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Les travaux du Dr Yanina Jansen, doctorante, avaient en effet déjà montré qu'en cas d'évolution favorable d'un mélanome avancé, l'arrêt électif de l'immunothérapie peut être envisagé, explique le Pr Neyns (2)."Cet arrêt électif chez les patients indemnes de progression, qui peut intervenir après un ou deux ans (> 6 mois) d'immunothérapie fructueuse, est étayé par l'étude KEYNOTE-006 et par notre propre étude. Il figure désormais dans les recommandations de l'ESMO pour le traitement du mélanome métastatique (2-4)." La question suivante était de savoir quelle stratégie est la meilleure en cas de récidive après l'interruption de l'immunothérapie. Comme il y avait peu de preuves scientifiques dans ce domaine, l'hôpital Antoni van Leeuwenhoek a collecté rétrospectivement des données sur le suivi et la survie des patients pendant 10 ans à compter du début du traitement par un inhibiteur du point de contrôle immunitaire (ICI). L'analyse a porté sur 294 patients présentant une progression solitaire après une maladie stable (15%), une réponse partielle (55%) ou une réponse complète (30%) ; la durée médiane de suivi était de 43 mois. Dans cette cohorte, le délai médian jusqu'à la première progression était de 13 mois et celui jusqu'à la progression ultérieure était de 33 mois (TTSP, à savoir le délai écoulé jusqu'à la progression après le traitement de la progression solitaire). La survie globale (OS) estimée à 3 ans atteignait 79% ; la survie globale médiane n'a pas été atteinte. La progression solitaire avait été traitée par immunothérapie (18%), un traitement local (36%), les deux combinés (42%), ou la surveillance active (4%). Près de la moitié des patients n'ont pas présenté de progression après ce traitement. Le traitement local, la poursuite du traitement par ICI ou l'association des deux ont donné des résultats similaires, tant pour le TTSP que pour l'OS. Le TTSP était plus élevé chez les patients traités par ICI + traitement local que par ICI seul (p = 0,006), mais sans différence en termes d'OS. Selon les auteurs, ceci suggère que le traitement local peut avoir un effet bénéfique sur les résultats à long terme de la progression solitaire d'un mélanome métastatique. Selon le Pr Neyns, nous pouvons en conclure que la progression, et assurément la progression oligométastatique, ne signe pas nécessairement la fin pour nos patients. Par le passé, le mélanome avait en effet une mauvaise réputation. Il y a 10 ans encore, on s'attendait à une résistance et à une progression de la maladie en cas de traitement standard par chimiothérapie, mais aussi par thérapie ciblée. Cette récidive était même associée à une accélération de la maladie et à des résultats défavorables. "Cette nouvelle étude confirme ce que nous pressentions déjà en pratique quotidienne: les patients obtenant un bon résultat initial chez qui on diagnostique un petit nombre de lésions progressives peuvent être traités à nouveau, avec d'assez bons résultats." Le Pr Neyns attire toutefois l'attention sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une étude interventionnelle mais observationnelle, ce qui explique l'hétérogénéité des données. Bien qu'elles proviennent de centres ayant un volume d'activité élevé dans le domaine du mélanome métastatique, un biais de sélection inhérent à la conception de l'étude ne peut être exclu. "Selon mon interprétation personnelle, cette base n'est pas suffisamment solide pour se prononcer avec une certitude absolue sur la meilleure attitude thérapeutique en cas de progression oligométastatique", déclare le Pr Neyns. Il souhaite donc nuancer l'interprétation des auteurs selon laquelle tant un traitement local qu'un traitement systémique sont des options raisonnables. Sur base des données actuelles et de son expérience personnelle, un traitement chirurgical ou radiothérapique sans traitement systémique est défendable en cas de récidive solitaire unique et dans certains scénarios de récidive oligométastatique. En cas de progression chez un patient dont l'évolution était initialement favorable et toujours sous immunothérapie, on peut opter pour un traitement local, mais la poursuite de cette immunothérapie semble peu utile ici. Cependant, on peut envisager une immunothérapie de 2e ligne ou un traitement intensifié (association avec un 2e ICI). Si l'immunothérapie a été interrompue de manière élective et si la récidive n'est pas complètement résécable ou traitable localement, une reprise de l'immunothérapie semble toutefois opportune.