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Le traitement des lymphomes à grandes cellules B (LBCL) par CAR-T cells a d'abord concerné des patients ayant reçu 2 traitements ou plus. Mais les succès enregistrés lors des tentatives les plus anciennes et la démonstration de la persistance des performances à long terme ont vite fait se poser la question d'une utilisation plus précoce. D'après les résultats du suivi à 5 ans des patients atteints de LBCL réfractaires traités par axicabtagene-ciloleucel (axi-cel) et inclus dans l'essai pivot ZUMA-1, les nouvelles sont excellentes.1 Alors que pour les patients de ce type, l'espérance de vie moyenne était de l'ordre de 6 mois, il est rapporté un taux (IC 95%) de survie globale (OS) de 42,6% (32,8-51,9) pour l'ensemble des patients traités et même de 64,4% (50,8-77,1) pour ceux qui ont présenté une réponse complète (CR). Par ailleurs, la médiane d'OS n'est toujours pas atteinte. Ajoutons à ce palmarès déjà très élogieux que chez les sujets encore en vie à 5 ans, 92% n'ont reçu aucun traitement complémentaire depuis leur perfusion unique d'axi-cel, ce qui suggère fortement que l'on puisse parler de guérison. Deux études randomisées contrôlées de phase III présentées à Atlanta et mises en ligne simultanément sur le site du New England Journal of Medicine aboutissent à des résultats non concordants. L'étude ZUMA-72 a inclus 359 patients porteurs d'un LBCL réfractaire ou qui ont rechuté moins de 12 mois après une immunochimiothérapie de 1re ligne. En session plénière, le bénéfice conséquent de survie sans événement (EFS) chez les 180 patients du bras axi-cel par rapport aux 179 patients du bras soins classiques de 2e intention (chimiothérapie et autogreffe) a été rapporté. L'EFS à 2 ans est de 40,5% dans le bras axi-cel vs 16,3% dans le bras soins classiques. Durant le suivi médian de 24,9 mois, la médiane d'EFS (IC 95%) est de 8,3 mois (4,5-15,8) avec l'axi-cel vs 2 mois (1,6-2,8) avec les soins classiques (HR 0,398 ; p<0,0001). Les taux estimés d'EFS à 24 mois sont respectivement de 40,5% vs 16,3%, alors que la médiane d'OS n'était pas atteinte pour le bras axi-cel vs 35,1 mois pour les soins classiques. Ces résultats sont à mettre en parallèle avec un plus grand nombre de réponses tumorales objectives/complètes obtenu avec l'axi-cel (83%/65% vs 50%/32% avec les soins classiques). Le contexte de sécurité s'est montré tout à fait acceptable, gérable et sans nouveaux signaux par rapport aux essais de 3e ligne. Des événements indésirables de grade ?III liés au traitement ont concerné respectivement 155 (91%) et 140 (83%) patients ; un décès lié au traitement a été rapporté pour respectivement 1 et 2 patients. Dans le bras axi-cel, un syndrome de libération de cytokines de grade ?III est survenu chez 11 (6%) patients (délai médian d'apparition: 3 j ; durée médiane: 7 j) ainsi que des événements neurologiques de grade ? III chez 36 (21%) patients (délai médian d'apparition: 7 j ; durée médiane: 8,5 j). Ces résultats penchent donc en faveur d'une utilisation précoce en cas de LBCL réfractaire ou en rechute précoce. À ce titre, mentionnons les premiers résultats très encourageants de l'utilisation d'emblée explorée dans l'essai de phase II ZUMA-12 (cf encadré). En revanche, grande déception avec les données de l'étude BELINDA3 qui utilisait le tisangenlecleucel (tisa-cel) chez des patients atteints de lymphomes non hodgkiniens agressifs (réfractaires ou progressant au cours des 12 mois suivant le traitement de 1re ligne). Il a été rapporté en session Late Breaking que dans le cadre d'un suivi médian de 10 mois, ce traitement ne faisait pas mieux que les soins classiques de 2e ligne en termes d'EFS (critère principal = absence de stabilisation ou progression à 12 semaines ou au-delà et décès) et de réponses tumorales. La médiane d'EFS est de l'ordre de 3 mois dans les deux bras et à la semaine 6, 25,9% des patients du bras tisa-cel avaient progressé vs 13,8% dans le bras soins classiques. Ces résultats sont aussi surprenants qu'inattendus: les essais de 3e ligne ou plus avaient en effet montré de meilleurs résultats cliniques que les traitements classiques. Notons qu'environ la moitié des patients randomisés vers le bras soins classiques ont ultérieurement reçu le tisa-cel et que, chez ces patients, les résultats sont similaires à ceux des essais