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Une équipe de l'Université Thomas Jefferson à Philadelphie fournit la première preuve qu'une enzyme humaine peut convertir des séquences d'ARN en ADN, ce qui remet potentiellement en question un dogme central de la biologie et pourrait avoir de vastes implications.Pour cette étude, le Dr Pomerantz et ses collègues ont étudié une polymérase très inhabituelle, appelée polymérase thêta. Sur les 14 ADN polymérases présentes dans nos cellules, seules trois effectuent l'essentiel du travail de duplication de l'ensemble du génome pour préparer la division cellulaire et donner leur ration d'ADN aux nouvelles cellules. Les autres sont principalement impliqués dans la détection et la réparation en cas de rupture ou d'erreur dans les brins d'ADN. La polymérase thêta répare l'ADN mais est particulièrement sujette aux erreurs et provoque notamment de nombreuses erreurs ou mutations lorsqu'elle transcrit de l'ADN en ARN. En regardant de plus près, les chercheurs ont remarqué que la polymérase thêta partage certaines de ses "mauvaises" qualités avec la transcriptase inverse, une enzyme qui est capable de convertir l'ARN en ADN, que l'on peut retrouver notamment dans le VIH. Dans une série d'expériences, les chercheurs ont testé la polymérase thêta contre la transcriptase inverse du VIH. Ils ont montré qu'elle est capable de convertir les messages d'ARN en ADN, ce qu'elle fait aussi bien que la transcriptase inverse du VIH, et avec encore plus d'efficacité que lors de la duplication de l'ADN en ADN. Contre toute attente, il pourrait bien s'agir de l'objectif principal de la polymérase thêta dans la cellule. Pour l'affirmer, les scientifiques ont utilisé la cristallographie aux rayons X et constaté que cette molécule est capable de changer de forme afin de s'adapter à la molécule d'ARN plus volumineuse, ce qui serait, selon eux, un exploit unique parmi les polymérases. Cette nouvelle fonction des cellules capables de reconvertir des séquences d'ARN en ADN pourrait apporter de nouveaux éléments dans la compréhension du mécanisme de croissance des cellules cancéreuses. "Notre recherche suggère que la fonction principale de la polymérase thêta est d'agir comme une transcriptase inverse," explique le Dr Pomerantz. "Dans les cellules saines, le but de cette molécule peut être la réparation de l'ADN par l'ARN messager. Dans les cellules malsaines, telles que les cellules cancéreuses, la polymérase thêta est fortement exprimée et favorise la croissance des cellules cancéreuses et la résistance aux médicaments. Il sera passionnant de mieux comprendre comment l'activité de la polymérase thêta sur l'ARN contribue à la réparation de l'ADN et à la prolifération des cellules cancéreuses."(référence : Science Advances, 11 juin 2021, doi : 10.1126/sciadv.abf1771)