Lors de la réunion post-ASCO du 27 juin, le Pr Bart Neyns, chef du service d'Oncologie médicale de l'UZ Brussel, a présenté les résultats les plus frappants, publiés cette année dans le domaine de l'immunothérapie. À cet égard, il a commencé par d'importants résultats qui modifieront notre prise en charge thérapeutique du carcinome colique métastasé MSI-H/MMRd.
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Les tumeurs MSI-H/MMRd sont caractérisées par un défaut de réparation des mésappariements ( mismatch repair) et une instabilité microsatellitaire. De ce fait, les mutations sont plus nombreuses et ces tumeurs expriment davantage de néoantigènes, ce qui les rend plus immunogènes et plus réceptives au traitement anti-PD-1. Auparavant, l'efficacité des anticorps anti-PD-1 a déjà été démontrée chez des patients préalablement traités, souffrant d'un carcinome colique MSI-H/MMRd, toutefois sans comparaison avec la chimiothérapie standard. Cette année, on a démontré pour la première fois que le blocage de PD-1 en première ligne en cas de carcinome colique métastasé MSI-H/MMRd donne de meilleurs résultats que la chimiothérapie1. Dans l'étude de phase 3 KEYNOTE-177, 307 patients qui n'avaient pas reçu de traitement préalable ont été randomisés pour recevoir 200 mg de pembrolizumab toutes les 3 semaines (avec un maximum de 35 cycles) ou une chimiothérapie au choix de l'investigateur. Les deux critères d'évaluation primaire étaient la survie sans progression (PFS) et la survie globale (OS). Les critères d'évaluation secondaire étaient le taux de réponse globale (ORR) et la sécurité. Le Pr Neyns a souligné que jusqu'à 6 mois après le traitement, on n'observait encore aucune différence sur le plan de la PFS mais que, par après, on a observé une réponse élevée et durable au pembrolizumab, avec un faible risque de progression. Après 12 et 24 mois de suivi, la PFS atteignait respectivement 55,3 % et 48,3 % avec le pembrolizumab, contre 37,3 % et 18,6 % avec la chimiothérapie. Le Pr Neyns estime que 25 à 30 % des patients recevant du pembrolizumab ont des chances de guérison. Toutefois, des améliorations sont encore assurément possibles, et c'est là que l'immunothérapie peut jouer un rôle. Pour étayer ceci, le Pr Neyns a discuté des résultats de l'étude CheckMate 142, dont les données actualisées ont également été présentées lors du congrès de l'ASCO2. Dans l'étude CheckMate 142, on a évalué un schéma thérapeutique avec du nivolumab et une faible dose d'ipilimumab en première ligne chez des patients souffrant d'un carcinome colique métastasé MSI-H/MMRd. Bien qu'il s'agisse ici de 2 études différentes, et que CheckMate 142 soit une étude de phase 2 relativement petite, il est intéressant de comparer les données. La PFS dans l'étude CheckMate 142 est très élevée : après 24 mois, 74 % des patients sont toujours indemnes de progression. L'ORR était également élevé (69 %), comparativement au traitement anti-PD-1 (43 %) dans l'étude Keynote 177. Les effets indésirables de l'immunothérapie, observés [A dans les deux études, étaient les effets déjà connus, et ils n'étaient pas plus sévères que ceux observés dans d'autres populations de patients. En maintenant une faible dose d'ipilimumab, la toxicité reste acceptable. Le Pr Neyns souligne également une autre observation intéressante de l'étude CheckMate 142, qui montre que les patients peuvent arrêter le traitement (en raison d'une intolérance ou d'une interruption élective du traitement), tout en conservant la réponse. Le Pr Neyns conclut qu'un schéma basé sur les anticorps anti-PD-1 doit devenir le traitement de première ligne en cas de carcinome colique métastasé MSI-H/MMRd, et peut-être aussi pour d'autres cancers caractérisés par une MSI-H/MMRd. Ici, il fait référence aux États-Unis, où