...

"N ous sommes au bord d'une catastrophe", alerte le Dr De Munck. "On parle beaucoup et à juste titre de la pression sur le personnel soignant dans les hôpitaux et en particulier dans les soins intensifs et les unités Covid. Ces travailleurs sont sur les genoux. Ils doivent faire face à une pénurie de personnel. Au niveau de la médecine générale, cette pression se voit beaucoup moins. C'est plus impressionnant de passer au journal télévisé un service de soins intensifs débordé, qui doit mettre des lits dans le couloir, qu'un cabinet de médecine générale surchargé. Il faudrait suivre un médecin généraliste de sept heure du matin à 23 h pour se rendre compte de la surcharge de travail. J'entends des appels à l'aide. Récemment un de mes confrères chevronnés m'a appelé au secours parce que son cabinet de groupe ne s'en sort pas. Lorsqu'un généraliste tombe malade, d'autres doivent prendre le relais. Or, lorsqu'un médecin travaille 12 à 14 heures par jour, tous les jours de la semaine, ce n'est bon pour personne."Paul De Munck se défend de faire dans le sensationnel. "Jusqu'ici, malgré la pénibilité du travail, tous les généralistes continuent à bosser. Nous faisons le gros dos, mais il faut prendre des mesures à court, moyen et long termes pour que la médecine générale puisse tenir le coup."Le président du GBO se réjouit dès lors que la CIM Santé publique ait déjà pris une série de mesures - auto-test en ligne (voir jdM 2690 et encadré), testing par les pharmaciens des voyageurs... - pour soulager les médecins généralistes. "Enfin! Il faut continuer dans cette voie-là. C'est dommage que ces mesures n'arrivent pas toujours au moment où nous le souhaitons. Nous réclamons beaucoup de choses, à cor et à cri, depuis longtemps. Il faut parfois hausser le ton ou utiliser la presse, comme l'a fait récemment Domus Medica dans une lettre ouverte (lire en page 10). Tout le monde dit la même chose: il faut alléger la pression sur les généralistes." "Il ne faut pas oublier qui si la médecine générale ne doit désormais plus accomplir une série de démarche administrative pour demander un test Covid et obtenir les résultats, il faut néanmoins que tous les résultats reviennent chez le médecin généraliste. Ce n'est pas parce que les tests ne se font pas au cabinet que les résultats ne doivent plus y arriver! On nous garantit que cela sera encore le cas. On verra", prévient le président du GBO. Le Dr De Munck souligne que la surcharge de travail des généralistes est également liée au questionnement et aux inquiétudes légitimes des patients. "Les médecins de famille sont assaillis en consultation ou au téléphone. À ce travail s'ajoutent actuellement la grippe et le cortège des maladies des voies respiratoires. Toute le monde se demande: comment va-t-on gérer l'hiver qui arrive?"Le président du GBO rappelle que les généralistes doivent aussi remplir de nombreux certificats (pour le sport, la chasse, les écoles, les maladies de courte durée...). "Nous regrettons le manque de concertation avec les autorités pour trouver les bonnes solutions. Par exemple, les syndicats médicaux sont présents dans le groupe de travail "stratégie de vaccination" piloté par le Pr Jan De Maeseneer. Nos échanges et revendications sont ensuite transmises au Commissariat Corona. C'est très bien, mais nous n'avons pas de concertation bilatérale avec le Cabinet du ministre Vandenbroucke. Nous le regrettons profondément." Encore récemment, le Commissariat Corona a organisé une réunion sur le tracing et le testing en invitant les représentants de quelques cercles de médecins et pas les syndicats médicaux. "Or, au niveau fédéral, les syndicats médicaux sont les organes représentatifs des médecins", rappelle Paul De Munck. "Nous ne sommes pas assez associés à la concertation."Le GBO ne réclame pas l'obligation de vacciner les soignants. "Nous pouvons demander des mesures pour les médecins, mais il ne revient pas à un syndical médical de médecins généralistes de les réclamer pour l'ensemble des soignants. Par ailleurs, cette vaccination obligatoire des soignants ne concerne pas spécifiquement les médecins généralistes. Dans leur immense majorité, les généralistes sont vaccinés. Nombre d'entre eux réclament d'ailleurs de recevoir une troisième dose."À l'inverse si les autorités sanitaires et le ministre de la Santé décidaient (voir jdM n°2689) que les soignants doivent se faire vacciner contre le Covid, le GBO ne s'y opposerait pas . "Au contraire. Plus il y aura des soignants vaccinés, mieux ce sera en termes de santé publique. Au niveau de la Plateforme de la première ligne wallonne, il a été décidé que chaque association professionnelle représentative doit se prononcer par rapport à la vaccination obligatoire."Paul De Munck pointe aussi les nombreuses difficultés l'application de la vaccination obligatoire des soignants: quid de la différence entre les salariés et les indépendants, entre les travailleurs hospitaliers et ceux qui exercent en pratique privée? Comment contrôler, voire sanctionner, le cas échéant, ceux qui ne se feront pas vacciner? Les médecins devront-ils rendre des comptes à leur Ordre? "Il faut continuer à marteler que les soignants doivent respecter les gestes barrières, les mesures de précaution, le port du masque, la désinfection, l'utilisation, par exemple lors de grands rassemblement, du Covid Safe Ticket", commente le Dr Paul De Munck. Quant à la distribution de la troisième dose de vaccin Covid aux soignants, le GBO compte continuer à participer aux discussions dans les différents cénacles. "Il faut aborder ces questions délicates sans faire des déclarations tonitruantes dans la presse. Le sujet mérite un véritable débat. La troisième dose est-elle prioritaire pour les soignants? A l'instar du Collège de médecine générale (lire jdM n°2688), on estime qu'il n'y a pas d'évidence scientifique pour affirmer qu'il faut administrer une troisième dose à tous les soignants, dont la majorité sont en bonne santé", répondait le président du GBO avant de connaître la décision prise par la CIM Santé punlique ce samedi 30 octobre (lire en Une). Paul De Munck estime qu'il faut continuer à réfléchir au partage des tâches entre les lignes de soins pour soulager les médecins généralistes. "Nos adversaires syndicaux ne veulent pas entendre parler de la vaccination Covid par les pharmaciens. Si durant une pandémie, une partie des actes que doivent réaliser certaines catégories de soignants est prestée par d'autres professionnels, où est le problème? Il est possible d'encadrer cette délégation en fonction de l'urgence et de la proportionnalité. Le législateur peut prévoir des limites. Il faut entamer un débat plus socialement responsable sur "qui peut faire quoi" au niveau de l'ensemble des prestataires. Tant que nous serons crispés sur nos positions, nous n'avancerons jamais. Nous savons bien qu'une série de tâches peuvent être réalisées par d'autres. C'est le principe de la subsidiarité et de la référence."Et de rappeler aussi l'importance capitale des infirmières de pratique avancée et des assistants de pratique pour diminuer la charge de travail des généralistes en partageant certaines tâches non-administratives et des assistants administratifs. "Il ne faut pas attendre une prochaine pandémie pour réfléchir ensemble à la concrétisation de toutes ces solutions", soutient le président du GBO.