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Voici quelques conseils pour tout médecin qui souhaite ouvrir un cabinet en personne physique ou morale.Parlons d'abord du lieu. Lorsque le lieu convoité pour installer son cabinet est situé en zone résidentielle, la plus grande vigilance est de mise. On ne peut exercer partout. Que l'on acquière ou prenne en location un bien immeuble, on s'assurera au préalable que l'exercice d'une profession libérale est légalement permise. Pour y arriver, on n'hésitera pas à interroger le propriétaire et/ou l'intermédiaire chargé de trouver un locataire ou un acheteur (agent immobilier, notaire). Si le bien est situé dans un immeuble à appartements multiples, on redoublera de prudence. La consultation de l'acte de base (la charte de l'immeuble, composée de l'acte lui-même et du règlement général de copropriété) est indispensable. Un règlement d'ordre intérieur existe également (v.infra). Le propriétaire et/ou le syndic et/ou l'intermédiaire chargés de mettre en location ou vente peuvent disposer d'un exemplaire de ces documents. Dans le cas contraire, le syndic est tenu de les mettre à la disposition de tout candidat locataire/acquéreur. Un exemplaire des trois derniers procès-verbaux d'assemblée générale doit également être fourni. Il est également tenu de communiquer le montant des charges communes, ainsi que celui du fonds de réserve et de roulement.Les immeubles à appartements placés sous régime de copropriété forcée n'autorisent pas toujours l'exercice d'une profession libérale. Et, lorsque c'est le cas, l'acte de base mentionne cette autorisation et les conditions de son application. Un exemple : l'affectation d'un lot (appartement privatif) à des fins d'exercice d'une profession libérale peut dépendre de la superficie actuelle consacrée à une destination professionnelle dans l'immeuble. Encore faut-il disposer de l'acte de base le plus récent, car il peut légalement être modifié. A titre d'exemple, tous les syndics étaient légalement tenus de procéder à une actualisation des actes de base avant le premier septembre 2014 afin de se mettre en conformité avec la nouvelle loi sur la copropriété de 2010.Certains lots peuvent changer de destination suite à une décision de l'AG. L'exemple classique est la transformation en un lot privatif d'une conciergerie devenue inutile suite au départ du concierge. La description actuelle du lot recherché (le futur cabinet) peut également provenir d'une décision récente de l'AG qui a voté cette affectation afin de rentabiliser ce bien.La lecture des procès-verbaux est souvent instructive. On peut parfois y découvrir que des travaux sont prévus, lesquels pourraient perturber les projets du médecin (nuisance futures diverses) ou l'exécution des travaux qu'il envisage. Dans d'autres situations, les travaux votés vont coûter tellement cher qu'une provision extraordinaire est demandée, ce qui peut pousser des copropriétaires à vendre....On aura compris que si l'on se trouve dans l'une de ces situations, le recours avant tout engagement à " son " notaire (ou tout autre professionnel averti) s'avère indispensable.Qu'il s'agisse d'un appartement (lot) ou d'une habitation (maison, villa), une deuxième précaution doit impérativement être prise : interroger le service urbanistique de la commune ou ville dans laquelle est situé le bien. Il peut arriver que des contraintes urbanistiques existent. Ainsi, l'autorisation d'exercer dans l'endroit retenu sera confirmée ou infirmée et les éventuelles contraintes connues. Outre cette précieuse information, l'éventuelle existence d'autres projets urbanistiques sera également communiquée (bien voisin en cours d'expropriation, projet immobilier à proximité de l'immeuble concerné, nouvelle affectation des lieux prévue, voirie à modifier, etc.). Il peut même arriver que cette recherche vous révèle la véritable raison de la mise en vente d'un lot : l'occupant actuel sait qu'il ne pourra bientôt plus utiliser les lieux pour exercer. Pour cette raison, tout médecin qui débute ne se contentera pas de constater qu'un confrère (ou un