Le Pr Cédric Hermans (UCL-Bruxelles) a présenté des informations actualisées sur la thérapie génique et l'immunothérapie dans l'hémophilie A et B.
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Dès 2017, la thérapie génique s'est avérée prometteuse pour l'hémophilie A, avec une augmentation progressive du F8 jusqu'à des taux sanguins quasi-normaux, permettant de réduire le nombre de perfusions chez les patients. Dans l'hémophilie B, ces taux n'ont pas atteint des valeurs normales, mais ont tout de même grimpé de 30 à 40 %, soit une réelle amélioration. Aujourd'hui, de nouvelles études montrent cependant une certaine incertitude quant à la durée de la réponse, tout au moins pour l'hémophilie A. Avec les dosages les plus sensibles, le taux de F8 diminue, tout en restant suffisamment élevé. Mais sera-ce toujours le cas dans 10 ans ? Dans l'hémophilie B, les espérances sont plus élevées, peut-être parce que le F9 est produit physiologiquement par les hépatocytes eux-mêmes, contrairement au F8. Concernant les obstacles au développement ultérieur de la thérapie génique, le Pr Hermans cite en premier lieu la sécurité (toxicité hépatique et mutagenèse). À ce jour, aucun signe négatif n'a été relevé, mais les inquiétudes subsistent. Par ailleurs, la production du vecteur permettant l'insertion de l'ADN (le virus AAV) s'avère relativement complexe. Qu'en est-il des anticorps neutralisants anti-AAV préexistants ? Le virus est fréquemment observé dans la population générale, mais d'après les études, ces anticorps ne gênent pas le traitement. Last but not least : le coût de la thérapie génique. Selon les dernières estimations, il varierait entre 1 et 2 millions d'euros par patient ! Enfin, un grand nombre d'études animales ont montré que l'ADN reste épisomal. " Ceci peut expliquer la perte d'effet au fil du temps. C'est pourquoi cette stratégie thérapeutique ne peut pas être mise en oeuvre chez l'enfant. Par conséquent, de nombreuses stratégies sont testées afin d'intégrer l'ADN dans les hépatocytes par le biais de traitements ciblés, comme l'édition génique ", poursuit le Pr Hermans. Sous immunothérapie, le patient n'est pas traité par le F8 mais avec un anticorps bispécifique, qui reproduit le rôle physiologique du F8 en tant que cofacteur dans le processus de coagulation. Cet anticorps présente de nombreux avantages : il peut être administré par voie sous-cutanée, possède une demi-vie plus longue que le F8 lui-même et peut être administré à des patients possédant des anticorps contre le F8. À l'émicizumab succède la génération suivante, le MiM8, plus puissante in vitro. Il n'existe pas encore de données chez l'être humain. Une deuxième stratégie consiste à inhiber les anticoagulants naturels. L'hémophilie A comme l'hémophilie B, ainsi que d'autres troubles de la coagulation, devraient pouvoir être traités par anticorps anti-TFPI ( Tissue Factor Pathway Inhibitor), comme le concizumab. L'administration est sous-cutanée et la tolérance semble bonne. Enfin, les chercheurs tentent aussi de prolonger la demi-vie du F8. Sept jours après une perfusion par BIVV001, son taux devrait encore atteindre 17 %, tandis que la demi-vie du F8 normal ne s'élève plus qu'à 10 à 13 heures. Une étude de phase III démarrera bientôt, à laquelle participeront différents centres belges.