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L'Assemblée nationale a voté à nouveau pour la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes récemment, et son adoption définitive est prévue le 29 juin. Actuellement réservée aux couples hétérosexuels, elle sera élargie aux couples d'homosexuels et aux mères célibataires. "Il était temps que cette loi passe en France", pense le Dr Anne Delbaere, directrice du service de gynécologie-obstétrique et cheffe de la clinique de fertilité à l'Hôpital Érasme . "En Belgique, cette pratique est encadrée depuis 2007 par le texte de loi relatif à la procréation assistée, mais à l'Hôpital Érasme, nous avons accueilli ces demandes depuis plus de 30 ans."En attendant que la loi soit acceptée dans leur pays, de nombreuses Françaises continuent de passer la frontière pour bénéficier d'une technique qui leur est interdite. Selon le rapport Belrap (Belgian Register for Assisted Procreation), entre 9.000 à 10.000 cycles d'insémination intra- utérine avec sperme de donneur sont réalisés par an en Belgique dont environ 50% de patientes n'ont pas de mutuelle. " Et la majorité des patientes sans mutuelle sont des françaises", précise le Dr Delbaere. " Dans environ 90% des cas, l'indication de recours à un donneur de sperme est dû à une absence de partenaire masculin et dans 10% des cas cela est dû à une pathologie masculine." Sur ces 9.000 cycles, 6.000 sont pour des femmes de moins de 36 ans, 2.000 cycles pour des femmes entre 36 et 40 ans et environ 1.000 cycles pour des femmes de 40 à 43 ans. La Belgique est un des pays pionniers en termes de PMA. Le premier bébé issu d'une fécondation in vitro (FIV) y est né en 1983. Selon le Belrap, environ 20.000 FIV ont lieu chaque année, dont 3.000 pour des patientes sans mutuelle. L'âge moyen des femmes ayant recours à la FIV est de 35 ans. On parle souvent de tourisme médical mais le Dr Candice Autin, cheffe de clinique de la fertilité du CHU Saint-Pierre, préfère parler de "Cross boarder reproductive care". " Car le tourisme c'est du plaisir et ces patientes ne viennent pas pour le plaisir mais parce qu'elles n'ont pas accès à certaines techniques dans leur pays. Des projets de lois européens sont en préparation", poursuit-elle , "afin de réguler les lois entre les différents pays européens". Mais cela reste très compliqué car les législations sont très différentes d'un pays à l'autre. En Belgique, par exemple, la limite d'âge pour des traitements remboursés est de 43 ans. Au-delà, les femmes sont acceptées jusqu'à 45 ans pour la fécondation in vitro mais sans remboursement. "Cette loi est basée sur des statistiques car il y a moins de 2% de taux de réussite au-delà de 43 ans", précise la gynécologue ."Au CHU Saint-Pierre, nous faisons uniquement du don dirigé pour le don d'ovocytes (donneuse proche de la patiente) et du don dirigé et anonyme pour le don de sperme", poursuit le Dr Autin. "95% des dons de la banque de sperme en Belgique viennent du Danemark car il y a une pénurie de donneurs dans notre pays. Aucune campagne n'est réalisée et la publicité est interdite", poursuit-elle . " Dans toutes les situations de dons de sperme ou d'ovocytes, la loi impose aux donneurs et donneuses des examens médicaux poussés. Malgré tout, pour les parents d'un enfant né suite à un don anonyme, on constate que l'inconnu fait peur. Dès que leur enfant présente un problème de santé, ils nous contactent pour savoir si ce problème est en lien avec le don. S'il s'agit d'une maladie génétique, des analyses supplémentaires seront bien entendu réalisées chez le donneur mais dans l'immense majorité des cas, le problème de santé n'a aucun lien avec le don."A la question de savoir si l'anonymat du donneur peut poser problème pour les enfants, le Dr Delbaere répond qu' "une série d'études telles que celles de Suzanne Golombok et Anne Brewaeys montrent que les enfants nés grâce à un donneur de sperme anonyme ont un développement psychoaffectif harmonieux et en tout point comparable à celui des enfants issus de conceptions spontanées. En ce qui concerne les enfants élevés dans des familles homosexuelles, les conclusions des études sont unanimement rassurantes sur leur développement psychoaffectif et