de 3e ligne. Concernant la sécurité, un taux relativement élevé d'événements indésirables a été enregistré chez les patients des deux bras, mais globalement le profil de tolérance était similaire à celui observé au cours des études précédentes dans cette population. Des événements indésirables mortels sont survenus chez 10 patients ayant reçu le tisa-cel et chez 13 ayant reçu les soins classiques de 2e ligne. Les investigateurs avancent de nombreuses hypothèses pour tenter d'expliquer ce revers, notamment l'hétérogénéité de la population de patients (plus de haut grade et de score IPI ?2 dans le bras tisa-cel), le long délai précédant l'administration du tisa-cel (médiane 52 j post-leucaphérèse) et le recours variable à la chimiothérapie et à l'autogreffe pré-thérapie cellulaire ( bridging therapy) dans des conditions de vie réelle. Des analyses additionnelles visant à déterminer les facteurs ayant pu affecter les résultats sont en cours ou en passe de l'être. Pour l'heure, nous recommandons la lecture de l'éditorial mis en ligne le 14 décembre par le New England Journal of Medicine, qui apporte plusieurs éclairages fort intéressants (DOI: 10.1056/NEJMe2118899). L'accès implique la création d'un compte qui offre chaque mois l'accès gratuit à 2 articles de votre choix. L'essai de phase III randomisé contrôlé AGILE5 a évalué en double aveugle l'ivosidenib (IVO, inhibiteur de l' IDH1) + azacitidine (AZA) vs AZA + placebo (PBO) en 1re ligne de traitement de patients atteints de LAM avec mutation d' IDH1 et inéligibles à une chimiothérapie intensive. Le critère principal était la PFS (absence de réponse complète à la semaine 24, rechute après rémission et décès toutes causes). Les taux de réponse tumorale et l'OS constituaient les principaux critères secondaires. Le recrutement de cette étude a été arrêté prématurément après randomisation de 146 patients (IVO/AZA 72 et AZA/PBO 74) en raison de la mise en évidence de différences statistiquement et surtout cliniquement significatives favorisant clairement le bras IVO/AZA tant pour le critère principal (HR 0,33 avec notamment un taux de réponse complète à 24 semaines près de 4 fois supérieur: 37,5% vs 10,8%) que pour l'OS (HR 0,44, soit 24,0 mois vs 7,9 mois) et le taux de réponses objectives (62,5% vs 18,9%). De plus, contrairement à ce qui avait été observé avec l'association vénétoclax +AZA (étude VIALE-A), l'ajout de l'IVO à l'AZA n'a pas entrainé un surcroît de toxicité: l'incidence d'infections de grade II-IV a même été inférieur dans le bras IVO/AZA 28,2% vs 49,3% dans le bras AZA/PBO. Les auteurs en concluent que l'association IVO/AZA est à considérer comme un possible traitement de référence pour les sujets atteints de LAM avec mutation d'IDH1, inéligibles à une chimiothérapie intensive. Le recours à des protocoles de chimiothérapie intensive inspirés de la pédiatrie a beaucoup amélioré le pronostic des leucémies lymphoïdes aiguës (LLA) des sujets adultes, mais leur toxicité importante a empêché les sujets âgés d'en bénéficier. L'inotuzumab-ozogamicine (INO) est un anticorps monoclonal ciblant CD22 (présent dans plus de 90% des LLA-B) couplé à un agent cytotoxique (calichéamicine). L'étude EWALL-INO6 a évalué l'INO à dose réduite fractionnée, combiné à une chimiothérapie de faible intensité en 1re ligne chez des patients de 55 ans et plus, atteints de LLA-B exprimant le CD22 sans chromosome de Philadelphie (Ph-). Les résultats présentés au congrès concernent 90 sujets (dont la moitié avec anomalies génétiques associées à un haut risque de rechute), d'âge médian de 69 ans (55-84) qui avaient tous un suivi d'au moins 4 mois (médiane: 1,18 an ; 0,3-3,5 ans). Après un traitement d'induction en deux phases (3 puis 2 doses hebdomadaires d'INO, soit 5 au total), 80 patients (89%) étaient en rémission complète, dont 78 en fin de phase 1. Une évaluation de la maladie résiduelle (MRD) disponible chez 67 des 80 patients en rémission complète montre que 49 patients (73%) avaient une MRD négative (niveau 10-4). Six patients (6,6%) ont reçu une allogreffe. A 1 an, le taux d'OS est de 78% et celui de survie sans rechute (DFS) de 76%. Versant tolérance, il faut déplorer 3 décès lors de l'induction, une toxicité hépatique de grade III/IV chez 8 patients dont 3 cas d'occlusion sinusoïdale (2 en phase d'induction et 1 en post-allogreffe). Ces données