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Les tumeurs mammaires avec récepteurs hormonaux représentent environ 65% des cancers du sein. Comment traiter les cas métastatiques ?Dr Philippe Aftimos : " À l'hormonothérapie, on ajoute désormais un inhibiteur de CDK 4/6 (abemaciclib, palbociclib ou ribociclib). Ces nouvelles thérapies ciblées sont remboursées en Belgique depuis 2018, mais cette année1, pour la première fois, il a été démontré que, comparées à l'hormonothérapie seule, ces associations prolongent la survie globale : environ 8 mois avec le ribociclib (cfr MONALEESA 3) et 11 mois avec l'abemaciclib (cfr MONARCH 2) en deuxième ligne.Nous avons également accès à l'alpelisib en usage compassionnel. Cette molécule inhibe le gène PIK 3CA, une mutation que l'on retrouve dans 40% des cancers avec récepteurs hormonaux. L'étude SOLAR-1 2 a comparé le fulvestrant seul et l'association de cette hormonothérapie avec l'alpelisib. Résultat : la survie sans progression (FPS) est améliorée avec la combinaison. Notons par ailleurs que des biopsies liquides ont été utilisées dans cette étude pour suivre l'évolution des patientes. "" Certains médicaments d'immunothérapie semblent prometteurs dans le cancer du sein triple négatif. L'étude IMpassion130 3 a comparé la chimiothérapie seule et son association avec de l'atezolizumab (anti-PDL1). La survie globale a été augmentée d'environ dix mois avec la combinaison dans le sous-groupe de patientes avec une tumeur exprimant la protéine PDL1. Ce traitement devrait donc être bientôt admis au remboursement. En attendant, nous y avons accès via l'usage compassionnel si la tumeur exprime PDL1, ce qui est le cas dans près de 40% des cas de triple négatif.Le pembrolizumab a aussi été évalué dans des cancers triple négatif non métastatiques. Ajouté à la chimiothérapie conventionnelle, cet anti-PD-1 a permis d'obtenir un taux de réponse pathologique complète avant chirurgie plus élevé, comparé à la chimiothérapie seule. (cfr KEYNOTE-522)Une autre étude de phase II, MonarcHER, a évalué l'ajout d'abemaciclib (anti-CDK 4/6) dans le traitement des cancers métastatiques avec récepteurs hormonaux HER2 positif. Pour rappel, cet oncogène a longtemps été associé à un mauvais pronostic. L'association d'une hormonothérapie, de l'abemaciclib et du trastuzumab a permis de gagner 2,6 mois de FPS par rapport au traitement de référence : chimiothérapie et trastuzumab. Ce n'est pas beaucoup, mais cette nouvelle approche présente théoriquement moins de toxicités. "Selon vous, que pouvons-nous attendre à court terme des traitements du cancer du sein ?" En regard de ce que nous avons évoqué plus haut, je citerai les recherches suivantes :Les anti-CDK 4-6 sont-ils aussi bénéfiques dans les cancers non métastatiques (à des stades précoces) ? Nous attendons la publication des premiers résultats obtenus avec le palbociclib. Deux autres études sont en cours avec l'abemaciclib et le ribociclib.Les nouvelles hormonothérapies par voie orale, SERD et SERCA, sont comparées au fulvestrant dans les cancers avec récepteurs hormonaux positifs et HER2 négatif. L'Institut Jules Bordet participe d'ailleurs à une étude de phase III avec un SERD, l'elacestrant.Les Antibody-Drug Conjugates (ADC), ces molécules composées d'un anticorps monoclonal auquel on a 'collé' un agent de chimiothérapie, sont en cours d'évaluation dans au moins deux indications : le triple négatif et l'HER2 positif. Une étude de phase III a été menée sur des cancers triple négatif. Si les résultats sont à la hauteur de nos espérances, cela pourrait ouvrir la voie à un remboursement de l'ADC concerné, le sacituzumab govitecan. "Il y aurait également du neuf pour les cancers du côlon, plus particulièrement concernant une mutation B-RAF ?En effet. La mutation B-RAF-V600E est présente dans plusieurs types de cancer, dont environ 20% des cancers du côlon. Or, jusqu'il y a peu, nous n'avions pas de preuve d'efficacité des inhibiteurs de B-RAF dans ces cancers-là. C'est chose faite avec l'étude BEACON 4. Dans cette étude de phase III, menée sur des patients métastatiques en rechute, on a comparé la combinaison d'encorafenib (inhibiteur de B-RAF), de binimetinib (inhibiteur de MEK) et de cetuximab (anticorps anti-EGFR) versus le cetuximab et un agent de chimiothérapie. La survie globale dans le premier groupe est passée de 5 à 9 mois. Ces résultats devraient bientôt permettre le démarrage d'un programme compassionnel en Belgique. "" La molécule AMG 510 cible K-RAS-p. G12C, une mutation que l'on trouve dans plusieurs cancers, dont 13% des tumeurs pulmonaires. D'après une étude de phase I/II à laquelle l'Institut Jules Bordet participe, AMG 510 serait prometteuse en termes de taux de réponse objective. Des investigations supplémentaires sont en cours pour évaluer cette potentielle voie de traitement. "