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La session consacrée à la qualité de la prise en charge du cancer du poumon a été présentée par les Prs Veerle Surmont et Jan van Meerbeeck. C'est le Pr Yolande Lievens (UZ Gent) qui a expliqué le projet " Essential requirements for quality of lung cancer care (ERQCC)" de l'Organisation Européenne du Cancer. "Les ERQCC ont pour but d'optimiser la prise en charge des patients cancéreux et de favoriser l'approche multidisciplinaire, sans rappeler les directives cliniques", précise le Pr Lievens. Les résultats pour le patient sont en effet étroitement liés aux soins de santé offerts et la qualité de la prise en charge. Comme des ERQCC antérieurs, ceux concernant le cancer du poumon ont été élaborées selon un schéma fixe, afin d'interpeller diverses parties prenantes: patients, payeurs et prestataires de soins. La rubrique "défis" aide le public à comprendre les particularités du cancer du poumon, comme le diagnostic tardif et par conséquent le traitement difficile, la nécessité d'initiatives de dépistage, le rôle des soins de première ligne et de l'équipe multidisciplinaire, l'approche individuelle des patients en raison de l'âge et de comorbidités, et la détresse psychologique élevée en raison de la stigmatisation des fumeurs. Les ERQCC sur le cancer du poumon prodiguent dès lors des conseils sur l'organisation de centres du cancer, le rôle de l'oncologue-infirmier, le suivi des survivants à long terme, l'évolution vers des centres à volume élevé, et la nécessité de disposer de bons indicateurs de qualité, en ligne avec les exigences nationales. Le Dr Hans Smit, pneumologue au Rijnstate Ziekenhuis à Arnhem et président du Longkankerregister (Registre du cancer du poumon) et de la Longkankervereniging (association de patients), a présenté des conclusions intermédiaires du Nederlandse Longkanker Audit (audit du cancer du poumon néerlandais), une évaluation nationale de la gestion de soins sur la base d'indicateurs de qualité. Ce registre national confronte les hôpitaux nationaux de manière anonyme à un benchmark. Les indicateurs de qualité sont répartis en indicateurs de structure (comme le nombre de patients, le caractère exhaustif de l'enregistrement...), indicateurs de processus (imagerie cérébrale, diagnostic moléculaire, concertation multidisciplinaire, durée du trajet diagnostic...) et indicateurs de résultats (degré de toxicité 3/4 en cas de traitement systémique, survie...). "L'ensemble des données actuel démontre que les indicateurs de processus conduisent indirectement à de meilleurs soins", en conclut le Dr Smit. L'imagerie cérébrale a par exemple été réalisée chez 82% des patients souffrant d'un cancer du poumon de stade III en 2017, chiffre qui a atteint 90% en 2019 après le benchmarking. Le Dr Smit a averti que les indicateurs de résultats étaient utiles, mais ne pouvaient être évalués qu'une fois les données de registre stables. Vu que cet enregistrement exige du temps que les hôpitaux ne peuvent consacrer à la prise en charge du cancer, des registres nationaux doivent simplement être lancés et adaptés ultérieurement. Le Pr Yolande Lievens et le Dr Charlotte Billiet ont présidé une séance sur l'irradiation crânienne prophylactique de patients souffrant d'un cancer bronchique à petites cellules (SCLC). Le Dr José Belderbos, radiothérapeute-oncologue au Nederlands Kanker Instituut (Antoni van Leeuwenhoek, Amsterdam), a présenté les résultats d'une étude belgo-néerlandaise sur l'évitement de l'hippocampe lors de cette irradiation en cas de SCLC. Cette étude de phase III multicentrique randomisée s'est penchée sur les dommages cognitifs auprès de 168 patients ayant fait l'objet d'une irradiation prophylactique conventionnelle (PCI) par rapport à des patients chez lesquels l'hippocampe a été épargné (HA-PCI). Le point final primaire était la mémoire selon le Hopkins Verbal Learning Test. Les résultats de l'étude n'ont montré aucune différence significative du fonctionnement neurocognitif, ni de la survie générale (OS) ou de l'incidence des métastases cérébrales. Notons que chez 28% des patients des deux groupes de traitement, on enregistre une réduction cliniquement pertinente de la fonction neurocognitive. Ces résultats sont contraires à une étude américaine antérieure (NRG-CC001), dans laquelle l'évitement de l'hippocampe ralentissait le déclin cognitif. La conception des deux études présente cependant de grandes différences. Le Dr Belderbos a par conséquent décidé qu'on ne pouvait provisoirement pas encore déterminer si le fait d'épargner l'hippocampe dans la PCI en cas de cancer du poumon à petites cellules était utile. Le Pr Corinne Faivre-Finn, responsable de radiothérapie thoracique à The Christie à Manchester et professeur à l'université de Manchester, s'est donc demandé si la surveillance par résonance magnétique (RM) pouvait constituer une alternative valable à la PCI. Elle a souligné que le risque de développement de métastases cérébrales était très élevé en cas de SCLC, et que la PCI constituait dès lors le soin standard depuis quelques décennies. Une étude japonaise a cependant remis cette pratique en question, n'ayant trouvé aucune différence en termes de survie entre