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Pr Yombi: "Pour bien mesurer toute l'importance du virage majeur que l'arrivée des thérapies duales va faire prendre aux traitements antirétroviraux actuels, il est important de se remémorer les différentes étapes de cette course contre le VIH. Au tout début, il n'y avait pas de traitement puis les monothérapies. A chaque fois qu'une nouvelle molécule apparaissait, on l'essayait. Puis, au fur et à mesure de l'élargissement de notre arsenal thérapeutique, on est passé aux bithérapies afin de jouer sur les différentes étapes du cycle de multiplication du VIH. Mais, l'histoire moderne des traitements antirétroviraux débute en 1996, à Vancouver, lors du 11ème congrès de l'IAS avec la présentation de deux études, l'une par Gulick et l'autre par Hammer, démontrant la nette supériorité sur le plan virologique des trithérapies vs les mono ou bithérapies. On tenait enfin notre "magic bullet", comme ces trithérapies ont été alors dénommées, et le chiffre 3 a alors été introduit dans toutes les recommandations internationales. Cependant, devant la complexité et la lourdeur des schémas thérapeutiques (près de 20 comprimés quotidiens, la nécessité d'une conservation au frigo de certaines molécules et des horaires de prise très contraignants, parfois en pleine nuit) ainsi que la toxicité élevée des molécules (lipodystrophies, problèmes rénaux ou cardiovasculaires, etc), il est rapidement devenu évident que des solutions d'allégement devaient être trouvées si on voulait préserver les bénéfices virologiques de ces trithérapies. Plusieurs solutions ont été testées, désescalade thérapeutique, réduction des NRTIs ou du nombre de comprimés, mais, à chaque étude, le même constat revenait, les patients présentant une charge virale initiale importante et/ou un taux de CD4 très bas ne répondaient pas à ces diverses tentatives d'allégement thérapeutique au point que l'option "light" est tombée en désuétude jusqu'à l'arrivée des inhibiteurs de l'intégrase et surtout ceux de seconde génération dont le dolutégravir est le chef de file, des molécules hautement efficaces, dotées d'une barrière élevée aux résistances et à la toxicité atténuée et très acceptable. Avec l'étude GARDEL, présentée en 2013 par Pedro Cahn, qui démontre l'efficacité virologique de l'association lopinavir + 3TC, ce compris pour les patients présentant une charge virale initiale très élevée et/ ou un taux très bas de CD4, on a tout de suite su que le principal obstacle vers un allègement thérapeutique sous la forme d'une thérapie duale était enfin levé. L'étude "proof of concept" PADDLE (dolutégravir + 3TC) auprès de 20 patients naïfs suivie de l'étude ouverte de phase 2 à bras unique ACTG A5353 de Taiwo (Chicago) et, enfin, les récentes études randomisées de phase 3, GEMINI 1 et 2, comparant une thérapie duale associant dolutégravir et 3TC à une thérapie classique ont définitivement confirmé qu'une thérapie duale constitue une option efficace et sûre pour initier le traitement antirétroviral chez les patients naïfs. Avec cette avancée, une nouvelle page s'ouvre mais d'autres options pour alléger d'avantage le traitement antirétroviral sont en cours d'évaluation avec les molécules à longue durée d'action et de modalités administration nouvelles (SC, nanoparticules)".Dr Jean-Luc Schouveller