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En temps de guerre, les autorités doivent prendre des mesures de précaution spéciales, mais il existe une différence nette entre les régimes démocratiques et les régimes autoritaires, tels que la Chine. Dans une démocratie libérale comme la Belgique, les autorités sont moins puissantes que dans un régime autoritaire. Toutefois, dans cette situation exceptionnelle, nous avons besoin d'un État qui se comporte de manière plus ferme et plus autoritaire. Les libertés dont nous jouissons en temps normal dans une démocratie ont été restreintes, mais la majorité de la population accepte les mesures de confinement, car le danger que représente le virus est énorme et elle considère que ces mesures contribueront à la lutte contre ce virus, selon le Prof. Haarscher. Les mesures prises par l'État ne peuvent pas durer indéfiniment, mais les chances sont grandes que nous devions renoncer à certaines libertés tant que la menace du virus persistera. Les mesures de confinement sont motivées par le souhait d'aplanir la courbe des contaminations, afin d'éviter de devoir faire des choix éthiques en cas de surcharge des hôpitaux, à savoir qui sera traité ou pas. CritiqueLa perception de qui a été sacrifié par les décisions prises peut être abordée de différentes manières, précise le Prof. Haarscher. On a dit que les personnes âgées dans les maisons de repos et de soins ont été sacrifiées, car elles n'ont pas pu être hospitalisées. Par contre, on peut aussi dire, en adoptant un autre point de vue, que les personnes de moins de 50 ans ont été sacrifiées, car elles n'ont pas pu continuer à travailler pendant le confinement. En France, on s'est demandé pourquoi un pays se donne tant de mal pour lutter contre un virus qui ne tue que 3 % de la population, et principalement des personnes âgées, au détriment, par exemple, de l'économie. Cette discussion est sensible.À cet égard, une quarantaine ciblée serait préférable, notamment grâce aux tests en masse et au contact tracing, mais actuellement, nous n'avons pas les moyens de procéder de cette façon. En Suède, les autorités espèrent pouvoir contenir la propagation du coronavirus sans confinement radical, mais en comptant sur le sens civique de la population. Entre-temps, l'amélioration des connaissances suscite des critiques et les scientifiques parlent d'une roulette russe : parier sur l'immunité collective provoquera de nombreux décès et ce n'est pas le prix que nous voulons payer en tant que société, souligne le Prof. Haarscher.Liberté d'expressionLe Prof. Haarscher explique que le fait que nous vivions dans une démocratie libérale est un grand avantage, par rapport à la Chine, par exemple, où la ville de Wuhan a été complètement isolée du monde extérieur après l'apparition de l'épidémie. Un autre problème dans les pays connaissant un régime autoritaire est la limitation de la liberté d'expression. Au début, lorsque le virus a commencé à se propager, il a été difficile pour les experts chinois de faire savoir de manière indépendante ce qui était en train de se passer. Ainsi, le docteur Li Wenliang a parlé de la menace que représentait le virus, mais il a été arrêté car il avait dit quelque chose que le Parti populaire chinois ne voulait pas entendre. Il a reçu un avertissement officiel de la police chinoise, lui intimant de cesser de "faire des faux commentaires sur Internet" et de "perturber l'ordre social". Il est finalement décédé du covid-19, mais sa mort a provoqué de nombreuses réactions parmi la population chinoise, si bien que les autorités ont fini par présenter des excuses à la famille du Dr Li Wenliang. Le Prof. Haarscher conclut que la liberté d'expression est une valeur importante d'une démocratie libérale et qu'il est nécessaire que des experts libres puissent donner leur opinion, afin de nous guider dans la lutte contre le virus, mais aussi dans la stratégie de déconfinement.