...
Plus de 466 millions de personnes souffrent d'une perte d'audition invalidante (> 40 dB HL), parmi lesquelles 432 millions d'adultes et 34 millions d'enfants. L'Organisation mondiale de la santé signale qu'un tiers des plus de 65 ans est concerné. Moins de 10% des personnes entrant en ligne de compte pour un appareil auditif en portent effectivement un. À partir du moment où elles souffrent de cette perte d'audition, ces personnes attendent en moyenne un peu plus de huit ans avant de chercher de l'aide. Le rapport signale que, malgré les énormes progrès technologiques effectués dans la production d'implants et d'appareils auditifs, le pas reste très difficile à franchir pour la plupart. Les gens craignent de paraître plus vieux s'ils portent une audioprothèse. "Ce n'est pas dénué d'importance car l'audition a différentes fonctions", relate Jolien Desmet. Durant une communication verbale, nous ne voulons pas seulement savoir ce que notre interlocuteur nous dit mais comment, entre autres grâce à son intonation. Entendre, c'est aussi un peu prendre du plaisir, en écoutant de la musique ou les bruits environnants. Les bruits nous informent de ce qui se passe autour de nous, ce qui peut s'avérer important pour adopter un comportement sûr dans le trafic. Il faut pouvoir entendre et localiser le bruit. Pour cela, nous avons besoin de nos deux oreilles. Une étude finlandaise révèle que les personnes souffrant de perte auditive sont deux fois plus exposées au chômage. Il existe en outre un lien entre la perte d'audition et différents paramètres, dont le stress, une moins bonne santé auto-évaluée et un score de burn-out plus élevé [1]. Les symptômes de dépression sont plus marqués en cas de perte auditive [2]. Le port d'un appareil auditif réduit cet effet [2]. Les personnes malentendantes souffrent plus souvent de solitude et d'isolement social [3]. Or, la solitude a un effet négatif sur la santé cognitive et psychosociale des personnes âgées [4]. Dans ce contexte, Jolien Desmet fait état du rapport d'une Lancet Commission, qui a analysé les causes de démence sporadique (non familiale, liée à l'âge) dans le monde entier [5]. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que la démence reste inexpliquée dans 60% des cas, mais ont identifié 12 facteurs de risque pouvant expliquer les 40% restants. Ces 12 facteurs ont été classés en fonction de la phase de la vie durant laquelle ils apparaissent pour augmenter le risque de démence. À un âge moyen, la perte d'audition constitue le principal facteur de risque (8%), suivie par les traumatismes crâniens (3%), l'hypertension (2%), l'alcool (1%) et l'obésité (1%). Une des conclusions de ce rapport stipule que le traitement de la perte auditive constitue un des moyens de conserver une réserve cognitive. Les patients susceptibles de souffrir d'une perte d'audition peuvent être adressés à un médecin ORL ou à un centre auditif. Dans les deux cas, un audiologiste les soumet à des tests. Le premier test, systématique, est l'audiométrie tonale par conduction d'air. Le patient porte un casque ou des oreillettes (insert phones). Le bruit passe par la chaîne oreille externe > tympan > osselets > cochlée. Le patient lève la main ou appuie sur un bouton pour signaler à partir de quelle intensité il entend le bruit. Le second test évalue l'audition par conduction osseuse. Des vibrations passent à travers un bloc placé derrière l'oreille, stimulant directement la cochlée. Les résultats de l'audiométrie tonale sont représentés sur un audiogramme (rouge pour l'oreille droite, bleu pour la gauche) (voir graphique en bas à droite). L'axe-x mentionne les différentes fréquences (125-8.000 Hz), l'axe-y l'intensité du bruit, qui représente la capacité d'audition. Les résultats permettent de vérifier si l'audition est normale ou pas, et de déterminer le degré de perte auditive. · Audition normale: les seuils de toutes les fréquences se situent entre -10 et 20 dB HL ; · Légère perte d'audition: seuils entre 21 et 40 dB HL. La personne éprouve des difficultés à entendre et/ou à comprendre une voix basse, un murmure, une voix distante ou dans un environnement bruyant ; · Perte moyenne: seuils entre 41 et 70 dB HL. Cela signifie que la personne a du mal à entendre et/ou à comprendre une voix normale, à courte distance et dans un environnement calme. Elle éprouve aussi des difficultés au téléphone ; · Perte sévère: seuils entre 71 et 90 dB HL. Difficultés à