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Cette fois encore, nous avons eu droit à une pléiade de présentations importantes dans tous les domaines de l'oncologie. Revenons ici sur quelques-uns des résultats d'études susceptibles de changer les pratiques. Les données relatives aux cancers gastro-intestinaux et génito-urinaires sont reprises dans un article qui leur est consacré en page 10 et suivantes. L'ajout d'un inhibiteur de CDK 4/6 à une hormonothérapie de première ligne allonge la survie d'une année chez les femmes ménopausées atteintes d'un cancer du sein avancé positif pour les récepteurs hormonaux (HR+) et HER2-négatif (HER2-). C'est la conclusion des plus récents résultats de l'étude MONALEESA-2, présentés par Pr Hortobagyi du MD Anderson Cancer Center de Houston, lors de cette édition de l'ESMO. Par ailleurs, c'est la première fois, selon Pr Hortobagyi, que l'on constate un avantage statistiquement significatif et cliniquement pertinent pour la survie globale (OS) avec un inhibiteur de CDK 4/6 dans cette population de patientes. 668 patientes ont été randomisées soit dans le groupe ribociclib (ribo) associé au létrozole (létro, un inhibiteur de l'aromatase - IA), soit dans le groupe placebo + létro. Elle a exclu les patientes ayant reçu précédemment un inhibiteur de CDK 4/6, une chimiothérapie (CT) ou une thérapie endocrinienne dans ce contexte avancé. Une première analyse avait déjà révélé un avantage au niveau de la survie sans progression (PFS) médiane de 25,3 mois pour le ribo + létro et de 16,0 mois pour le placebo + létro 1. L'OS a été évaluée après 400 décès et affichait une durée médiane de 63,9 mois pour le ribo + létro contre 51,4 mois pour le placebo + létro (HR: 0,76 ; IC 95%: 0,63-0,93 ; p=0,004). Par ailleurs, l'avantage de survie pour l'association ribo-létro versus placebo + létro s'accroît au fil des années. Ainsi, 44,2% des patientes du premier groupe sont encore en vie après six ans, contre 32% de celles recevant uniquement le létrozole (voir figure 1). Le Pr Hortobagyi a précisé qu'une recherche était en cours pour savoir quels sous-groupes de l'étude tiraient plus ou moins de bénéfices du traitement. "Nous sommes également à la recherche de biomarqueurs qui devraient nous indiquer quelles patientes répondront probablement au traitement et lesquelles n'y répondront probablement pas", a-t-il déclaré. Les inhibiteurs de CDK 4/6 en plus d'une thérapie endocrinienne (TE) semblent constituer la meilleure alternative à une CT dans le cadre du traitement du cancer du sein métastatique RH+ et HER2- après une progression sous inhibiteurs de l'aromatase (IA). Bien qu'aucun avantage de survie n'ait été observé au niveau des résultats finaux de l' étude PEARL de phase III (cohorte 2) - ainsi que présenté par Pr M. Jimenez au nom du GEICAM Breast Cancer Group au cours de cet ESMO 2021 - un traitement combiné semble bel et bien apporter des avantages en termes de qualité de vie et de tolérance en comparaison avec la CT 2. L'étude PEARL s'est déroulée dans deux cohortes successives. Dans la cohorte 1, 296 patientes ont été randomisées au palbociclib (palbo) + exémestane (exe) ou à la capécitabine (cap). Dans la cohorte 2, 305 patientes ont été randomisées au palbo + fulvestrant (ful) versus cap. Les critères d'évaluation secondaires dans la cohorte 2 comprenaient notamment l'OS, planifiée à 152 décès. L'OS médiane lors d'un suivi médian de 28 mois s'élevait à 31,1 mois dans le groupe recevant le palbo + ful (n=149) et 32,8 mois dans le groupe recevant la cap (n=156) (HR ajusté: 1,10 ; IC 95%: 0,81-1,50 ; p=0,55).Ces résultats concordent avec les observations précédentes de l'étude qui ne montraient pas non plus d'avantage de PFS pour l'association avec le palbo par rapport à la CT. Néanmoins, cette étude a démontré une amélioration du profil de toxicité et une diminution du délai jusqu'à l'aggravation de l'état de santé général en faveur de l'association avec le palbo 3. Le Dr Carmen Criscitiello ( European Institute of Oncology, Milan) a placé ces données dans un contexte plus large, en tenant compte des données issues d'autres études sur les inhibiteurs de CDK 4/6. À première vue, les données d'efficacité semblent moins bonnes par rapport à celles provenant des études précédentes, a fait remarquer Dr Criscitiello. Ainsi, tant l'étude MONALEESA-3 en deuxième ligne (ribo et ful) que l'étude MONARCH-2 (abémaciclib et ful) révèlent des durées de PFS plus longues que la PFS obtenue avec le palbo associé à une thérapie endocrinienne dans l'étude PEARL. D'après le Dr Criscitiello, cela pourrait s'expliquer par le fait que la résistance aux inhibiteurs de CDK 4/6 est plus importante en cas de tumeurs avancées et augmente avec le type et la durée du traitement. En effet, les patientes de la cohorte 2 de l'étude PEARL avaient été plus lourdement prétraitées dans ce contexte métastatique que celles des études susmentionnées: environ 27% avaient reçu une CT antérieurement, 72% avaient déjà reçu un IA, et environ 23% des patientes de l'étude ont reçu le traitement en troisième ligne ou plus. À l'inverse, dans l'étude youngPEARL de phase II, l'association de palbo + exe a été associée à un avantage de PFS significatif par rapport à la cap. Cette étude a uniquement