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La santé mentale tient une place importante dans la pratique du MG, notamment à Bruxelles, ville plutôt pauvre qui concentre plus de problèmes de santé mentale. Bien souvent, malgré l'avènement des équipes mobiles multidisciplinaires qui sillonnent nos villes dans le cadre des projets 107, le généraliste est le premier contact pour le patient souffrant de troubles mentaux.Un sondage auprès des MG bruxellois a été mené dont il est sorti douze recommandations qui sortiront en février 2018. En attendant, le Dr Devaux déflore quelque peu les revendications à venir.Dr Alain Devaux : Les conséquences sont qu'en l'absence de ces lits psychiatriques, il faut bien des gens pour s'occuper des patients souffrant de troubles mentaux. La 1ère ligne et le secteur ambulatoire doivent être renforcés. Il y a deux grands axes lancés : 1/les équipes mobiles qui existent déjà depuis un petit temps vont être intensifiées. Elles se déplaceront dans le lieu de vie du patient ; 2/les autorités vont créer comme chacun sait des réseaux de 200 à 300.000 habitants. Et il y aurait un réseau qui regroupe tous les intervenants, pas seulement des psychiatres et des psychologues mais aussi des assistants sociaux voire la police et les usagers. On constituerait autour du patient un grand réseau de prise en charge.Le jdM : Quel défi pour le MG ?Pour le MG, la question c'est comment trouver notre place dans ces réseaux et se faire reconnaître. Or il faut savoir qu'une immense partie de nos consultations sont consacrées à la santé mentale et aux difficultés de vie : stress, burnout. Donc la première chose est de faire reconnaître aux spécialistes de la santé mentale cette place du généraliste. Qu'on ait notre place dans ces réseaux, qu'on puisse tenir compte de nos besoins. C'est pourquoi la FAMBG a mené aux mois d'août et de septembre un sondage auprès de nos confrères bruxellois sur leurs difficultés. Ce qui est apparu c'est le fait que tous les MG ont des difficultés majeures dans la prise en charge. En particulier, le cumul de problèmes physiques et psychiques (un patient psychotique qui a en même temps le diabète, par exemple). Deuxième difficulté : souvent, la souffrance psychique est liée à une précarité importante. Cela rend les choses encore plus difficiles. Cela peut être souvent financier mais c'est parfois un problème d'isolement ou affectif. C'est très lourd à gérer pour le MG. Toisième difficulté : référer rapidement vers un psychiatre ou un psychologue. Les délais d'attente dans les centres spécialisés sont importants. Les problèmes de santé au niveau somatique, cela revient chaque semaine. Les problèmes d'assuétude (problèmes de drogue) avec dépendance multiple compliquent la prise en charge. Enfin, 88 % des MG estiment que la médecine générale ne bénéficie pas d'un accès adéquat à la santé mentale.Le MG est-il pris au sérieux ?Non, souvent, nos diagnostics ne sont pas pris au sérieux. Exemple classique : un patient qui nous semble en danger pour lui et son entourage. On l'envoie à la garde psychiatrique et trois heures plus tard, on apprend qu'il est rentré chez lui. Le psychiatre de garde a l'air de dire que " il n'y a pas de danger ". Les jours après, il se vérifie que le risque était là. Autre problème : le coût élevé et souvent non remboursé des soins psychologiques. On ne peut pas toujours référer car l'offre n'est pas suffisante. Il est difficile aussi d'obtenir une hospitalisation d'urgence. En outre, au niveau de la compliance, on leur explique leur traitement mais ils ne prennent pas forcément leur médicament. Il manque d'un relais sur la compliance.Mais il y a tout de même la 2e ligne pour les cas graves ?Il faut savoir que pour certains patients, la 1ère ligne est le seul accès. Ils ne vont jamais aux centres de guidance et ne vont pas voir un psychiatre pour des raisons personnelles, parfois financières. Suite à ces constats, nous avons émis douze recommandations. Nous sommes également en train de finaliser le Livre noir de l'accessibilité de la santé mentale en médecine générale qui sortira en mars. Le sondage y sera annexé. On décrira ainsi un peu ce que nous vivons.Peut-on déflorer ces recommandations ?Si on résume, nos besoins prennent trois formes : un besoin de soutien (face par exemple à un patient qui décompense en consultation), un besoin de liaison avec la 2e ligne et un besoin de formation (humblement, nous reconnaissons que nous en manquons en matière de prise en charge de la santé mentale). Dès lors qu'on n'a pas de contacts avec le spécialiste, on n'apprend rien... Et un besoin de feedback.