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Ce résumé est un florilège de certains des sujets intéressants abordés lors du symposium présidentiel, des sessions plénières et des dernières présentations orales. Le Pr Ali T. Taher (Centre médical de l'Université américaine, Liban), a présenté les résultats de l'étude BEYOND. La forme non dépendante de la transfusion (NTD) de la beta-thalassémie, maladie héréditaire du sang entraînant une production déficiente d'hémoglobine (Hb), se caractérise par une anémie chronique de gravité légère à modérée et une surcharge en fer. Elle peut nécessiter occasionnellement des transfusions, par exemple pendant une grossesse ou des opérations. Les patients atteints de bêta-thalassémie NTD peuvent néanmoins développer des comorbidités graves au niveau de divers systèmes organiques et avoir une qualité de vie (QoL) réduite. Nous savons également qu'une Hb plus élevée au moment du diagnostic ainsi qu'une augmentation de l'Hb sont associées à moins de morbidités, qui ne surviennent d'ailleurs que plus tard. Il n'existe actuellement aucune thérapie approuvée pour la gestion de l'anémie dans la bêta-thalassémie NTD. Le luspatercept est un médicament approuvé pour le traitement de l'anémie dans la beta-thalassémie dépendante de la transfusion qui pourrait également être bénéfique quand elle est non dépendante. L'étude BEYOND, auquel ont participé des centres du Royaume-Uni, d'Italie, de Grèce, des États-Unis, de Thaïlande et du Liban, a regroupé 145 adultes atteints de beta-thalassémie NTD pour la phase II d'un essai clinique randomisé. Elle a comparé l'efficacité et l'innocuité du luspatercept à un placebo. L'essai a été réalisé sans insu après une analyse intermédiaire. Le critère d'évaluation principal était le nombre de patients présentant une augmentation de l'Hb d'au moins 1g/dl sur la période des semaines 13-24. Ce résultat a été atteint chez 77% des patients du groupe luspatercept, contre 0% dans le groupe placebo. En outre, 52% des patients ont vu leur taux augmenter de > 1,5 g/dl. L'analyse des sous-groupes a confirmé ce bénéfice pour tous les sous-groupes. Les patients du groupe d'intervention ont également rapporté un score de QoL plus élevé, avec une réduction des symptômes cliniques tels que la fatigue et la faiblesse. L'amélioration de la QoL était significativement corrélée à l'augmentation du taux d'hémoglobine. Soulignons que l'incidence des effets indésirables apparus au cours du traitement était comparable entre les groupes luspatercept et placebo et qu'aucun événement thromboembolique ou thrombophlébitique n'est survenu au cours de l'essai. Le Pr Taher a conclu que le luspatercept est efficace et sûr pour le traitement des patients atteints de beta-thalassémie non dépendante de la transfusion. Le Pr Peter Hillmen (Hôpital universitaire St James de Leeds, Royaume-Uni) a présenté le récent résumé LB1900, contenant les résultats de l'étude ALPINE, lors du symposium présidentiel. Il y a quelques années, le traitement de la leucémie lymphocytaire chronique/du lymphome lymphocytaire de petite taille (LLC/SLL) a connu une énorme avancée, à savoir l'inhibition de la signalisation des récepteurs des cellules B par la tyrosine kinase de Bruton (BTK). Le zanubrutinib est un inhibiteur de la BTK de nouvelle génération, conçu pour une inhibition puissante et durable de la BTK tout en minimisant les effets hors cible des inhibiteurs de 1re génération tels que l'ibrutinib. L'activité et la tolérance du zanubrutinib ont déjà été démontrées chez des patients atteints de LLC/SLL dans des essais cliniques de phase précoce. L'étude ALPINE consolide ces résultats par une comparaison directe de l'innocuité et de l'efficacité du zanubrutinib et de l'ibrutinib chez 415 patients atteints de LLC/SLL récidivante/réfractaire. Une analyse intermédiaire à 12 mois a révélé que le taux de réponse global (ORR) des patients traités par zanubrutinib était significativement plus élevé que celui des patients traités par ibrutinib (78,3% contre 62,5%). De même, les taux de survie globale sans progression (PFOS) et de survie globale (OS) étaient plus élevés dans le groupe zanubrutinib. La fibrillation/le flutter auriculaire, les saignements majeurs, les événements indésirables ayant conduit à l'arrêt du traitement et les infections de grade ?III étaient moins fréquents dans ce même groupe. Cependant, le traitement par zanubrutinib a augmenté le taux de neutrophiles par rapport à l'ibrutinib (28,4% contre 21,7%). En résumé, le zanubrutinib a montré une inhibition plus sélective de la BTK, améliorant l'efficacité et l'innocuité par rapport à l'ibrutinib. Le Pr Marcel Levi, hématologue