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Selon le Pr Löwenberg, nous devons miser sur la médecine personnalisée afin de continuer à améliorer les traitements actuels. Différentes options s'offrent à nous: la personnalisation du traitement grâce à la surveillance de celui-ci du début à la fin, une meilleure compréhension de la diversité moléculaire de l'AML et la personnalisation du traitement actuel à l'aide de nouveaux médicaments. L'étude HOVON 132 (2021) a montré que la détermination de la maladie résiduelle minime (MRD) est un facteur prédictif important pour le traitement des patients à risque intermédiaire. Dans ce groupe, la différence entre les patients MRD négatifs et MRD positifs était en effet très faible. Toutefois, dans toutes les études publiées jusqu'à présent, le résultat atteint chez des patients positifs est plus mauvais.Dans l'étude HOVON 132, les informations relatives à la MRD obtenues par cytométrie en flux ont été utilisées pour décider de l'étape suivante du traitement. Le risque de rechute et les chances de survie en cas de greffe de cellules souches (GCS) autologues se sont avérées comparables à celles observées en cas de GCS allogéniques. Cette technique peut-elle être améliorée par l'utilisation de marqueurs moléculaires? Des études ont montré que les mutations non-DTA en rémission complète sont un facteur prédictif de la rechute et de la survie globale (OS). Les analyses moléculaires ne sont toutefois pas parfaites. Parfois, une récidive se produit en l'absence de marqueurs clonaux persistants. Peut-être parce que certains marqueurs ne sont pas détectés, parce qu'ils ne se trouvent pas dans le panel analysé ou parce que nous ne les avons pas encore découverts. Une autre raison peut être que nous ne détectons pas de petits clones leucémiques car l'examen n'est pas assez sensible. Il peut aussi s'agir d'une rechute avec de nouvelles mutations. De nombreuses recherches sont donc encore nécessaires. La combinaison des deux techniques (cytométrie en flux + séquençage de nouvelle génération (NGA)) permet une meilleure prédiction du résultat. Ces informations basées sur la surveillance lors de la rémission permettent d'améliorer le processus de décision au sujet des étapes suivantes du traitement. Coleman Lindsley (2015) a montré que dans l'AML de novo, il faut rechercher des mutations spécifiques à l'AML secondaire (AMLs) - sujet de prédilection du Pr Löwenberg. Le résultat (survie sans incident) pour les patients présentant des mutations génétiques propres à l'AMLs est plus mauvais que pour les patients sans ces mutations. Il est possible qu'un autre traitement soit nécessaire. Retenons les conclusions marquantes d'une étude HOVON récente portant sur cette problématique: ? Les signatures génétiques du SMD, surtout chez les patients présentant 10 à 19% de blastes (SMD-EB2), ressemblent à celles de l'AML, après un SMD (AMLs). ? En ce qui concerne les mutations, l'AMLs ressemble autant au SMD-EB2 que l'AML de novo. ? Les patients atteints d'une AML de novo mais présentant des mutations spécifiques à l'AMLs, semblent avoir un pronostic comparable à l'AMLs cliniquement définie. Le Pr Löwenberg pense, à l'instar d'Estey et al.1, que nous ne devons peut-être plus nous en tenir à un pourcentage fixe de blastes. Les patients qui présentent 10 à 30% de blastes ("AML-SMD") remplissent les critères d'inclusion à la fois des études portant sur l'AML et de celles portant sur le SMD. Le Pr Löwenberg a commenté quatre nouvelles options thérapeutiques. ? La thérapie de différenciation en cas de mutations IDH1 et IDH2Pour améliorer le résultat des patients à risque intermédiaire au moyen des inhibiteurs d'IDH1 et d'IDH2 actuellement disponibles (ivosidenib et énasidenib), il faut des études prospectives randomisées. Ces traitements entraînent non seulement une rémission, mais aussi l'élimination moléculaire de ces mutations. Ils possèdent donc un grand potentiel antileucémique. L'étude de ces médicaments dans un essai prospectif est un défi, car seuls 10% des patients sont porteurs de ces mutations. Pour le critère d'évaluation de la survie, plusieurs milliers de patients nouvellement diagnostiqués pouvant être sélectionnés très rapidement sont donc nécessaires. Pour que ces études