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Une bonne communication entre le médecin et le patient est indispensable pour des soins de qualité. La méconnaissance du français peut être une barrière dans la prise en charge à différents niveaux. Pour des personnes de nationalité étrangère ou appartenant à des minorités linguistiques, ces difficultés sont tout à fait compréhensibles. Pour les patients sourds, bien que faisant partie d'une minorité linguistique et culturelle, cela semble beaucoup moins évident. Cependant, la problématique sourde semble méconnue et sous-estimée par les médecins. Ils considèrent la surdité comme uniquement un problème d'audition sans réaliser l'ampleur des difficultés communicationnelles, d'accessibilité et de qualité des soins.L'objectif de ce travail est d'analyser et de confronter le point de vue du médecin et du patient sourd sur cette prise en charge spécifique.Il existe différents types de surdité, qu'on peut classer selon leur étiologie, l'âge de survenue, l'organe atteint ou les critères audiométriques. Chaque personne sourde est donc différente de par son type et son degré de surdité ainsi que par son environnement (contexte familial, éducation, communication, ...). L'existence d'une culture sourde est régulièrement remise en question. La surdité est perçue par beaucoup d'entendants uniquement comme un handicap et non comme une culture à part entière. Or, elle possède une langue propre, un humour spécifique, une histoire commune, des formes de comportements et de savoir-vivre ainsi qu'une production artistique spécifique.La technique utilisée a été l'étude qualitative par entretiens semi-dirigés ; elle permet de mettre en évidence la variété des opinions sur un sujet sans en mesurer la fréquence. Les populations cibles étudiées étaient les patients sourds adultes dont la surdité remonte à l'enfance et les médecins les prenant en charge en Province de Liège. La décision de cet échantillon résulte d'une volonté d'étudier les problèmes de communication des Sourds locuteurs en langue des signes sans tenir compte des devenus sourds qui éprouvent moins de difficultés d'adaptation. Les entretiens ont été menés sur base de guides d'entretiens spécifiques à chaque population, validés puis analysés en grilles d'analyse thématique pour en dégager les idées maîtresses. On dénombre sept médecins généralistes et douze patients sourds interrogés, avec saturation des données. Ce qui est marquant à la lecture des résultats, c'est de voir à quel point le ressenti des médecins et celui des patients divergent et combien cette communication est perfectible.Les médecins sont globalement satisfaits de la prise en charge. Contrairement aux patients sourds, qui s'en contentent mais souhaiteraient des améliorations. L'accessibilité et la qualité des soins sont jugées insuffisantes en termes de sentiment d'écoute, de prévention et de compréhension du diagnostic et du traitement. Ces problèmes de communication engendrent un sentiment de peur envers le monde médical. Il existe autant de mécanismes d'adaptation, de moyens de communication et de types de relation qu'il y a de surdités. Cela témoigne de la grande hétérogénéité des surdités. Les mécanismes d'adaptations utilisés (recours aux interprètes, présence d'un tiers, lecture labiale, oralisation, utilisation de l'écrit, communication non verbale) permettent d'apporter des solutions d'amélioration à la communication mais sont tantôt surestimés, tantôt sous-estimés ou perfectibles. Des pistes d'amélioration sont envisageables dont principalement la sensibilisation des médecins aux spécificités des patients sourds, notamment sur la culture sourde et leurs particularités visuelles, mais également l'apprentissage de la langue des signes par certains prestataires de soins, une meilleure disponibilité des interprètes, une adaptation des campagnes de prévention, l'utilisation des nouvelles technologies, des ordonnances plus imagées, une valorisation financière des consultations qui sont plus chronophages.En conclusion, le ressenti du médecin et du Sourd sur la qualité de la prise en charge divergent. La communication et l'accessibilité aux soins sont perfectibles mais ces difficultés ne sont pas insurmontables. L'amélioration de la prise en charge passe par le phénomène d'acculturation.