autre titulaire d'une profession libérale) exerce dans un lieu pour se dispenser des recherches évoquées supra. De bonne ou mauvaise foi, il peut arriver que l'occupant vende ou quitte les lieux, justement en raison de l'interdiction ancienne, actuelle ou future, d'exercer.Si l'installation d'un cabinet médical est refusée, une demande de changement d'affectation peut être introduite. Un permis d'urbanisme peut être exigé. Le service urbanistique vous éclairera sur la faisabilité et l'intérêt de telles démarches. Une décision favorable de l'assemblée des copropriétaires sera également requise.Le bail pour profession libérale ne tombe pas sous la loi des baux commerciaux. C'est le Code civil qui trouve à s'appliquer. En conséquence, des clauses particulières peuvent être insérées si les parties (bailleur et médecin locataire) le souhaitent. On en profitera pour préciser noir sur blanc divers points, tels l'activité prévue, le droit au placement d'une plaque, la durée du bail, les conditions de son renouvellement et le sort des travaux en fin de bail (rachat par le bailleur ou remise dans le pristin état). A ce sujet, si la durée du bail excède neuf années (hors renouvellement), il devra être transcrit au bureau des hypothèques1. Un acte notarié sera requis.Si le bien est situé dans un immeuble à appartements (par exemple le rez), on veillera toutefois à consulter le règlement d'ordre intérieur. Pourquoi ? Parce que des interdictions ou limitations peuvent y figurer. Voici un exemple tiré de la pratique : il est déjà arrivé que la profession médicale soit acceptée, à l'exception du traitement des maladies infectieuses.Un autre aspect ne doit jamais être écarté : l'impact fiscal. S'agissant d'un loyer professionnel, il est déductible pour le médecin, mais entraîne une taxation plus élevée dans le chef du bailleur. Ce dernier répercutera cette majoration fiscale dans le loyer demandé. Dès lors, on ne s'étonnera pas si le loyer demandé semble plus élevé que la moyenne des loyers pour des biens similaires dans le quartier.Enfin, on s'assurera que le bail soit le plus tôt possible enregistré (délai maximal : 4 mois). Cette formalité obligatoire entraîne l'existence d'une " date certaine " (preuve la plus élevée) et d'une protection renforcée pour le locataire en cas de vente par le propriétaire bailleur du bien loué. L'administration fiscale vous demandera de dresser un plan des lieux afin de séparer la partie professionnelle de celle qui est privée. Dans ce but, vous devrez communiquer la superficie de chaque pièce.Lorsqu'on évoque une acquisition immobilière scindée, on vise généralement l'achat par des parents de l'usufruit d'un bien et par leurs enfants de la nue-propriété. Ces derniers ont préalablement reçus de leurs parents usufruitiers la somme nécessaire à cette acquisition, par don manuel ou autrement. Pourquoi un tel montage ? Parce que, au décès du dernier des deux parents usufruitiers, les enfants deviennent pleinement propriétaires du bien sans acquitter de droits de succession. En vertu du principe de progressivité des tranches, ce montage permet de diminuer, parfois de manière fort conséquente, l'actif net imposable lorsque s'ouvre la succession du dernier parent usufruitier. De plus, lors du calcul des droits de succession, tout se passe comme si l'immeuble n'existait pas.Il est admis depuis longtemps qu'une société peut exercer une profession libérale. Citons à titre d'exemple les cabinets de dentistes, d'avocats ou les associations de notaires. Il s'agit de la volonté effective, réelle, des fondateurs de s'associer en vue de rassembler leurs compétences afin de réaliser un projet générateur de bénéfices. Cette volonté doit transparaître dans tous les actes posés.Les médecins fondateurs choisissent souvent de créer un SPRL. Le capital minimal à souscrire par les associés s'élève à 18.600 EUR dont 1/3 doit être libéré (5.200 EUR).Le notaire dresse les statuts de la SPRL. Ceux-ci mentionnent notamment l'identité des fondateurs, leur fonction future (gérant, président, etc.), l'adresse du siège social, la raison sociale (le nom), l'actionnariat (combien de parts sociales à chacun) et l'objet social (les activités futures de la société).Un plan financier doit également être apporté par les fondateurs et déposé au rang des minutes du notaire. Il doit détailler les projets de la société sur 3 années. En cas de faillite dans les 2 ans, ce plan sera consulté par le Tribunal et des sanctions civiles et/ou pénales pourraient être prises s'il est constaté que le plan n'a volontairement pas été respecté.Ces statuts sont notamment publiés au Moniteur belge et adressés à la Banque Carrefour Entreprise (BCE). Un médecin généraliste qui débute ou qui exerce sa profession en tant que personne physique peut constituer une société. Généralement, il signe avec cette dernière une convention qui porte principalement sur l'attribution des revenus. Ce faisant, il évite pour l'avenir de voir ses honoraires, revenus professionnels, taxés sous le régime de l'Impôt des Personnes Physiques (IPP). En effet, est fiscalement considéré comme profit tous les revenus d'une profession libérale, en ce compris les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle.L'arrêt de son activité en tant que titulaire d'une profession libérale est en conséquence destiné à mettre sur pied une personne morale. Ainsi, rend-on possible la déduction par le biais de la personne morale de quantité de frais et, principalement les loyers, qualifiés de frais professionnels. Autre avantage : c'est l'Impôt des Sociétés (Isoc) qui trouve à s'appliquer, lequel est fixe et bien moins élevé que celui du barème réservé aux personnes physiques, basé sur le principe de progressivité des tranches. Enfin, cerise sur le gâteau, en tant que bailleur, le médecin déclare les loyers perçus au titre de revenus mobiliers, ce qui génère une taxation bien plus avantageuse. S'associer avec d'autres médecins permet évidemment de réaliser des économies d'échelle, de mettre en commun diverses ressources et biens, dont certains acquis ensemble. En principe, nul n'est tenu de rester en indivision, sauf si les parties ont signé un pacte de non sortie d'indivision (durée maximale : 5 ans)2. Chaque médecin peut récupérer sa part indivise en demandant la vente du bien. Mais, dans un arrêt récent3, la Cour de Cassation nuance la règle pourtant d'ordre public et appliquée depuis des siècles. Elle estime que les indivisions volontaires (en l'espèce, l'achat en commun d'un laser pour ophtalmologues) ne peuvent être rompues. Dès lors, il est fortement conseillé de prévoir la signature d'une convention préalable à l'achat en commun, par laquelle les futurs médecins prévoient les modalités de la future indivision à intervenir entre eux. Beaucoup de questions peuvent se poser lorsqu'on acquiert un bien ou, de manière plus générale, lorsqu'on acquiert en indivision plusieurs biens professionnels. En voici quelques-unes. Doit-on autoriser la sortie d'indivision ? Dans quel délai ? Un préavis est-il requis ? Sous quelle forme ? En cas de rachat de ses parts, comment rémunérer le " médecin sortant " ? Doit-on tenir compte de la plus-value ou moins-value ? Doit-on prévoir une sanction financière en cas de départ anticipé ? Doit-on conférer un droit de préférence aux autres médecins, signataires de la convention, par rapport à tout tiers intéressé au rachat de la part indivise ? Et quid des pactes d'actionnaires ?Sans entrer dans les détails, à deux reprises, la Cour de Cassation a contesté la légalité de cette location, mais des arrêts plus récents l'acceptent4.L'acquisition de la nue-propriété d'un bien par des personnes physiques et de l'usufruit par " leur " société a toujours requis une certaine prudence. Depuis l'entrée en vigueur de la loi anti-abus5, ce type de montage usufruit/ nue-propriété est à déconseiller.En conclusion, on en peut que conseiller à tout médecin qui débute de se projeter dans l'avenir en consultant des professionnels (notaire, avocat spécialisé, expert-fiscal, expert-comptable...). De cette manière, non seulement il sécurisera son investissement, mais il pourra également fixer ce dernier sur des bases solides.