puissent être menées, une collaboration internationale entre différents groupes de recherche est donc indispensable. Une étude allemande récente de grande envergure a montré qu'un traitement reporté de quelques jours à une semaine n'a pas de conséquences négatives significatives sur le pronostic de ces patients. Nous avons donc le temps d'attendre les résultats des analyses moléculaires, qui nous indiquent à quelles mutations nous avons affaire afin que nous puissions y adapter le traitement. ? Les inhibiteurs de kinases en cas de mutations FLT3Les mutations FLT3 sont très fréquentes chez les patients atteints d'AML. Grâce à l'étude RATIFY (Richard M. Stone et al., 2017), nous savons que la midostaurine (un inhibiteur de FLT3) améliore de manière significative à la fois l'OS et la PFS lorsqu'elle est ajoutée à une chimiothérapie (CT) intensive. D'autres inhibiteurs de FLT3 pourraient améliorer le résultat chez ces patients, à savoir des inhibiteurs qui possèdent de meilleures propriétés pharmacocinétiques, une puissance supérieure et une plus grande sélectivité que la midostaurine. L'un d'eux est le giltéritinib qui est l'objet de l'étude internationale HOVON 156. Une nouvelle étude sur le vénétoclax, en plus du traitement d'induction standard, débutera également cette année. Nous pouvons ainsi desservir le spectre complet de patients jeunes et éligibles. ? La thérapie épigénétiqueLa combinaison d'azacitidine et vénétoclax chez les patients jugés inéligibles à un traitement intensif (patients trop âgés, trop fragiles ou atteints de comorbidités) a suscité un grand intérêt dernièrement. Une étude2 a montré que les patients qui reçoivent ces deux médicaments présentent une OS significativement supérieure au groupe de contrôle qui reçoit de l'azacitidine + placebo. Ce traitement est désormais standard pour les patients atteints d'AML non éligibles. Les patients atteints d'AML et porteurs de diverses mutations, y compris ceux qui présentent une mutation IDH1/2, tirent profit de ce traitement. ? L'immunothérapie personnalisée basée sur les cellules et les anticorpsDe nombreuses études sur de nouveaux médicaments aux modes d'action différents, notamment le magrolimab qui attaque la CD47, ont débuté. Le développement de ces thérapies rencontre de très grands défis. Les raisons en sont notamment les suivantes: ? La biologie de la maladie:L'AML comporte de nombreux sous-types différents. Il s'agit d'en tenir compte lorsque des médicaments seront testés. La maladie d'un patient peut être multiclonale. Des sous-clones peuvent alors échapper au traitement, nécessitant un autre traitement. Une évolution clonale et une résistance au traitement (surtout en cas de monothérapie) sont possibles. La combinaison des traitements doit peut-être se faire à un stade plus précoce, ce qui est toutefois difficile à étudier dans des conditions bien définies. ? La médecine de précision:Lorsque nous combinons des médicaments de précision et le traitement standard, la toxicité augmente. Pouvons-nous donc emprunter cette voie? Compte tenu de l'expression de déterminants antigéniques (épitopes) dans l'AML et dans les cellules hématopoïétiques normales, il existe un risque de myélotoxicité grave après une immunothérapie. ? Un traitement combiné:Le traitement combiné est l'avenir, car il permet de prévenir l'apparition d'une résistance. Il faut procéder avec intelligence, afin de retirer un bénéfice maximal de l'efficacité de chaque élément de la combinaison. Toutefois, si les médicaments de précision sont combinés avec une CT intensive ou avec d'autres médicaments utilisés dans l'AML, une myélosuppression accrue est observée. ? Le développement clinique:Comme l'AML est une maladie rare, des études de grande envergure sont difficiles à réaliser. L'avenir est aux recherches cliniques qui tiennent compte du génotype de l'AML et qui l'étudient. Elles ne sont possibles que dans le cadre d'une collaboration internationale intergroupe et doivent comporter de vastes analyses en laboratoire, afin de collecter un maximum d'informations et de connaissances scientifiques. Avec des défis logistiques: de très nombreux groupes qui collaborent, des études d'enregistrement et des évaluations par NMRD ( nuclear magnetic relaxation dispersion) sont nécessaires.