Le journal du Médecin: Votre formation se déroule en pleine pandémie. Comment le vivez-vous?

Antoine Yanni: Au début de la pandémie, c'était un climat de stress et d'anxiété. Rapidement, nous avons dû diminuer notre activité de façon considérable.

Cyril Bouland: Nous avons participé tantôt au dépistage du personnel hospitalier, tantôt aux urgences de notre service pour des problèmes bucco-dentaires. Le souci est que l'on travaille dans la bouche. Le Covid a surtout provoqué de l'incertitude: nous ne savions jamais à quoi nous attendre le lendemain.

Rapidement, vous avez fait face à des problèmes de matériel. Comment avez-vous réagi?

A.Y.: Effectivement, la plupart des protections qui étaient à disposition ont été déployées dans les unités Covid et les soins intensifs. Nous avons donc rapidement manqué de matériel. Nous avons réfléchi, au sein de notre service, à comment prendre en charge nos patients tout en limitant au maximum le risque de contamination dans un climat de pénurie.

C.B.: Nous avons reçu un mail du Pr Politis de la KULeuven, qui a envoyé un modèle de visière aux stomatologues et chirurgiens maxillo-faciaux du pays. Malheureusement, le matériel requis était déjà trop compliqué à rassembler pour nous. Nous avons donc essayé de trouver des solutions avec le matériel à disposition. Nous avons simplement pensé à l'idée de prendre des feuilles de PVC transparentes, légères, utilisées pour les présentations sur rétroprojecteurs et les fixer sur une monture pour en faire des visières et nous protéger.

A.Y.: Notre projet est parti de là: nous divisions notre temps entre le travail et la fabrication de visières. Les débuts ont été laborieux. Nous avons fait un appel, via les réseaux sociaux, pour récolter des feuilles PVC. Au début, on se déplaçait pour aller chercher 10, 15 feuilles par-ci, par-là, et ensuite nous avons eu accès à des quantités beaucoup plus importantes. On s'est retrouvé avec des milliers de feuilles de PVC.

Il fallait ensuite avoir une base, une monture, sur laquelle attacher la feuille de PVC et la transformer en visière. Notre maître de stage - Isabelle Loeb, chef de service de stomatologie et directrice médicale du CHU-St-Pierre - nous a indiqué que le fablab de l'ULB travaillait sur la création de montures. Nous avons rejoint les discussions pour trouver une solution visant à nous protéger.

C.B.: La production a rapidement augmenté, car le fablab a réussi à mettre en place des procédures de fabrication de plus en plus efficaces. À tel point que même santhea a fait appel à lui pour équiper les maisons de repos, les hôpitaux francophones et même certains hôpitaux flamands. Les fablabs des différentes universités ont commencé à travailler ensemble et ainsi à produire de plus en plus de montures pour tous les professionnels de la santé. Des dentistes en cabinet sont d'ailleurs venus se fournir dans ces fablabs.

Combien de visières avez-vous créées?

C.B.: Environ 150.000 visières ont été distribuées à travers le pays. À St-Pierre, avec l'ensemble des participants - fablab compris qui a fait appel à des bénévoles - il y a eu des jours où plus de mille visières étaient produites. Ces visières étaient ensuite dispatchées dans différents hôpitaux, maisons de repos et cabinets privés du pays.

A.Y. : Si demain, nous étions en situation de pénurie, les fablabs seraient capables d'y répondre. Le travail d'élaboration de l'outil a déjà été réalisé.

Est-ce que, paradoxalement, cette crise sanitaire n'a pas été bénéfique pour votre formation?

C.B.: Nous avons beaucoup appris d'un point de vue humain, mais aussi concernant notre capacité d'adaptation. Nous nous sommes soutenus les uns les autres, beaucoup d'aide venant de toute part, et pas seulement de collègues. Ce ne fut certainement pas la période la plus épanouissante d'un point de vue médical, il a fallu prendre en charge des patients avec les moyens du bord. Il fallait dispenser les meilleurs soins possibles tout en se protégeant et en protégeant le patient.

A.Y.: Entre collègues, c'était une période de rapprochement. Il y a eu beaucoup d'entraide. À cela s'ajoute le fait de se sentir réellement utile. Cependant, ce travail s'est fait au détriment de ma vie de famille. Beaucoup de gens ont ressenti ce manque, et c'est clairement ce qui a été difficile pour moi. C'est donc une période où beaucoup de sentiments se sont entremêlés. Il est aussi important de préciser que nous n'avons pas vécu des semaines complètes dans les unités Covid. C'est également grâce à ça que l'on a pu s'en sortir.

Comment voyez-vous votre avenir?

C.B.: Nous sommes tous les deux amoureux de la science pour faire avancer la connaissance. J'ai débuté une thèse de doctorat il y a trois ans et je suis aujourd'hui financé à mi-temps par le FNRS pour un projet de recherche sur la régénération osseuse à partir de cellules souches. Ce que l'on a développé m'a donné encore plus envie de faire de la recherche, mais aussi de voir le fruit de cette recherche sur le terrain. Je désire toujours autant être chirurgien et soigner des patients.

A.Y.: J'ai suivi les traces de mon confrère. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et j'ai pris goût à la recherche. J'ai démarré des travaux de recherche dans le domaine de la cancérologie au niveau des voies aérodigestives supérieures. L'idée est également de réaliser un doctorat, mais sans abandonner le terrain, les urgences, le contact avec le patient. On ne peut pas dire le contraire quand on travaille à St-Pierre.

