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Quelques recherches sur le système de santé portugais mettent à jour un système cité en exemple. Parmi les meilleurs au monde, il se classe 12e sur 191 pays analysés par l'OMS en 2000, devant la Belgique, 21e. Plus près de nous, l'organisme suédois Health Consumer Powerhouse classe le Portugal 14e sur 35 pays européens, la Belgique se situant elle à la huitième place de cet index.Le système de santé portugais connaît un avant et un après 1974. Avant cette année charnière, le système de santé était très fragmenté et fonctionnait selon une logique libérale. La Révolution des Oeillets du printemps 1974 allait tout changer. Avec l'avènement de la démocratie, les politiques sociales deviennent des priorités. C'est ainsi que la reconnaissance du droit à la santé pour tous les citoyens est inscrit dans la Constitution portugaise.Fruit de ce mouvement historique, le Service national de santé ( Serviço national de saûde, SNS) naît en 1979. L'État assume sa responsabilité en matière de protection de la santé en garantissant un accès gratuit à la santé, sans distinction.Ces belles initiatives sont toutefois battues en brèche avec l'entrée du Portugal dans l'Union européenne en 1985 et dans les années 90, la multiplication de carences de l'État dans le domaine de la santé (établissements trop grands par rapport aux besoins, faible productivité du personnel, laxisme budgétaire, lacune technologique, qualité perçue mauvaise, inégalités d'accès aux soins, fraude et corruption et déficits abyssaux récurrents)1.Lentement mais sûrement, le Portugal verra l'apparition d'un ticket modérateur, la souscription d'assurances volontaires et enfin, d'un service privé à côté du service public.Le service public offre des soins fournis par des centres de soins ( centros de saûde), des unités de soins de famille (Unidades de saûde familiar, USF) et par des hôpitaux publics, contre un ticket modérateur.Les patients sont recrutés sur base géographique et le choix du médecin traitant n'existe pas. Le passage par la première ligne est obligatoire : l'accès à la seconde ligne se fait sur prescription du médecin du centre dont dépend le patient. Il est à noter que, dans les faits, des milliers de Portugais n'ont pas de médecin attitré. "Il existe une pénurie principalement à l'intérieur du pays", explique le Dr Alexandra Sousa, médecin de famille dans une USF au Portugal et depuis deux ans à la maison médicale St Léonard à Liège. " Une génération de médecins généralistes proches de la pension fait craindre un manque encore plus important. "Le privé est totalement indépendant du public. Ici, pas question de ticket modérateur : le patient devra payer de sa poche sans espérer le moindre remboursement de la sécurité sociale. La solution : passer par une assurance privée.Autre différence notable avec le public : le patient est ici considéré comme client. Une différence qui se note dans l'accueil, l'organisation et la prise en charge.La première ligne a une réelle place au Portugal. Sa reconnaissance ne fait aucun doute et elle est même à la base du système de soins, un fait renforcé par l'impossibilité de choisir son médecin traitant et au rôle de gatekeeper du médecin de famille. Cela donne un avantage de taille notamment au niveau de la collaboration avec la deuxième ligne. Le dossier médical informatisé étant partagé au niveau national, le partage d'informations entre la première ligne et la deuxième ligne est systématique, dans un sens comme dans l'autre.Les USF constituent 1 une des particularités lusitaniennes. Ces maisons médicales couvrent environ 50 % de la population totale (contre 4 % de la Belgique francophone pour les maisons médicales affiliées à la Fédération des maisons médicales). " Les activités de soins développées au sein des USF sont définies dans un panier minimal de soins ", rapportent les Drs Alexandra Sousa et Jean-Luc Belche dans Santé conjuguée en 20152. "Elles reprennent toutes des activités caractéristiques de la première ligne de soins qui ont, depuis longtemps, quitté les cabinets de consultation du généraliste belge : suivi du nouveau-né, suivi de grossesse,..."Trois autres notions séparent les pratiques de groupe de nos deux pays.Premier point : en Belgique, bien qu'elle existe, la formule pluridisciplinaire n'est pas structurée. Au Portugal par contre, la triade professionnelle médecin-infirmier-secrétaire clinique est à la base des USF.Deuxième point : les USF sont des structures publiques, où les travailleurs - y compris les médecins - sont fonctionnaires de l'État, salarié du SNS.Troisième point : la garde n'est pas obligatoire au Portugal. Les USF sont en service jusque 20 h. S'ouvre alors une période de quatre heures de garde non-obligatoire avant un transfert vers l'hôpital entre minuit et huit heures du matin.Le système des soins de santé portugais fait malheureusement face à quelques difficultés, surtout depuis la crise économique qui a impacté le Portugal en 2010.Lors la crise, la troïka (alliance du FMI, de la BCE et de l'UE) a imposé des économies d'échelle qui ont provoqué une augmentation de la patientèle par soignant, diminuant par la même occasion le temps de consultation (sept minutes par consultation en médecin de famille, en moyenne). Résultat : de très longs délais d'attente, tant en première qu'en seconde ligne. "Si vous avez la malchance de tomber malade ou de vous faire mal et si vous avez besoin d'un passage aux urgences, vous devrez sans doute faire face aux interminables attentes dans leurs centres de soins ou leurs urgences qui vont vous faire regretter tous vos choix dans la vie jusqu'à ce moment-là ", rapporte Natacha Da Rocha sur le blog Voix d'Europe3.Enfin, au Portugal, nous l'avons dit, le choix du médecin traitant n'existe pas. Pas plus que la possibilité d'obtenir un second avis. Si le patient décide d'aller ailleurs, il paiera l'intégralité de sa poche. Cette non-liberté provoque un déséquilibre dans la relation entre le patient et le médecin. Un déséquilibre renforcé en cas de désaccord entre le patient et le médecin. " Le patient peut, par contre, faire une demande pour changer de médecin traitant ", explique le Dr Sousa. " Chaque structure a sa procédure. Évidemment, il existe des procédures plus contraignantes que d'autres et dans certains cas, limitée à la disponibilité existante. "" Les initiatives prises pour accroître la liberté de choix des patients peuvent être considérées comme la forme la plus radicale de privatisation de la demande de soins de santé ", notent encore Paulo Ferrinho et al. 1. " Or, la mise en place de médecins traitants pour filtrer Ventrée dans le système de santé ou de systèmes d'orientation entre différents niveaux de soins hospitaliers contribue à restreindre le choix des usagers et constitue de ce fait le processus inverse de la privatisation à l'échelon individuel. Les pouvoirs publics portugais ne se sont, pour l'instant, pas intéressés à cette contradiction, mais considèrent la privatisation de l'offre et du financement comme un moyen d'accroître les possibilités de choix des patients. "" La première ligne portugaise est un modèle pour les autres systèmes de santé avec de meilleurs résultats pour un coût moindre ", rapportent les Drs Sousa et Belche. "En 2014, le Portugal dépensait 2.037 euros par habitant pour la santé, quand en Belgique, 5.093 pour une espérance de vie comparable. " C'est une vérité implacable. Comme l'est la privatisation grandissante du pilier que représentent les soins de santé. Le Portugal court donc le risque de voir naître une santé à deux vitesses. " C'est exact ", regrette le Dr Sousa. "Le secteur d'assurances privés grandit face aux longues listes d'attente du SNS ce qui crée une inégalité d'accès aux soins. Les portugais font confiance au SNS mais l'accessibilité est une de ses faiblesses (tout comme le NHS britannique) et le secteur privé profite de cette situation."