...

Au moment où ils reçoivent un diagnostic très difficile, les gens se voient souvent déjà morts et enterrés. Lorsqu'ils entament un traitement contre un cancer, ils relèguent très souvent la question existentielle à l'arrière-plan et se concentrent sur le traitement. Mais lorsque le médecin estime, au bout du énième traitement, qu'une nouvelle thérapie n'a plus aucun sens et en informe le patient, il y a comme un déclic. Et les questions existentielles refont explicitement surface ", témoigne le Dr Desmet.Notre société pense généralement en termes de guérison. Mais s'il n'est pas toujours possible de guérir la maladie, une guérison spirituelle peut toujours intervenir dans les derniers instants. Il est par ailleurs important, pour déterminer les soins et le traitement appropriés, de connaître le sens que les patients donnent à la vie1.Le concept de spiritualité existe dans toutes les cultures et dans toutes les communautés, et revêt un caractère pluridimensionnel. Il n'y a toutefois aucun consensus quant à son cadre conceptuel. Au niveau international, on a bien tenté de la définir globalement, mais sans succès.Lorsque la fin de vie approche, les gens se posent souvent des questions existentielles : " Pourquoi moi ? ", " Qu'y a-t-il après la mort ? ", " Qui se souviendra de moi ? " ou " Pourquoi continuer à vivre les quelques semaines qu'il me reste ? ". Ces questions peuvent s'accompagner de considérations religieuses ou de réflexions sur ce qui est précieux pour chacun." Lors de l'admission dans notre unité, nous demandons de manière discrète et appropriée si le patient souhaite un soutien idéologique. Mais les soins spirituels vont bien au-delà de la religion : ils touchent au sens et au non-sens de ce que nous vivons ici. En traitant les symptômes physiques, nous laissons place aux questions plus profondes, car si nous n'avons pas tous la foi, nous avons tous une spiritualité ", poursuit le Dr Desmet." En ce qui concerne l'acceptation de l'arrivée de la fin de vie, il n'y a pas de différence marquée entre les personnes croyantes et non croyantes. Les deux types de patients que nous distinguons sont, d'une part, ceux qui acceptent et s'éteignent en paix, et d'autre part, ceux qui affrontent la mort avec une grande anxiété. Mais nous constatons que les deux profils tirent avantage des rituels mis en place. La spiritualité est aussi une forme de 'ritualité', une forme de communication non verbale. Les rituels structurent et canalisent, au moyen de mots et de gestes, les émotions que nous enfouissons. Toutes les semaines, nous disposons par exemple une rose fraîche dans chacune des chambres de notre unité. Plusieurs fois par an, nous organisons aussi une veillée de soutien pour les proches des patients décédés. À cette occasion, nous leur distribuons un texte personnel sur le défunt, attaché à une rose, et nous partageons un repas dans une ambiance musicale adaptée. Ces moments sont très appréciés. "Souvent, les patients n'expriment pas verbalement leurs besoins spirituels, soit parce qu'ils n'en sont pas conscients, soit parce qu'ils ne trouvent pas utile d'en parler. Certains comportements peuvent néanmoins évoquer la présence de ces besoins. Le Dr Desmet parle d'une " check-list " spirituelle utilisée quotidiennement au sein de son unité. Elle évalue 5 zones de tension (selon le modèle en " diamant " de Carlo Leget) pour identifier les besoins spirituels : moi et l'autre, faire et laisser faire, s'attacher et se détacher, oublier et pardonner, croire et savoir2. Chaque zone est associée à quelques questions permettant d'aborder la fin de vie sans tabou. " Ces zones contribuent à exprimer ce que nous appelons la douleur spirituelle. Un individu peut ainsi vouloir garder le contrôle sur le moment où ses soins lui sont prodigués ou souhaiter régler ses obsèques dans les moindres détails ('faire et laisser faire'). D'autre part, il est possible qu'un individu s'accroche en permanence physiquement aux autres ou, à l'inverse, qu'il n'autorise plus aucune proximité ('s'attacher et se détacher'). Dans ce cas, il est bloqué dans le processus spirituel. En reconnaissant ces éléments et en traduisant chaque comportement comme une expression de douleur spirituelle, nous pouvons mieux encadrer les comportements difficiles à comprendre. Chaque comportement a sa signification. Il est très important de ne pas juger et de ne pas condamner. Nous devons tenter, en équipe, de comprendre pourquoi tel patient a tel comportement. Nous essayons ainsi de lui laisser l'espace dont il a besoin pour se détendre un peu plus. "Par ailleurs, le prestataire de soins peut, grâce à l'auto-observation et à la réflexion sur lui-même (p. ex. sous la forme d'une intervision), prendre conscience de ses propres réactions et des conséquences qu'elles ont sur ses interactions avec le patient. Les exercices de méditation et les techniques de visualisation peuvent aussi être utilisés en ce sens. Enfin, la Fédération flamande des soins palliatifs ( Federatie Palliatieve Zorg Vlaanderen) organise des ateliers sur les soins spirituels.