comprendre une voix forte, ainsi que des bruits tels que sirènes et claquements de porte ; · Perte profonde: seuils entre 91 et 120 dB HL. La personne ne comprend qu'en lisant sur les lèvres. Elle perçoit difficilement le bruit d'un moteur, par exemple ; · Perte totale: tous les seuils > 120 dB HL. On subdivise ensuite la perte d'audition en différents types: conductif, neurosensoriel ou mixte. · En cas de perte auditive conductive, le problème se situe au niveau de l'oreille externe ou moyenne. Les seuils de conduction osseuse sont normaux, mais ceux de conduction d'air sont plus élevés. · En cas de perte auditive neurosensorielle, le problème se trouve au niveau de la cochlée ou plus haut (nerf auditif, cerveau). Les seuils de conduction par voie osseuse et aérienne sont comparables. · Perte auditive mixte. Les seuils de conduction par voie aérienne sont plus élevés. La conduction par voie osseuse est un peu meilleure tout en étant perturbée. La presbyacousie, soit la surdité liée à l'âge, est la forme la plus fréquente de perte auditive neurosensorielle. Généralement, elle commence par affecter la perception des aigus (voir graphique ci-dessous). C'est pour cela que les personnes souffrant de presbyacousie sont souvent en proie à des problèmes de perception en présence de bruits de fond: les basses provenant du tumulte étouffent les sons aigus de la conversation. L'otite moyenne chronique, l'otosclérose et le cholestéatome constituent les principales causes de perte auditive conductive. L'audiométrie vocale est un examen important. Elle permet de déterminer l'amélioration que peut apporter un appareil auditif. L'intensité du son se trouve sur l'axe-x, tandis que le pourcentage vocal compris est indiqué sur l'axe-y. Une personne dotée d'une audition normale comprend 100% du langage à 50 dB SPL, ce qui correspond à une conversation à voix basse. Une personne atteinte de perte conductive comprend souvent jusqu'à 100% lorsqu'on élève la voix, tandis qu'en cas de lésions de l'oreille interne (perte neurosensorielle), on n'atteint souvent plus les 100%. Après ces tests, réalisés dans un environnement calme, on peut éventuellement procéder à un examen dans un environnement bruyant, certainement dans le cas des personnes qui obtiennent des seuils normaux ou relativement bons dans les tests précédents, mais qui indiquent éprouver plus de difficultés quand elles sont confrontées à des bruits de fond. Ce dernier test peut indiquer que la personne a des seuils plus élevés dans un environnement bruyant. L'Inami intervient dans le remboursement d'un appareil auditif (voir tableau ci-dessous) à partir d'une perte auditive moyenne de 35 dB HL sur trois de ces fréquences: 250, 500, 1.000, 2.000, 4.000 Hz (critères valables à partir du 1er juin 2024). L'intervention est renouvelée après cinq ans - trois ans pour les moins de 18 ans. Le remboursement est accordé sur base d'une prescription du médecin ORL, valable pendant six mois: il faut entamer la période d'essai endéans les six mois suivant la prescription. Les personnes de moins de 65 ans souffrant d'une perte d'audition de < 35 dB HL peuvent aussi bénéficier d'une intervention pour autant qu'on puisse prouver qu'elles ont du mal à comprendre une conversation dans un environnement bruyant. Le tableau indique les différents montants remboursés, pour les appareils unilatéraux et bilatéraux. La plupart des personnes ont besoin d'une adaptation bilatérale. Tableau: intervention Inami pour les appareils auditifs Les aides auditives sont quasi complètement remboursées aux enfants et aux jeunes de < 18 ans. Le montant minimum pour une paire d'appareils auditifs s'élève à 107,92 euros pour les personnes de plus de 18 ans. "Cela signifie qu'une aide auditive est accessible à tout le monde", souligne Jolien Desmet. "Les aides auditives de la catégorie la moins chère s'améliorent de plus en plus. Il en existe de toutes les puissances." Selon l'appareil que l'on achète, le solde peut atteindre 4.000 euros. La principale différence réside dans le fait que les appareils moins chers s'adaptent moins bien à l'environnement. L'audiologiste ne peut pas non plus les régler avec la même précision. "Le type de prothèse dont a besoin le patient dépend de sa perte auditive et des situations auxquelles il est généralement exposé. Mais c'est lui qui détermine quel appareil il peut se permettre. L'audiologiste doit ensuite régler l'aide au mieux", conclut Jolien Desmet.