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Lors des essais randomisés de phase III, CORRECT et CONCUR, le régorafénib avait démontré son potentiel à améliorer de façon significative tant la survie globale que la survie sans progression par rapport au placebo chez des patients atteints d'un cancer colorectal ayant progressé sous traitement standard. Mais, en est-il de même en pratique réelle ? Réponse avec CORRELATE, une étude observationnelle prospective destinée à évaluer l'utilisation en conditions réelles du régorafénib dans le traitement du cancer colorectal métastatique au sein des services d'oncologie digestive de 13 pays.Les patients inclus dans cet essai présentaient tous un cancer colorectal métastatique et tous avaient déjà été traités par des thérapies approuvées. Ainsi, 39% avaient reçu 4 lignes de traitement systémique tandis que 30% avaient reçu 3 lignes antérieures et 30%, deux lignes. Il est important de noter que, pour cette étude, la décision de traiter par régorafénib avait été prise par le praticien en charge avant inclusion dans l'étude ceci afin de respecter au mieux le concept de real-world. Des interruptions ou des réductions de doses étaient permises afin de gérer au mieux les effets secondaires incidents. Le critère d'évaluation primaire était l'incidence de survenue d'effets secondaires en lien avec le traitement par régorafénib. La survie globale, la survie sans progression ainsi que le taux de contrôle de la maladie constituaient, pour leur part, les principaux critères d'évaluation secondaire. Au total, 1037 patients (61% d'hommes et 39% de femmes) ont été inclus pour analyse, 55% présentaient une mutation KRAS et les principales localisations métastatiques étaient hépatiques (72%) et pulmonaires (57%).La dose recommandée de régorafénib est de 160 mg/j administrée durant 3 semaines suivi d'une semaine de repos. Cependant, on constate que, lors de cette étude, les oncologues ont souvent modifié les dosages : 57% des patients ont effectivement initié le traitement par la dose recommandée de 160mg/j tandis que 30% et 12% avaient des doses initiales de 120mg et de 80mg respectivement. Globalement, 40% des patients ont eu une réduction de dose, 48% ont nécessité une interruption ou un retard de dose tandis que 35% n'ont nécessité aucune modification du dosage. La durée moyenne du traitement était de 2,5 mois avec des extrêmes allant de quelques jours à près de 30 mois.Des effets secondaires de grade 3 sont survenus chez 62% des patients et ont été attribués au régorafénib chez 36% des patients ce qui correspond, selon le Pr Ducreux, au schéma de toxicité observé lors des essais cliniques. Parmi les effets indésirables les plus fréquents on note, la fatigue (10%), l'HTA (8%), la réaction cutanée mainpied (7%), la majorité en lien avec un traitement par régorafénib. Cependant, le taux de réactions cutanées est inférieur à celui observé lors des essais cliniques selon l'investigateur.On retrouve une même adéquation entre essai clinique et pratique quotidienne en termes de survie ce qui est remarquable si on tient compte du fait que nous avons ici à faire à une population de patients non sélectionnés. La valeur moyenne de la survie globale est de 7,6 mois et celle de la survie sans progression de 2,8 mois. Sur base de l'imagerie médicale, le taux de contrôle de la maladie est de 21% avec une réponse partielle chez 3,1% des patients.Bien qu'on ne dispose pas encore de tous les résultats, ni de toutes les analyses détaillées, le Pr Ducreux a cependant donné un petit aperçu concernant la relation entre les doses administrées et les résultats cliniques. A ce stade, aucune différence claire n'a été observée entre les patients ayant reçu des doses initiales différentes (160mg, 120mg, 80mg) concernant les résultats sur les critères d'évaluation primaires et secondaires. Des analyses sont toujours en cours pour mieux cerner et comprendre cette observation.Au final, ces résultats sont encourageants si on tient compte du fait que les valeurs médianes de survie globale et de survie sans progression se situent dans la même fourchette observée lors des essais de phase III malgré une grande flexibilité en terme de dosages initiaux. Même constat pour ce qui concerne les effets indésirables observés qui correspondent globalement au profil d'innocuité connu du régorafénib dans le traitement du cancer colorectal métastatique.