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Elles ont pour noms United Global Holdings, Markets Premium, OneTwoTrade, ou encore VIP Markets. Elles, ce sont ces sociétés qui ont tenté de démarcher l'investisseur sans y être autorisées et ont dès lors été dénoncées par la FSMA. Il s'agit la plupart du temps d'officines basées on ne sait trop où et qui essayent, par courrier ou par téléphone, d'alpaguer l'épargnant à coup de promesses fallacieuses. Leur discours ne tient pas la route, mais leur approche agressive est diaboliquement bien rôdée.Avec l'explosion des call centers, on vous appelle aujourd'hui au téléphone pour des raisons extrêmement variées : s'abonner à un magazine, changer de fournisseur d'énergie, ou encore ajouter la télévision à votre abonnement télécoms. C'est parfois un peu casse-pied, mais c'est parfois aussi l'occasion d'obtenir de très bonnes conditions. Il est toutefois un domaine dans lequel il vaut mieux carrément couper court : les placements. Entendons-nous bien : un appel venant d'un courtier en assurances, a fortiori d'un conseiller de votre banque, ne peut évidemment être considéré comme suspect a priori. Du moins s'il propose une discussion en ses bureaux. Ce qui doit alerter l'épargnant, ce sont les personnes ne travaillant que par téléphone. On vit à l'heure de la dématérialisation et du numérique, certes, mais l'absence de bureau de travail pouvant recevoir un client n'est clairement pas la norme dans ce domaine. La société est établie à l'étranger ? Peu importe : avec un produit d'investissement sérieux, elle trouvera un correspondant en Belgique. C'est la démarche normale, pratiquée par des dizaines de compagnies d'assurances et de gestionnaires de sicav, qui commercialisent leur produit via un intermédiaire financier belge reconnu par la FSMA.Sans verser dans l'ostracisme, un appel venant de l'étranger sera d'autant plus suspect que c'est l'astuce classique des escrocs : ils démarchent parfois l'Europe entière... sauf le pays dans lequel ils sont établis. Non seulement les autorités du pays en question mettent-elles dès lors un certain temps à les repérer, mais il leur est moins facile d'agir en l'absence de toute plainte sur leur territoire. Que l'appel vienne de Gibraltar (repaire d'escrocs historique ! ) ou d'un pays voisin comme les Pays-Bas (Amsterdam a également un lourd passé en la matière) ou d'Allemagne, un seul conseil : raccrochez !Parmi les astuces utilisées par les personnes mal intentionnées, il en est plusieurs à épingler. D'abord, noyer le poisson. Dans la documentation envoyée, l'action-bidon proposée au " pigeon " en puissance sera citée parmi un florilège de titres vedettes tels qu'Amazon, Facebook ou Apple. " Ces dernières sont malheureusement déjà très chères. Par contre, nous avons trouvé... ". Nous y voilà ! Ensuite, pour ferrer le poisson, rien de tel qu'une première petite opération gagnante. Les victimes d'escrocs ont presque toutes commencé par gagner, sur une petite mise. Avant de perdre... sur une grosse mise ! Ou plusieurs...On fait d'autant plus facilement miroiter des plus-values mirobolantes que le " client " ne comprend pas le produit. Pas étonnant donc que les financiers indélicats proposent souvent d'opérer sur les marchés de matières premières (à réserver aux professionnels ! ) ou dans des structures compliquées. Quand on ne comprend pas, mieux vaut laisser tomber !Les officines douteuses sont prêtes à tout pour inspirer confiance : noms ronflants, papier à en-tête luxueux, sans oublier de pseudo-relations bancaires avec quelques établissements de renom. En réalité, à y regarder de plus près, on s'aperçoit qu'elles y ont simplement un compte, comme n'importe qui. Certains font vraiment très fort. Dans les années 80, un citoyen néerlandais vendit en Belgique de l'immobilier américain au prix (très) fort sous le nom American Land Program. Il avait lancé son propre magazine et s'y était fait