la PCI et le suivi IRM trimestriel chez des patients souffrant de SCLC avancé. Le Pr Faivre-Finn a cependant constaté qu'un pourcentage plus élevé de radiothérapie de sauvetage avait été effectué dans le groupe d'observation RM (83%) par rapport au groupe PCI (46%). Elle s'interroge également sur le caractère extrapolable des résultats, issus du pays enregistrant le nombre le plus élevé d'appareils RM par personne. "L'inconvénient de la surveillance RM ne réside pas seulement dans les coûts, mais aussi dans l'anxiété des patients, qui doivent à chaque fois attendre leurs résultats", selon la Pr Faivre-Finn. Elle a en a conclu que la PCI était critiquée en raison de la crainte pour la neurotoxicité, combinée à la possibilité de régulièrement organiser une surveillance RM. Selon elle, il faut cependant souligner que la PCI reste recommandée dans les directives internationales. Pour l'heure, peu d'informations sur le rôle de la PCI en cas d'immunothérapie sont disponibles. L'update sur le traitement systémique du cancer du poumon non à petites cellules (NSCLC) était présidé par les Pr Annelies Janssens et Karim Vermaelen. Le Pr Laurent Greillier, oncologue thoracique à l'Immunopole de Marseille, a confirmé que l'immunothérapie avait été à l'origine d'une révolution dans le monde du cancer du poumon, mais que la plupart des patients n'en tirent pas d'avantage durable. "Différentes hypothèses scientifiques expliquent cette résistance contre l'immunothérapie et leur nombre connaît une hausse exponentielle", selon le Pr Greilleir. "Le nombre d'études cliniques explose donc lui aussi". C'est pourquoi le projet PIONeeR, réalisé à Marseille, entend mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de l'immunorésistance. Pour l'heure, seuls les résultats des 100 premiers patients souffrant d'un NSCLC, ayant reçu un anti-PD-(L)1 en 2e ou 1re ligne (avec chimiothérapie) sont disponibles. Plus de 400 biomarqueurs ont été évalués. Une valeur prédictive a été suggérée pour l'expression de PDL-1 dans la tumeur, avec densité de cellule positive PD-L1 potentiellement supérieure, densité de cellules T cytotoxiques dans la tumeur et densité de cellules immunosuppressives. "L'objectif final du projet est de concevoir un immunogramme, qui peut contribuer à orienter l'immunothérapie en cas de NSCLC avancé", explique le Pr Greillier. Le Dr Lizza Hendriks (Maastricht UMC) et le Pr Jacques Cadranel (Assistance Publique, Hôpitaux de Paris) ont mené un débat sur les avantages et les inconvénients d'un traitement adjuvant avec osimertinib en cas de NSCLC précoce complètement réséqué. Le Dr Hendriks a souligné que la chimiothérapie (CT) adjuvante offrait un avantage de survie de 4% après 5 ans dans cette population de patients. Près de 15% ont une mutation EGFR, mais rien ne permet de déterminer clairement dans quelle mesure le comportement du NSCLC avec mutation EFGR diverge des autres cancers du poumon. L'étude ADJUVANT n'a fait état d'aucun avantage de survie après 18 mois sous gefitinib vs CT, en dépit d'une amélioration de la survie sans maladie (DFS). L'étude ADAURA, en revanche, a découvert une hausse impressionnante de la DFS avec osimertinib vs placebo (HR: 0,17). La principale critique que l'on peut formuler par rapport à cette étude est le choix pour la DFS comme point final primaire, un substitut à la survie générale. Il y a également une présomption de " understaging" en raison de manquements méthodologiques (comme l'imagerie cérébrale avec RM ou CT). Selon le Pr Cadranel, rien ne permet encore d'indiquer clairement si le traitement de longue durée proposé avec osimertinib a effectivement une valeur curative. "L'utilisation de cette médication, avec possibles effets secondaires, ne doit pas inutilement changer la personne en un patient", en a conclu le Pr Cadranel. Le Dr Marina Garassino (Université de Chicago et IRCCS National Tumor Institute, Milan) a présenté les résultats de l'étude mondiale TERAVOLT sur le traitement du cancer du poumon pendant la pandémie de COVID-19. "Dès le début de la pandémie, il était évident que les patients souffrant de cancer constituaient une population vulnérable pour la COVID-19", explique le Dr Garassino. Selon des registres, la mortalité chez ceux souffrant d'un cancer du poumon était particulièrement élevée, et plus encore en cas de comorbidités. L'étude TERAVOLT a démontré que l'admission aux soins intensifs était particulièrement élevée chez les patients souffrant de cancer du poumon (14%), mais seulement 5% ont bénéficié d'une respiration mécanique et la mortalité était également extrêmement élevée (35%). C'est la raison pour laquelle le Dr Garassino a recommandé de bien informer les médecins des soins intensifs sur l'amélioration des chances de survie en cas de cancer du poumon. Les facteurs qui étaient associés à une mortalité plus élevée étaient un âge de plus de 65 ans, des comorbidités, un score ECOG de plus de 2 et l'utilisation de stéroïdes ou d'anticoagulants lors du diagnostic. Le report des traitements oncologiques lors du traitement du cancer du poumon était de 21 jours en moyenne. "Les conséquences de ces retards apparaîtront dès que nous ferons le bilan définitif de cette pandémie", selon le Dr Garassino.