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Un des défis majeurs pour les scientifiques qui étudient l'infection par le SARS-CoV-2 est de mieux comprendre les mécanismes de l'"orage cytokinique", une réaction inflammatoire incontrôlée et excessive, associée aux formes cliniques sévères de la maladie.Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs et médecins français en collaboration avec plusieurs équipes étrangères (Singapour, Chine, Israël) s'est appuyée sur l'analyse d'échantillons sanguins provenant de 158 patients admis aux urgences pour suspicion de Covid-19. Parmi ces patients, 72 patients ont été testés négatifs par PCR et 86 positifs.Chez les patients atteints d'une forme sévère de la Covid-19, de multiples analyses de leurs cellules sanguines, notamment une cytométrie spectrale en flux et un séquençage d'ARN unicellulaire, ont révélé des modifications de la production et de la répartition de certaines cellules myéloïdes (polynucléaire neutrophiles, monocytes) du système immunitaire, aboutissant à une immunosuppression.Les modifications incluent un nombre considérable de monocytes "classiques" qui sous expriment l'antigène HLA-DR, favorisant l'immunosuppression, et une forte diminution des monocytes "non classiques", qui constituent habituellement 10% des monocytes mais représentent moins de 4% chez les patients sévères.Autre constat : la libération aussi bien dans le sang que les poumons de cellules myéloïdes correspondant à des polynucléaires neutrophiles immatures aux propriétés immunosuppressives. Cette libération pourrait être liée à un taux très élevé - 100 à 1 000 fois plus que la normale - de calprotectine, une protéine pro-inflammatoire de la famille des alarmines."Nos résultats suggèrent que la calprotectine pourrait être responsable de l'aggravation de la Covid-19, puisque sa quantité corrèle avec les besoins en oxygène ainsi que les facteurs impliqués dans la thrombose," estime l'auteur principal Aymeric Silvin. "La forte augmentation de calprotectine dans le sang pourrait intervenir avant l'orage cytokinique."Les conclusions de l'étude indiquent aussi que les taux de calprotectine et de monocytes non classiques dans le sang constitueraient des biomarqueurs prédictifs de la sévérité de Covid-19.Enfin, ce travail fournit des bases solides permettant d'envisager des approches thérapeutiques inédites pour contrer l'aggravation de la Covid-19 : le blocage des récepteurs de la calprotectine et la myélopoïèse d'urgence. Ces stratégies sont à évaluer par des essais cliniques. (référence : Cell, 5 août 2020, doi : 10.1016/j.cell.2020.08.002)