...

Un sujet compliqué à traiter tant pour les orateurs en présence que pour un journaliste. Il est en effet très difficile de faire ressortir toutes les nuances d'un débat aussi complexe sans faire de raccourcis. À ce jeu délicat, c'est le biologiste et virologue Bernard Rentier qui a été le premier à prendre la parole. Selon lui, l'obligation vaccinale anti-covid-19 est "injustifiée et anachronique" bien qu'il appelle à la nuance. "Le rapport bénéfice/risque de la vaccination dépend fortement de la manière dont ce calcul est réalisé."L'ancien recteur de l'ULiège rappelle que quatre conditions sont requises pour obliger la vaccination. D'abord, l'existence d'une menace grave pour la santé publique. Ensuite, avoir un vaccin sûr et efficace. Et un profil coûts/avantages supérieur à celui des autres solutions. Enfin, il faut un niveau de coercition (sanctions ou coûts) proportionné. Bernard Rentier estime qu'aujourd'hui, il n'y a pas de menace grave pour la santé publique. "Actuellement, la souche virale est naturellement atténuée, même si elle est davantage transmissible" Une atténuation qui n'est pas due au vaccin, estime personnellement le virologue. "La maladie a évolué. C'est devenu une sorte de covid-22. La menace, surestimée depuis le début, est quasi nulle aujourd'hui, sauf pour les personnes dont la fragilité est connue."Concernant la sûreté du vaccin, Bernard Rentier juge qu'elle est de plus en plus souvent mise en cause et que chez les jeunes de moins de 45 ans, il y a de sérieuses suspicions qui pèsent sur les vaccins à ARN messager (ARNm), notamment dans la survenue de myocardites. "Les vaccins à ARNm ont été peu testés préalablement et en nombre limité en 2020", avance le virologue qui souligne également le manque de connaissance sur les effets dose-réponse à moyen et long terme de l'ARNm. ARNm dont l'efficacité est également de plus en plus souvent remise en question, avance Bernard Rentier. "La vaccination par ARNm n'est pas mûre. On ne peut pas imposer la vaccination dans ces conditions."Les arguments du Pr Rentier quant à la balance bénéfices/risques de la vaccination sont davantage conjoncturels et se basent sur l'état actuel de la pandémie. "Dans de telles conditions et en présence d'un virus qui est devenu quasi inoffensif, sauf dans des cas très précis et connus, le principe de précaution doit prévaloir."En guise de conclusion, la vaccination covid obligatoire pour le personnel de santé est "une solution trop simpliste pour affronter un problème complexe, non nécessaire, anachronique suite à l'évolution de ce virus. L'obligation n'est même pas le moyen le plus efficace d'obtenir un taux d'adhésion élevé à la vaccination. Au contraire, elle risque d'exacerber la rupture de confiance entre le personnel de santé et les institutions qui l'emploient", conclut Bernard Rentier, longuement applaudi par une frange des médecins présents. Nathan Clumeck a quant à lui défendu l'obligation vaccinale des soignants. Mais avec une nuance de taille: aujourd'hui, cela n'a plus de sens. Mais demain, si une nouvelle pandémie survient, il faudra peut-être y recourir. Tant pour protéger le personnel soignant que le patient, et, in fine, le système de santé. "Je suis un clinicien, un infectiologue. Je soigne des patients. Pour moi, un bon patient est un patient vivant. Aujourd'hui, nous parlons de vaccins, mais il faut également parler des soignants. Ils vivent une situation difficile, avec une perte de liberté individuelle, des valeurs morales individuelles (solidarité, sens civique, respect...). Ils vivent dans un système de santé en crise, avec une gestion de type 'catastrophe' dans un système de contraintes, avec des pénuries de matériels, des médicaments, des ressources. L'Ordre des médecins aborde la problématique maintenant. C'est positif. Mais j'aurais préféré l'aborder il y a deux ans. Cependant, la discussion permet de réfléchir à ce que l'on fera à l'avenir et de délimiter des actions qui ne seront pas l'objet de critiques car elles répondront à la problématique du moment."Aujourd'hui, un cadre législatif existe, bien qu'il ait été renvoyé devant le Conseil d'État et qu'il ne sortira probablement pas avant la prochaine législature. Soit vraisemblablement jamais. Mais sans coercition, "près de 90% des soignants étaient vaccinés en deux doses en novembre 2021, au plus fort de la pandémie", rappelle le professeur émérite de l'ULB et chef honoraire du service des maladies infectieuses du CHU Saint-Pierre. Alors aujourd'hui, en février 2023, faut-il imposer la vaccination aux soignants? "Évidemment non", répond l'intéressé, applaudi par les plus sceptiques "Cela vous étonne?", rétorque Nathan Clumeck. "La raison est simple: nous sommes en phase endémique, avec une émergence continuelle de nouveaux variants qui échappent en partie à l'immunité vaccinale et naturelle mais sans remontée du nombre des décès et d'hospitalisations. Mais quid si ces conditions changeaient?"Le terme d'anthropocène a été forgé pour rendre compte de l'impact sur le climat et la biodiversité de l'accumulation accélérée de gaz à effet de serre, ainsi que des dégâts irréversibles causés par la surconsommation des ressources naturelles. "Avec la déforestation, la destruction des habitats naturels, l'extinction des espèces, la surpopulation et le réchauffement climatique, l'émergence et l'amplification de zoonoses pandémiques a déjà commencé", avance le Pr Clumeck. Selon lui, le 21e siècle pourrait se révéler l'ère des pandémies. Le SARS, le H5N1, le MERS et covid-19 ont déjà semé la terreur ces 20 dernières années. Qui sait ce qui nous attend demain? Se pose donc la question de comment combattre un pathogène émergent. "En-dehors de toute mesure de prophylaxie et en l'absence de traitements spécifiques et efficaces, mise-t-on sur l'immunité 'naturelle' ou vaccinale? Tout dépendra de la balance entre la virulence du pathogène et la résistance de l'hôte", répond Nathan Clumeck. "Que ferions-nous si demain, nous étions confrontés à une pandémie d'Ebola? C'est un virus hémorragique qui est mortel dans 30 à 90% des cas, pour lequel il n'y a pas de traitement et le seul vaccin existant est un vaccin expérimental à base d'une souche dépassée. Les soignants sont en première ligne. Il faut les protéger."Et le médecin du CHU St-Pierre de rappeler que le lanceur d'alerte, concernant la pandémie de covid-19, était un médecin chinois. "Il est mort du covid-19. Le covid a décimé le personnel soignant à Wuhan. Avant la vaccination. Avec la vaccination, un certain nombre de soignants ont attrapé le covid. Mais ils sont revenus au travail.""En protégeant le soignant (bénéfice individuel), on protège le système de santé (bénéfice santé publique)", résume Nathan Clumeck. "De plus, la crise actuelle des systèmes de santé témoigne de l'importance, au-delà de la seule protection du personnel, de donner des moyens matériels et financiers adéquats aux hôpitaux et de reconnaître et valoriser les métiers de la santé.""Tout le monde a le droit d'avoir des doutes. Les doutes, en science, sont normaux et salutaires. Il faut cependant arriver à lever ces doutes pour le bien-être de la communauté. Politiquement, j'ajouterai qu'il ne faut pas tergiverser et appliquer les mesures rapidement pour protéger les soignants et le système de santé. Les retards dans les soins sont délétères", conclut Nathan Clumeck, également très applaudi. Mais pas nécessairement pas la même partie de l'audience que le Pr Rentier avant lui.