aux Amsterdam University Medical Centers (Pays-Bas) et à l'University College of London (Royaume-Uni), a fait une présentation incroyablement intéressante sur un sujet qui a touché tout le monde l'année passée: la covid-19. Non seulement celle-ci concerne tout le monde, dans le monde entier, dans toutes les couches de la population, mais une infection par ce coronavirus peut affecter tous les systèmes organiques. Le système hématologique, et plus particulièrement la coagulation, ne fait pas exception. Le lien entre hémopathies malignes et covid-19 ne saute pas aux yeux. Le Pr Levi a montré que presque tous les patients atteints d'une forme grave présentent également une coagulopathie à un degré plus ou moins important. Dans plusieurs troubles hématologiques, il a également été démontré, par exemple, que la présence d'une coagulopathie (ou sa persistance) est liée au pronostic de ces patients. Cela n'implique pas seulement un risque de thrombose, mais aussi un risque accru d'hémorragies. Le facteur tissulaire ( Tissue factor ou TF) joue ici un rôle important. En cas de cancer, des processus de régulation peuvent aussi être activés, mais seulement dans une certaine mesure. Outre le cancer lui-même, de nombreux traitements oncologiques augmentent également le risque de thrombose artérielle et/ou veineuse, ainsi que de microangiopathie. Un rôle important est également joué par les thrombocytes, ainsi que par la libération de grandes quantités de facteur Von Willebrand (FVW), formant des multimères qui consomment la "protéine de clivage" ADAMTS13. Le Pr Levi a ensuite abordé la covid-19, ainsi que la thrombose et la coagulopathie qui y sont associées, ce qui diffère de ce que nous observons habituellement dans les infections graves. Les premières publications ont rapidement montré une activation de la coagulation et une corrélation des taux de D-dimères à la gravité de la maladie et au pronostic. Cependant, les taux de D-dimères sont disproportionnellement élevés par rapport, par exemple, aux autres facteurs de coagulation, ce qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs, comme le dépôt de fibrine dans les poumons (dont les D-dimères sont un produit de dégradation). Entretemps, il a également été constaté que de faibles niveaux d'ADAMTS13 étaient également associés à un pronostic plus défavorable. Nous savons aussi maintenant que les coronavirus peuvent infecter directement les cellules endothéliales, ce qui pourrait être à l'origine de la coagulopathie et de la défaillance grave de plusieurs organes chez certains patients. Le Pr Levi a ensuite évoqué le fait notable qu'environ 30% des patients covid-19 développent une thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire (EP), ce qui a évidemment un impact énorme sur le pronostic. Pour conclure, le Pr Levi a de nouveau évoqué les différents mécanismes sous-jacents de la coagulopathie (figure 1). Cette coagulopathie covid-19 présente des caractéristiques de coagulopathie intravasculaire disséminée (CIVD), de choc cytokinique, de syndrome des antiphospholipides et de microangiopathie thrombotique, mais nous devons conclure qu'il s'agit d'une entité autonome. Le Pr Levi a déclaré que, jusqu'à récemment, c'est là qu'il aurait terminé sa présentation. Mais nous sommes confrontés à un phénomène totalement nouveau, à savoir les rares cas de thrombose accompagnée de thrombocytopénie observés après la vaccination avec certains des vaccins covid-19. Greinacher et al. ont été les premiers à décrire une association probable avec les anticorps anti-facteur 4 plaquettaire, mais sans corrélation avec l'utilisation d'héparine, qui est un phénomène déjà connu, à savoir la thrombocytopénie induite par l'héparine (TIH). Cela a été confirmé par la suite dans d'autres séries de cas et nous savons maintenant que cela peut conduire à des formes très rares de thrombose telles que la thrombose mésentérique et cérébroveineuse. Il s'agit bien sûr d'un mécanisme complètement différent des thromboses que nous observons dans la covid-19, mais il y a là encore un lien entre coronavirus et complications thrombotiques. Il a conclu par les points suivants: ? Même si la coagulopathie chez les patients gravement malades peut présenter des caractéristiques cliniques similaires, la physiopathologie sous-jacente dans le cas de la covid-19 est tout à fait différente. ? La production de thrombine, l'endommagement des cellules endothéliales et l'interaction anormale entre les plaquettes et la paroi des vaisseaux jouent un rôle tant dans le cancer que dans la covid-19. ? Une meilleure compréhension de ces coagulopathies peut potentiellement aider à développer de