laissent espérer une prochaine amélioration significative de la prise en charge des sujets âgés atteints de LLA-B. L'approche de 1re ligne des lymphomes diffus à grandes cellules B (DLBCL) repose sur le classique R-CHOP et s'assortit d'un taux de guérison de 60 à 70%. POLARIX est un essai randomisé contrôlé mené en double aveugle comparant en 1re ligne le R-CHOP vs un régime R-CHP complété par du polatuzumab-vedotin (Pola), un anticorps monoclonal visant CD79b (largement exprimé par les cellules B malignes) couplé à l'antimitotique monométhylauristatine E7. La vincristine a été omise en raison d'un risque accru de neuropathie périphérique en association au Pola. La comparaison R-CHOP vs Pola+R-CHP a concerné 875 adultes ayant un DLBCL à risque intermédiaire ou élevé (IPI>1) qui ont reçu 6 cycles de 21 jours de Pola+R-CHP ou R-CHOP puis 2 cures de rituximab seul. Après le suivi médian de 28,2 mois, il est rapporté une diminution de 27% du risque de survenue du critère d'évaluation principal (PFS = progression, rechute ou décès) au sein des 440 patients du bras Pola+R-CHP par rapport aux 439 patients du bras R-CHOP. A 2 ans, les taux estimés de PFS sont respectivement de 76,7% vs 70,2% ; HR 0,73 (IC 95% 0,57-0,95), p=0,02). Le bénéfice le plus important concerne les patients ayant un IPI de 3 à 5. Il est également rapporté une amélioration significative de la PFS et de la DFS (critères secondaires). Il n'y a en revanche pas de bénéfice significatif en termes de réponses complètes (respectivement 78% et 74%). Une large majorité des patients a reçu une 2e ligne (transplantation de cellules souches et infusion de cellules CAR-T) et à ce stade du suivi, l'OS est respectivement de 88,7% et 88,6%. Le profil de tolérance est similaire dans les 2 bras, y compris pour les grades III à V et les effets secondaires requérant une diminution des doses ainsi que pour la fréquence et la sévérité des neuropathies périphériques. Ces résultats conduiront-ils à un nouveau standard de traitement de 1re ligne des DLBCL avec un IPI intermédiaire à élevé? Le traitement du MM a récemment beaucoup progressé, s'assortissant désormais de taux de survie à 10 ans allant jusqu'à 70%. Mais des progrès sont encore possibles. L'isatuximab (Isa) est un anticorps monoclonal ciblant CD38 qui est doté d'un effet immunostimulant. Dans l'essai de phase III multicentrique allemand, GMMG-HD78, l'ajout de l'Isa à une triple induction standard par lénalidomide, bortézomib et dexaméthasone (RVd) a été testé vs le RVd seul. Cet essai a été mené en ouvert chez 662 patients atteints de MMnd, ayant au maximum 70 ans et éligibles à l'autogreffe. L'induction était de 18 semaines dans les 2 bras (3 cycles de 42 jours) et le premier critère d'évaluation principal était l'obtention d'une absence de maladie résiduelle (MRD) au niveau 10-5, critère atteint par 50,1% des sujets du bras Isa-RVd vs 35,6% dans le bras RVd seul, odds ratio 1,83 (IC 95% 1,34-2,51, p<0,001). Outre ce bénéfice, les investigateurs rapportent des taux similaires de réponses complètes, mais des taux significativement plus élevés de très bonnes réponses partielles et moindres de progression de la maladie. Ces résultats concernent l'ensemble des sous-groupes évalués, ce qui plaide en faveur d'une action bénéfique pour tous les patients répondeurs. En termes de sécurité, en dehors des leucopénies plus fréquentes dans le bras Isa-RVd il n'y avait pas de différence majeure de survenue d'événements indésirables (tout degrés confondus ou graves) entre les 2 bras, les plus fréquents étant des altérations hématologiques, des infections et des neuropathies. L'essai va maintenant évaluer l'impact des traitements d'induction sur le pronostic de l'autogreffe, les résultats précités laissant espérer un meilleur pronostic avec l'Isa-RVd. Cet essai ouvert randomisé de phase II a évalué chez 123 patients atteints de MMnd éligibles à l'autogreffe, une induction de 4 cycles par l'association daratumumab, carfilzomib, lénalidomide et dexaméthasone (Dara-KRd) suivie après autogreffe d'une consolidation par Dara-KRd (0, 4 ou 8 cycles) selon leur statut MRD. Le critère d'évaluation principal était l'obtention consécutive de 2 MRD négatives au niveau 10-5. Les évaluations étaient réalisées à la fin de l'induction, après l'autogreffe et après les éventuels 4 ou 8 cycles de maintenance. Dès l'obtention de 2 MRD négatives, les sujets étaient suivis sans traitement. Les résultats montrent que le traitement est très efficace: ? 