500 décès par million d'habitants alors qu'il est pourtant logé à la même enseigne démographique. L'organisation des soins et la réaction à la pandémie aussi ont pu être déterminantes et on peut donc légitimement se demander ce qui a bien pu déraper à ce point chez nous en comparaison avec d'autres pays. Il importe néanmoins de souligner (comme le fait d'ailleurs aussi l'OCDE) que la Belgique a rapporté la mortalité d'une façon nettement plus scrupuleuse que bien d'autres pays. Elle a notamment été l'un des premiers à consigner également les décès Covid intervenus en-dehors des hôpitaux, notamment dans les maisons de repos et de soins. En outre, au cours de la période où le recours aux tests PCR pour confirmer la contamination était encore limité, elle a aussi été l'un des rares pays à prendre en compte les décès Covid probables mais pas formellement établis. Health at a glance, rapport annuel dans lequel l'OCDE compare pour 38 pays un large ensemble d'indicateurs, s'intéresse également à l'impact du Covid dans les différents États membres. Quelques conclusions, en vrac: - Nous ne sommes pas tous égaux face au Covid. Les analyses réalisées dans plusieurs pays révèlent que l'infection a frappé plus durement non seulement les personnes âgées, mais aussi les groupes les plus vulnérables sur le plan socio-économique. Le rapport cite notamment des études belges rapportant que la surmortalité observée en 2020 était très marquée surtout dans les groupes jouissant des revenus les plus faibles et dans les quartiers défavorisés. Dans notre pays, les personnes âgées qui n'avaient pas terminée l'école primaire affichaient une mortalité supérieure de 40% à celle des séniors qui avaient fait des études supérieures. - La crise du coronavirus a eu un impact considérable sur les soins de santé. On a notamment constaté un report des soins aigus (avec toutes les conséquences négatives qui peuvent en découler), mais aussi un allongement des listes d'attente pour les opérations électives. D'après le Registre du Cancer belge, on a aussi enregistré entre mars et septembre 2020 quelque 5.000 diagnostics oncologiques de moins que prévu. D'après les analystes de l'OCDE, on peut donc s'attendre à ce que les effets de la pandémie se fassent encore longtemps sentir, en particulier dans le domaine du cancer et de la santé mentale. En première ligne, le recul des consultations physiques a heureusement souvent été compensé par les possibilités de la télémédecine et, dans notre pays aussi, cette piste nouvelle a été largement exploitée. D'après deux enquêtes réalisées par l'agence européenne Eurofound en 2020 et en 2021, les citoyens belges ne sont toutefois que 30% à y avoir fait appel, alors que cette proportion allait d'un peu moins de la moitié à près de trois quarts dans la plupart des autres pays. Un constat pour le moins interpelant! (voir figure 2).