le pembrolizumab a déjà reçu une autorisation de mise sur le marché agnostique en 2017, pour le traitement de deuxième ligne du cancer MSI-H/MMRd, quelle que soit son origine. Malheureusement, les anticorps anti-PD-1 ne sont pas encore approuvés par l'EMA pour le traitement de deuxième ligne du carcinome colique métastasé MSI-H/MMRd. Il n'est également pas encore question d'autorisations agnostiques. De ce fait, le traitement anti-PD-1 n'est pas disponible en Belgique pour ces indications. Le Pr Neyns souligne que c'est regrettable et qu'il est important d'y remédier. Le Pr Neyns a ensuite traité plus en détail des résultats d'une étude rétrospective et d'une plus petite étude prospective non randomisée qui indiquent qu'en cas de mélanome résistant au traitement anti-PD-1, il est préférable d'opter pour l'ajout d'une faible dose d'anticorps anti-CTLA-4 au moment de la progression, plutôt que de changer de traitement.3,4 En effet, les deux études montrent une tendance à un ORR et une PFS plus élevés si on ajoute un anti-CTLA-4 au traitement anti-PD1 plutôt que de changer complètement de traitement. Par ailleurs, les effets indésirables restent acceptables avec cette stratégie. Toutefois, des études prospectives randomisées sont nécessaires pour confirmer que la poursuite du traitement anti-PD-1 est indiquée. En ce qui concerne le traitement des mélanomes avec mutation BRAF V600, on nourrit de vifs espoirs de pouvoir combiner le meilleur des deux mondes : une thérapie ciblée et l'immunothérapie. On sait qu'une thérapie ciblée avec des inhibiteurs de BRAF et de MEK donne des taux de réponse très élevés, mais que la durabilité est légèrement inférieure à celle d'une immunothérapie. Sur la base de modèles précliniques, il semble judicieux de combiner ces thérapies, car l'activation de la voie de signalisation MAPK contribue à l'environnement immunosuppresseur de la tumeur. On peut donc s'attendre à ce que le blocage de BRAF et de MEK rende l'environnement tumoral plus accessible aux cellules T. Cependant, la combinaison d'une thérapie ciblée et d'une immunothérapie est difficile, en raison de la toxicité. Lors de la réunion annuelle de l'AACR, qui a également eu lieu plus tôt cette année, on a présenté les premiers résultats de l'étude de phase 3 IMspire150, lors de laquelle on a étudié un triplet associant du vémurafénib, un inhibiteur de BRAF, du cobimétinib, un inhibiteur de MEK et de l'atézolizumab, un anticorps anti-PD-L1.5 Lorsque la PFS (le critère d'évaluation primaire) a été évaluée par les investigateurs, on a observé une PFS significativement plus élevée lors de l'ajout d'atézolizumab au traitement. Le Pr Neyns souligne toutefois qu'il n'y avait pas de différences au cours des 6 premiers mois, qu'il n'y avait pas de différences sur le plan de l'ORR et que la toxicité était plus élevée. En outre, lorsque l'évaluation a été faite par un comité indépendant, aucune différence significative de PFS n'a pu être constatée au-delà de 6 mois. Il faut encore attendre des données matures concernant l'OS avant de tirer des conclusions définitives. Toutefois, pour le Pr Neyns, le recours au triplet pour un mélanome avec une mutation BRAF V600 reste une piste de recherche intéressante. Pour terminer, le Pr Neyns a encore présenté les données de 2 études de phase 1 qui ont examiné l'effet des inhibiteurs du checkpoint (nivolumab et ipilimumab) sur les affections difficiles à traiter que sont les métastases leptoméningées d'un mélanome et le glioblastome récidivant.6,7 Une constatation importante à cet égard est que l'administration intracavitaire, intracérébrale et intrathécale d'inhibiteurs du checkpoint était tolérée. De plus amples études sont en cours au sujet des options thérapeutiques avec ces médicaments pour ces affections.