98% de réponses objectives dont 88% de réponses complètes, ? MRD négative niveau 10-5 atteinte par 80% des patients (et 66% niveau 10-6), ? 71% des patients ont atteint les 2 MRD négatives et ont arrêté tout traitement. Le taux de DFS à 2 ans dépasse les 95% pour les sujets avec MM de risque standard ou élevé (une seule anomalie chromosomique), mais il est sous-optimal pour les sujets à ultra haut risque (2 anomalies ou plus). Cette tendance est la même pour l'OS. Pour les sujets avec 2 MRD négatives, le risque ultérieur de MRD positive est inférieur à 5% sur 1 an pour le risque standard ou élevé, mais atteint 27% pour les patients à ultra haut risque. La MRD guidera-t-elle bientôt la décision de consolidation? L'étude de phase III ASCEND a évalué l'acalabrutinib (ACA), un inhibiteur de la tyrosine kinase de Bruton (iTKB) hautement sélectif. 310 patients (âge médian 67 ans) atteints de leucémie lymphoïde chronique récidivante ou réfractaire (LLC-R/R), ont été inclus. Ils ont été alloués à un bras ACA (n=155) ou à un bras traitement classique, idélalisib + rituximab (IdR, n=119) ou bendamustine + rituximab (BR, n=36) au choix de l'investigateur. Le passage à la monothérapie ACA était permis en cas de progression sous IdR ou BR. À 16,1 mois de suivi médian, la survie sans progression (PFS, critère principal) était significativement plus longue avec l'ACA et le profil de tolérance était favorable. À Atlanta, après un suivi médian de 3 ans1, l'ACA confirme sa supériorité, médiane de PFS non atteinte (NA) vs 16,8 mois pour les bithérapies, sans différence significative entre les deux (HR (IC 95%) 0,29 (0,21-0,41), p<0,0001)). À 36 mois les taux de PFS étaient de 63% avec l'ACA vs 21% avec l'IdR/BR. Notons qu'un bénéfice de PFS est retrouvé dans les sous-groupes à haut risque: ? mutation del(17p), 16% des patients: NA vs 13,8 mois, RR 0,13 (0,06-0,3) ; p<0,0001 ; taux à 36 mois 66% vs 5% ? IGHV non muté, 78% des patients: NA vs 16,1 mois, RR 0,30 (0,21-0,42) ; p<0,0001) taux à 36 mois 61% vs 17%. L'ACA confirme également le maintien à long terme de son profil de tolérance favorable et aucun nouveau signal n'a été observé. Pour l'ACA, les effets indésirables (EI) les plus fréquents étaient les céphalées (23%), la neutropénie (23%), la diarrhée (21%) et les infections des voies aériennes hautes (20%). La bonne tolérance de l'ACA est confirmée dans un autre travail2 basé sur les données au long cours (suivi médian de 41 mois) de l'étude de phase III ELEVATE ayant démontré la non-infériorité et la meilleure tolérance de l'ACA par rapport à l'ibrutinib (IBRU) sur une population de 533 patients atteints de LLC-R/R déjà préalablement traités. Une attention particulière a été portée aux EI plus spécifiquement ceux liés aux iTKB, en termes de fréquence (incidence brute), mais aussi du nombre et de la persistance des événements en fonction de la durée d'exposition, paramètres non appréhendés par le seul calcul de l'incidence. L'IBRU va de pair avec des valeurs significativement plus élevées de ces 3 paramètres pour la fibrillation atriale/l'hypertension/les hémorragies (tableau), aboutissant respectivement à un nombre ajusté d'événements multiplié par 2, par 2,8 et par 2,6 et une persistance ajustée des événements multipliée par 2,8, par 3,7 et par 1,8. L'analyse selon les risques proportionnels de Cox fait ressortir des risques cumulés de fibrillation/flutter auriculaire et d'hypertension respectivement diminués de 63% et 77% avec l'ACA. Pour les hémorragies l'incidence cumulée calculée chaque 6 mois est toujours plus faible avec l'ACA. Parmi les autres EI, on retiendra les incidences statistiquement plus élevées de diarrhée, d'arthralgie, de lombalgies, de spasmes musculaires et de dyspepsie avec l'IBRU, allant de pair avec des nombres ajustés d'événements de 1,5 à 4,1 fois plus élevés et des persistances ajustées d'événements de 1,4 à 13,1 fois plus élevées. Pour l'ensemble des EI, la persistance totale ajustée des événements était supérieure de 37% avec l'IBRU. Ces diverses analyses basées sur les événements indiquent donc une charge de toxicité plus élevée avec l'IBRU et documente un impact plus faible de la toxicité CV avec l'ACA dans les divers sous-groupes évalués.