photographier en compagnie du ministre des Finances de l'époque ! Un an plus tard, il était en prison. Un record du genre, qui ne s'est heureusement pas répété depuis.Le fait que l'action vantée par l'officine soit cotée sur une Bourse reconnue est-il un gage de sécurité ? Pas nécessairement. Autant l'investisseur se méfiera spontanément d'une action cotée sur la Bourse d'Harare, capitale du Zimbabwe, même s'il s'agit de la filiale locale d'un groupe de renom, comme les britanniques Barclays (banque) et BAT (tabac). Autant il se sentira plus en confiance avec une action canadienne cotée à Toronto, par exemple. À tort ! Même si la situation n'y est plus aussi dramatique que dans les années 80. À un journaliste américain qui lui demandait à l'époque s'il était vrai que la moitié des actions cotées en Bourse de Toronto étaient suspectes, voire carrément manipulées, un financier local répondit avec un sourire narquois : " Non, je peux vous affirmer que c'est faux : la proportion atteint au moins 80 % " ! La même méfiance est de mise à l'égard des actions américaines traitées sur le marché OTC (pour over the counter, ce qui donne " hors cote " en français). Parfois appelées pink sheets, par référence aux feuillets roses qui en reprenaient les cours, ces milliers de titres font l'objet d'échanges directs entre intermédiaires financiers. Sans passer par une Bourse réglementée et sans que les entreprises concernées doivent fournir beaucoup de renseignements. Le pire peut donc y côtoyer le meilleur.Comment est-ce possible ? En Amérique du Nord, on émet des actions plus facilement qu'en Europe et elles restent cotées plus facilement qu'ici alors que l'entreprise a cessé ses activités. Sur certaines Bourses secondaires, on trouve encore des actions de mines d'or dont le filon est de longue date épuisé et le personnel retraité... Première démarche d'un escroc : en acheter quelques kilos chez un brocanteur. Il fait alors grimper le cours dans le vide, en plaçant de gros ordres d'achat fictifs. Résultat : un graphique mirobolant qui témoigne visiblement d'une fabuleuse découverte pas encore connue du grand public ! " Hâtez-vous d'acheter, ce n'est qu'un début ! " Et hop, on refile alors au prix fort les actions achetées au kilo... On a connu des escrocs qui, pour forcer la main de l'épargnant, prétendaient lui avoir réservé des actions achetées à 5 dollars, par exemple, alors qu'elles avaient entre temps grimpé à 10 dollars. Totalement absurde, faut-il le préciser ?Tout ceci appartient-il au passé ? Non : même si le papier a disparu, le scénario reste classique. Et c'est encore plus simple que naguère : il ne faut même plus faire le tour des brocanteurs... Conclusion : le fait qu'une action figure effectivement sur les listes d'un marché reconnu ou même d'une Bourse officielle (mais secondaire ou exotique) n'offre absolument aucune garantie.L'arme la plus précieuse face à des escrocs reste évidemment le bon sens. Il est clair qu'une personne ayant découvert " la petite action sous-évaluée dont le cours va exploser " n'a aucune raison d'inciter un épargnant inconnu à l'acheter. Et si certains traversent l'Atlantique pour trouver des acheteurs, c'est évidemment en misant sur leur méconnaissance de la situation locale, décrite plus haut. C'est pareil pour l'immobilier : un Européen ne se rend pas compte que même situé dans la région de Las Vegas ou de Montréal, un terrain peut ne rien valoir, ou presque. Encore faut-il que le bon sens soit soutenu par le sang-froid. Les grands escrocs sont des gens intelligents et fins psychologues, dont les scénarios de vente sont étudiés avec soin. Tout est fait pour accrocher l'investisseur, retenir son attention et faire monter la pression. Ce n'est pas pour rien qu'on qualifie ces officines de boiler rooms, autrement dit de bouilloires ! En gardant la tête froide, on s'aperçoit aisément que ces beaux discours ne tiennent vraiment pas la route...