Le journal du Médecin: Votre formation se déroule en pleine pandémie. Comment le vivez-vous? Antoine Yanni: Au début de la pandémie, c'était un climat de stress et d'anxiété. Rapidement, nous avons dû diminuer notre activité de façon considérable. Cyril Bouland: Nous avons participé tantôt au dépistage du personnel hospitalier, tantôt aux urgences de notre service pour des problèmes bucco-dentaires. Le souci est que l'on travaille dans la bouche. Le Covid a surtout provoqué de l'incertitude: nous ne savions jamais à quoi nous attendre le lendemain. Rapidement, vous avez fait face à des problèmes de matériel. Comment avez-vous réagi? A.Y.: Effectivement, la plupart des protections qui étaient à disposition ont été déployées dans les unités Covid et les soins intensifs. Nous avons donc rapidement manqué de matériel. Nous avons réfléchi, au sein de notre service, à comment prendre en charge nos patients tout en limitant au maximum le risque de contamination dans un climat de pénurie. C.B.: Nous avons reçu un mail du Pr Politis de la KULeuven, qui a envoyé un modèle de visière aux stomatologues et chirurgiens maxillo-faciaux du pays. Malheureusement, le matériel requis était déjà trop compliqué à rassembler pour nous. Nous avons donc essayé de trouver des solutions avec le matériel à disposition. Nous avons simplement pensé à l'idée de prendre des feuilles de PVC transparentes, légères, utilisées pour les présentations sur rétroprojecteurs et les fixer sur une monture pour en faire des visières et nous protéger. A.Y.: Notre projet est parti de là: nous divisions notre temps entre le travail et la fabrication de visières. Les débuts ont été laborieux. Nous avons fait un appel, via les réseaux sociaux, pour récolter des feuilles PVC. Au début, on se déplaçait pour aller chercher 10, 15 feuilles par-ci, par-là, et ensuite nous avons eu accès à des quantités beaucoup plus importantes. On s'est retrouvé avec des milliers de feuilles de PVC. Il fallait ensuite avoir une base, une monture, sur laquelle attacher la feuille de PVC et la transformer en visière. Notre maître de stage - Isabelle Loeb, chef de service de stomatologie et directrice médicale du CHU-St-Pierre - nous a indiqué que le fablab de l'ULB travaillait sur la création de montures. Nous avons rejoint les discussions pour trouver une solution visant à nous protéger. C.B.: La production a rapidement augmenté, car le fablab a réussi à mettre en place des procédures de fabrication de plus en plus efficaces. À tel point que même santhea a fait appel à lui pour équiper les maisons de repos, les hôpitaux francophones et même certains hôpitaux flamands. Les fablabs des différentes universités ont commencé à travailler ensemble et ainsi à produire de plus en plus de montures pour tous les professionnels de la santé. Des dentistes en cabinet sont d'ailleurs venus se fournir dans ces fablabs. Combien de visières avez-vous créées? C.B.: Environ 150.000 visières ont été distribuées à travers le pays. À St-Pierre, avec l'ensemble des participants - fablab compris qui a fait appel à des bénévoles - il y a eu des jours où plus de mille visières étaient produites. Ces visières étaient ensuite dispatchées dans différents hôpitaux, maisons de repos et cabinets privés du pays. A.Y. : Si demain, nous étions en situation de pénurie, les fablabs seraient capables d'y répondre. Le travail d'élaboration de l'outil a déjà été réalisé. Est-ce que, paradoxalement, cette crise sanitaire n'a pas été bénéfique pour votre formation? C.B.: Nous avons beaucoup appris d'un point de vue humain, mais aussi concernant notre capacité d'adaptation. Nous nous sommes soutenus les uns les autres, beaucoup d'aide venant de toute part, et pas seulement de collègues. Ce ne fut certainement pas la période la plus épanouissante d'un point de vue médical, il a fallu prendre en charge des patients avec les moyens du bord. Il fallait dispenser les meilleurs soins possibles tout en se protégeant et en protégeant le patient. A.Y.: Entre collègues, c'était une période de rapprochement. Il y a eu beaucoup d'entraide. À cela s'ajoute le fait de se sentir réellement utile. Cependant, ce travail s'est fait au détriment de ma vie de famille. Beaucoup de gens ont ressenti ce manque, et c'est clairement ce qui a été difficile pour moi. C'est donc une période où beaucoup de sentiments se sont entremêlés. Il est aussi important de préciser que nous n'avons pas vécu des semaines complètes dans les unités Covid. C'est également grâce à ça que l'on a pu s'en sortir. Comment voyez-vous votre avenir? C.B.: Nous sommes tous les deux amoureux de la science pour faire avancer la connaissance. J'ai débuté une thèse de doctorat il y a trois ans et je suis aujourd'hui financé à mi-temps par le FNRS pour un projet de recherche sur la régénération osseuse à partir de cellules souches. Ce que l'on a développé m'a donné encore plus envie de faire de la recherche, mais aussi de voir le fruit de cette recherche sur le terrain. Je désire toujours autant être chirurgien et soigner des patients. A.Y.: J'ai suivi les traces de mon confrère. Nous avons beaucoup travaillé ensemble et j'ai pris goût à la recherche. J'ai démarré des travaux de recherche dans le domaine de la cancérologie au niveau des voies aérodigestives supérieures. L'idée est également de réaliser un doctorat, mais sans abandonner le terrain, les urgences, le contact avec le patient. On ne peut pas dire le contraire quand on travaille à St-Pierre.