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Islatravir: nouveau venu dans la bataille contre le VIHL'islatravir est le premier représentant d'une nouvelle classe d'antirétroviraux, les inhibiteurs nucléosidiques de la translocation de la transcriptase inverse. Il est éliminé lentement du corps, ce qui permet potentiellement une administration espacée, voire très espacée. Cependant, son développement clinique a connu un sérieux coup de frein en 2021 après constat que l'islatravir était associé à une diminution des lymphocytes (T, B et NTK). Ces modifications semblaient en lien avec un dosage initial trop élevé. Des études ultérieures ont donc évalué son utilisation à des doses plus faibles et en prise quotidienne.Doravirine/islatravir en maintenanceLe professeur Jean-Michel Molina (Hôpital Saint-Louis, Paris) a rapporté les résultats, à 48 semaines de suivi, d'une étude, menée en ouvert, au cours de laquelle des personnes vivant avec le VIH, expérimentées, à charge virale indétectable sous trithérapie classique ( 14% sous IP, 52% sous inhibiteurs de l'intégrase et schémas variables pour le reste) et sans antécédent d'échec thérapeutique ont été randomisées, soit pour poursuivre leur trithérapie usuelle, soit pour passer vers l'association doravirine/islatravir (100 mg/ 0,75 mg). L'étude a recruté 672 personnes dans 15 pays. La population de l'étude était composée d'un peu plus d'un tiers de femmes (36 %), environ 26 % des participants étaient africains ou afro-américains et la durée médiane du traitement antirétroviral actuel était de 2,7 ans. Moins de 10% des participants avaient un nombre de CD4 inférieur à 350.Efficacité virologique L'analyse des résultats a montré que le passage à l'association doravirine/islatravir était non inférieur à la poursuite du traitement existant à la semaine 48. En effet, 95 % des participants du groupe doravirine/islatravir et 94 % de ceux du groupe non-switch ont maintenu une charge virale inférieure à 50 copies. Il n'y a eu aucun cas de rebond viral au-dessus de 50 copies dans le groupe doravirine/islatravir. Par contre, 3 participants ayant poursuivi leur trithérapie usuelle ont connu un rebond viral.Un bilan immunologique rassurantSur le plan immunitaire et à 48 semaines de suivi, le nombre de cellules CD4 a augmenté en moyenne de 30 cellules dans le groupe sans changement mais a, par contre, chuté de 38 cellules en moyenne dans le groupe doravirine/islatravir. Cependant, pour le professeur Molina, cette différence n'était pas significative sur le plan purement clinique puisque le nombre moyen de CD4 au sein du groupe doravirine/islatravir était de 677 à la semaine 48. Le nombre total de lymphocytes a, lui aussi, chuté de 10 % en moyenne dans le bras doravirine/islatravir à la semaine 48 et est resté stable dans le groupe non-switch mais une analyse des événements indésirables a montré que cela n'a entraîné aucune différence clinique concernant la survenue d'infections au cours de l'étude puisque 33% des participants dans chaque bras ont développé une infection au cours de l'étude et il n'y avait aucune différence concernant les taux de COVID-19 entre les bras de l'étude (5%). Notons aussi qu'aucun événement classant SIDA n'a été observé durant l'étude. Un événement indésirable grave lié au médicament s'est produit dans le bras doravirine/islatravir et cinq participants de ce bras ont arrêté en raison d'événements indésirables liés au médicament contre aucun dans le bras qui a poursuivi une trithérapie usuelle. En conclusion, cet essai de phase 3 ainsi qu'un autre (doravirine/islatravir vs BIC/FTC/TAF en maintenance) aux résultats très proches sont rassurant en démontrant une bonne efficacité virologique du couple doravirine/islatravir en maintenance avec une modeste chute des lymphocytes totaux et des cellules CD4 mais sans impact sur le taux d'infections.Réf: Molina JM et al. Poster 196, CROI 2023.