meilleurs traitements et des stratégies préventives. Le Pr Thierry Facon (Université de Lille, France) a présenté la mise à jour attendue avec les résultats de survie globale (OS) de l'étude MAIA, qui n'étaient pas encore matures lors de la présentation précédente à l'ASH 2020 (LB1901). Cette étude de phase III a évalué le daratumumab plus lénalidomide et dexaméthasone (D-Rd) par rapport au lénalidomide et dexaméthasone (Rd) chez 737 patients non éligibles à une CT à haute dose et une autogreffe de cellules souches. Il convient de relever que 43% d'entre eux étaient âgés de 75 ans ou plus. L'analyse primaire de l'étude MAIA a démontré une réduction de 44% du risque de progression de la maladie ou de décès après le traitement par D-Rd par rapport à Rd seul. Après un suivi médian de près de 5 ans (56,2 mois), l'analyse intermédiaire d'OS pré-spécifiée a maintenant été présentée. L'ajout du daratumumab au traitement par Rd a réduit significativement le risque de décès de 32% (rapport de risque, 0,68 ; P=0,0013) avec un taux d'OS à 5 ans estimé à 66,3% dans le groupe D-Rd contre 53,1% dans le groupe Rd. Ces résultats sont obtenus malgré le fait que 46% des patients ayant reçu un traitement ultérieur dans le bras Rd aient reçu du daratumumab. De même, le bénéfice en termes de PFS de D-Rd par rapport à Rd, identifié dans l'analyse primaire, a été maintenu, avec un taux à 5 ans estimé à 52,5% contre 28,7%. Le taux d'OS était de 93% contre 82% pour Rd seul, avec une réponse complète stricte (sCR) plus élevée, à savoir 35% contre 15%. Le profil d'effets indésirables (EI) était conforme aux attentes pour D-Rd ; ceux de grade III/IV (>15%) les plus fréquents pour D-Rd et Rd étaient la neutropénie (54% vs 37%), la pneumonie (19% vs 11%), l'anémie (17% vs 22%) et la lymphopénie (16% vs 11%). Le Pr Facon a conclu que le bénéfice clinique en termes de PFS de l'analyse primaire de l'étude MAIA, avec D-Rd administré d'emblée, pendant les 5 années de suivi a pu être confirmé et s'est également traduit par un bénéfice significatif en termes d'OS. Le Pr Arnon Kater (Amsterdam Medical Center, Pays-Bas) a présenté le deuxième résumé des dernières données sur le traitement de la leucémie lymphoïde chronique/lymphome à petits lymphocytes (LLC/LPL), cette fois en 1re ligne, c'est-à-dire chez les patients nouvellement diagnostiqués. L'association ibrutinib + vénétoclax (I+V) pour traiter les patients atteints de LLC/LPL s'explique par les mécanismes d'action complémentaires des deux thérapies. L'ibrutinib mobilise les cellules de la LLC à partir des ganglions lymphatiques et inhibe la prolifération des cellules cancéreuses, tandis que le vénétoclax tue toutes les cellules cancéreuses en circulation. Actuellement, l'ibrutinib est enregistré pour un traitement en 1re ligne jusqu'à progression et le vénétoclax (en combinaison avec un inhibiteur de CD20) pour un traitement en 12 cycles. Si la combinaison s'avère efficace, elle pourrait éventuellement permettre aux patients d'éviter un traitement en permanence. L'étude GLOW est un essai clinique randomisé de phase III examinant l'efficacité et la sécurité de I+V en tant que traitement oral en 1re ligne et à durée fixe de 12 cycles par rapport à l'association chlorambucil + obinutuzumab (Clb+O) pendant 6 cycles, pour des patients LLC/LPL non traités auparavant. Au total, 211 patients ont été recrutés, dont un tiers avaient plus de 75 ans ; le suivi médian au moment de cette analyse était de 27,7 mois. Les patients traités avec I+V ont montré une amélioration significative de la PFS par rapport à ceux traités avec Clb+O, à savoir "pas encore atteinte" contre 21,0 mois (rapport des risques 0,216). C'était constant dans tous les sous-groupes prédéfinis. En outre, le nombre de patients atteints d'une maladie résiduelle minimale indétectable (uMRD) dans la moelle osseuse et le sang périphérique était également significativement plus élevé dans le bras I+V 3 mois après la fin du traitement (figure 2). Il est important de noter que 84,5% des patients de ce groupe ont conservé leur uMRD dans le sang périphérique 12 mois après la fin du traitement. De même, le groupe I+V a obtenu un taux d'OR plus élevé (38,7% contre 11,4%), ce qui a prolongé le délai avant un traitement ultérieur. Les EI courants de grade ?III liés au traitement étaient la neutropénie (34,9%), la diarrhée (10,4%) et l'hypertension (7,5%) pour I+V. Avec les résultats de l'étude CAPTIVATE, l'étude GLOW montre qu'I+V en tant que traitement de 1re ligne de la LLC/du LPL a démontré une efficacité supérieure par rapport à Clb+O avec une profondeur et une durée de rémission améliorées et un profil de sécurité tolérable.