inclus des femmes non ménopausées qui présentaient une récidive ou une progression sous tamoxifène, qui n'avaient pas reçu d'IA antérieurement et avaient seulement bénéficié d'une ligne de chimiothérapie au maximum pour leur atteinte métastatique 4. Le Dr Criscitiello a conclu que les inhibiteurs de CDK 4/6 associés à une TE restent la seule véritable option adéquate pour le traitement de première ligne du cancer du sein métastatique RH+ et HER2- car ils ont amélioré tant la durée que la qualité de vie. Les résultats définitifs de survie globale de l' étude KEYNOTE-355, présentés à l'occasion de ce congrès ESMO 2021 par le Pr Hope Rugo (Université de Californie, San Francisco), confirment que les inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (ICI) + CT constituent le traitement de première ligne de prédilection chez les femmes atteintes d'un TNBC métastatique PD-L1-positif (score positif combiné [CPS] ? 10) 5. Les résultats finaux de cette étude rapportent une plus longue OS médiane avec le pembro + CT en première ligne par rapport au placebo + CT (respectivement 23,0 mois versus 16,1 mois) lors d'un suivi médian de 44,1 mois. L'association avec le pembro a réduit le risque de décès de 27% (HR: 0,73 ; IC 95%: 0,55 -0,95 ; p=0,0093) (voir figure 2). Ces résultats présentés à l'ESMO 2021 corroborent les précédentes observations de l'étude KEYNOTE-355 qui démontraient que l'association pembro + CT voyait une amélioration significative de la PFS par rapport à la CT 6. Dans son commentaire à propos de cette étude, le Dr Maria Vittoria Dieci de l'Université de Padoue a insisté sur l'importance de ces résultats de survie dans une population où l'OS est restée mauvaise et inchangée pendant des années. Selon elle, c'est grâce au mécanisme d'action de l'immunothérapie que le bénéfice d'OS peut souvent dépasser le bénéfice de PFS, comme c'est le cas dans cette étude KEYNOTE-355, avec un avantage pour le pembro par rapport à la CT de respectivement 4 mois et 7 mois pour la PFS et l'OS. Cet avantage constaté ici reflète également les résultats de l'étude IMpassion130 menée avec l'atézolizumab plus nab-paclitaxel 7. D'après le Dr Dieci, les futures études devront miser sur une meilleure sélection des patientes et une harmonisation des tests PD-L1, essentielles pour l'utilisation d'ICI dans ce contexte. Étant donné que les ICI se sont avérés un choix efficace pour le TNBC métastatique, l'immunothérapie a également été testée dans le contexte néoadjuvant et/ou adjuvant. Lors de cet ESMO 2021, le Pr Peter Schmid ( Queen Mary University, Londres) a présenté une nouvelle analyse intermédiaire de l'étude KEYNOTE 522. Cette étude a inclus 1174 patientes atteintes d'un TNBC précoce de stade II ou III. Plus de 80% des patientes exprimaient PD-L1 (CPS ? 10), et environ la moitié présentaient des ganglions lymphatiques positifs. Les patientes ont été randomisées selon un ratio 2: 1 soit à une CT + pembro, soit à une CT + placebo. Dans le bras pembro,les patientes ont reçu comme traitement néoadjuvant du pembro (200 mg toutes les 3 semaines) + paclitaxel (toutes les semaines) et du carboplatine (toutes les semaines ou toutes les 3 semaines) pendant 4 cycles, puis du pembro (200 mg toutes les 3 semaines) + cyclophosphamide et soit de la doxorubicine, soit de l'épirubicine (toutes les 3 semaines) pendant 4 cycles avant l'opération. Ce protocole a été suivi d'un traitement adjuvant composé de 9 cycles de pembro (toutes les 3 semaines). Dans l'autre bras, le pembro a été remplacé par un placebo. Une première analyse intermédiaire a montré une différence significative au niveau du nombre de réponses pathologiques complètes (pCR) en faveur des patientes recevant le pembro comme traitement néoadjuvant. De même, la survie sans événement (EFS) était significativement plus longue pour les patientes du bras pembro 7. La nouvelle analyse intermédiaire confirme ces résultats. Après un suivi médian de 39,1 mois, l'EFS s'élève à 84,5% dans le bras pembro contre 76,8% dans le bras placebo (HR: 0,63 ; IC: 0,48 - 0,82 ; p = 0,00031) (figure 3). Le Pr Schmidt a déclaré que 50% des premiers événements étaient une récidive à distance et que, par ailleurs, 22 patientes dont le premier événement n'avait pas été une récidive à distance en ont développé une par la suite. Une analyse de sous-groupes prédéfinie a montré que l'avantage observé au niveau de l'EFS à 3 ans avec le pembro est indépendant à la fois de l'expression PD-L1 et de l'obtention ou non d'une pCR. Après une pCR, l'EFS était de 94,4% avec le pembro + chimio et de 92,5% avec le placebo + chimio ; sans pCR, ces pourcentages étaient respectivement de 67,4% vs 56,8% (figure 3). Le Pr Schmidt a également précisé qu'une tendance favorable pour l'OS peut actuellement déjà être constatée dans le groupe pembro mais qu'un suivi complémentaire est nécessaire. La sécurité de chaque protocole était en concordance avec les profils connus sans que de nouveaux problèmes d'innocuité ne se manifestent. La plupart des effets indésirables d'origine immunologique se sont produits dans la phase néoadjuvante, étaient de faible intensité et en outre facilement gérables à l'aide d'un traitement ciblé, d'une interruption du traitement ou de l'administration de stéroïdes.