la qualité de leurs relations avec les parents et leurs pairs. Le risque d'être confronté à un comportement homophobe ne peut toutefois pas être ignoré. Dans les pays où la levée de l'anonymat est autorisée à 16 ou 18 ans (donneur identifiable), les jeunes adultes issus d'un don ayant la possibilité de rencontrer le donneur exprimaient plutôt leur curiosité que leur besoin de nouer une relation avec un géniteur. Toutefois, certains témoignages de jeunes adultes issus de dons de gamètes, comme par exemple celui d'Arthur Kermalvezen dans son livre "né de spermatozoïde inconnu", témoignent d'une réelle souffrance devant l'impossibilité d'avoir accès à l'identité du donneur", poursuit le Dr Delbaere . "Personnellement, je serais donc favorable à plusieurs profils de donneurs, anonymes stricts, connus, comme ce qui est déjà autorisé en Belgique actuellement, avec en plus un profil de donneur identifiable, c'est-à-dire offrant la possibilité à l'enfant issu du don d'avoir accès à l'identité du donneur lorsqu'il devient majeur à 18 ans, avec l'accord préalable du donneur bien entendu", conclut la gynécologue d'Erasme. "Il y a 30 ans", ajoute le Dr Autin , "on encourageait le secret dans les couples hétéros. Maintenant on n'est plus dans cette approche-là. Cependant, beaucoup de couples continuent à ne pas vouloir révéler la réalité de la conception. Et quand l'enfant l'apprend de manière sauvage et non préparée, c'est le drame. Ce n'est évidemment pas le cas dans les couples de femmes, ni chez les mamans solos. Une fois que cela est intégré dans l'histoire de l'enfant, cela ne l'intéresse plus forcément d'avoir des renseignements sur le donneur. Il est devenu une personne qui l'a aidé à arriver sur terre mais pas un parent. Et par ailleurs, les grossesses des couples de femmes et des mères célibataires sont toutes investies et désirées", ajoute la gynécologue de Saint Pierre . "On exclut dès lors toutes les grossesses non désirées."Pour le Dr Autin, le non-anonymat n'existera plus dans le futur car avec le développement des analyses génétiques, ce serait un leurre de penser qu'on va pouvoir maintenir le non-anonymat. Ce qui est fondamental, selon la spécialiste, c'est le travail des parents sur l'explication à l'enfant du recours au don d'ovocyte et/ou de sperme. La question de la ressemblance des enfants à leurs parents a son importance selon le Dr Delbaere: " Pour des couples hétérosexuels, le choix du donneur se fait sur base d'une série de caractéristiques physiques appariées aux caractéristiques physiques du futur père de sorte que l'enfant à venir ne puisse exprimer des caractéristiques physiques non compatibles avec l'apparence de ses parents. Je suis régulièrement frappée par la très forte ressemblance des enfants issus de dons de gamètes à leurs parents, ce qui est rapporté également avec grand plaisir par les parents eux-mêmes, soulignant toute l'importance des liens psychoaffectifs et de l'éducation dans l'acquisition de mimiques ou de modes d'expression", remarque-t-elle. Passé la quarantaine la réserve ovarienne de la femme est souvent insuffisante. C'est une des causes du recours à la FIV et au don d'ovocyte. Un certain pourcentage de femmes de plus de 40 ans souhaitent avoir un enfant et ont recours à la PMA. L'âge de la maternité recule de nos jours car la femme veut de plus en plus s'accomplir dans différents domaines avant de devenir mère. Les médias jouent parfois également un rôle défavorable en ce sens. Dr Anne Delbaere : "L'âge devient une cause majeure d'infertilité et son impact sur la fertilité reste pourtant largement sous-estimé par les patientes. Il est donc essentiel d'informer les jeunes femmes de la diminution de la fertilité liée à l'âge, car beaucoup la sous-estiment, du fait qu'elles ont une vie saine, qu'elles prennent des vitamines et font du sport... Par ailleurs, la notion fausse que la diminution de la qualité ovocytaire liée à l'âge peut être compensée par les techniques de procréation assistée reste très répandue. Des "success stories" de femmes célèbres enceintes très tardivement font le buzz, mais il n'est généralement pas précisé qu'il s'agissait d'une FIV avec recours au don d'ovocytes d'une donneuse bien plus jeune!"