Confirmation de l'intérêt des nouveaux anti-androgéniques dans le cancer prostatique non métastatique résistant à la castration

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Après une première ligne de traitement par hormonothérapie (agoniste ou antagoniste de la LH-RH), lorsque la cinétique d'augmentation du PSA est très élevée (correspondant à un temps de doublement de 10 voire 6 mois) et que la testostérone reste indosable, le patient est clairement à haut risque de développer des métastases et d'en subir rapidement le lourd tribut morbide, en particulier sur le plan osseux. Il y a donc tout intérêt à retarder l'apparition de celles-ci. C'est ce qu'avaient déjà réussi en 2018 l'enzalutamide et l'apalutamide (non disponible en Belgique) dans les études PROSPER et SPARTAN, respectivement. En 2019, le darolutamide (non disponible actuellement) est venu confirmer ce bénéfice via l'étude ARAMIS.Pris globalement, ces nouveaux anti-androgènes réduisent la survenue de métastases de 40 à 60%, et après deux à quatre ans de follow-up démontrent une tendance favorable en termes de survie, tout en préservant la qualité de vie du patient. Ces trois agents présentent cependant un profil de tolérance quelque peu différent, l'apalutamide se caractérisant par un risque de rash cutané, l'enzalutamide par une grande asthénie (et très rarement des crises convulsives). Le darolutamide, ne franchissant pas la barrière hémato-encéphalique, pourrait quant à lui réduire le risque de troubles cognitifs, de chutes et de fractures.Ces agents représentent cependant un coût élevé et surtout, les études de phase 3 qui soutiennent leur emploi étaient toutes basées sur des techniques d'imagerie conventionnelle (scintigraphie osseuse, scanner thoraco-abdominal). L'emploi largement répandu en Belgique de techniques beaucoup plus sensibles telles que le PET-PSMA fait penser qu'une très large proportion des patients inclus n'étaient en fait pas non-métastatiques. 2020 devra donc définir la place exacte de ces nouveaux agents et des techniques d'imagerie qui peuvent conduire à les recommander.Depuis les études CHAARTED et LATITUDE, on savait que le docétaxel et l'abiratérone, respectivement, associés à une déprivation androgénique, offraient un bénéfice de survie sans progression et de survie totale, le premier en cas de gros volume métastatique et le second chez les patients à haut risque. En 2019, quatre études sont venues enrichir ce tableau.Dans STAMPEDE, le docétaxel a pu prouver son intérêt également chez les patients à faible volume métastatique. L'enzalutamide, dans les études ARCHES et ENZAMET, a démontré un gain important en survie sans progression mais les données de survie globale ne sont pas encore disponibles et enfin l'étude TITAN, menée avec l'apalutamide, s'est révélée concluante quant à la survie sans progression radiologique, chez les patients à faible et à haut risque (caractérisés par au moins deux des critères suivants : Gleason score ? 8, présence de métastases viscérales, présence d'au moins deux métastases osseuses).Une fois ces différentes thérapies remboursées, c'est donc un choix large qui s'offrira au thérapeute et au patient.Chez un patient nouvellement diagnostiqué d'emblée au stade métastatique, cela vaut-il la peine de traiter par radiothérapie la tumeur primitive ? Les études HORRAD et STAMPEDE apportent globalement une réponse négative mais le bénéfice en survie globale est pourtant bien présent en cas de faible volume métastatique (moins de 5 métastases). Pareille approche est du reste déjà largement implémentée en pratique clinique et le 'standard of care' est actuellement d'irradier la tumeur primitive en cas de faible volume métastatique.Ce raisonnement vaut-il aussi pour les patients ayant subi une chirurgie de prostatectomie radicale ? La réponse n'est pas connue mais des études sont en cours, notamment l'étude LOMP menée en Belgique.Dans le même ordre d'idée, en cas de faible volume métastatique, peut-on espérer retarder le traitement systémique (et sa comorbidité cardiovasculaire, musculaire et osseuse, en cas d'hormonothérapie) grâce à une radiothérapie stéréotaxique des lésions métastatiques (associée généralement à une courte phase de déprivation androgénique) ? Là non plus, la réponse n'est pas connue mais des équipes belges, en particulier à Gand, étudient cette question.Devant la profusion des nouvelles options thérapeutiques, il conviendra de bien positioner toutes ces nouvelles drogues et d'apprendre à les employer efficacement chez le "bon" patient. Il faudra aussi délimiter le rôle des nouvelles techniques d'imagerie et comprendre ce qu'elles impliquent dans la définition des algorithmes de prise de décision thérapeutique. A chaque moment, il s'agira aussi de réfléchir aux implications en termes de toxicité pour le patient et d'impact budgétaire pour la collectivité.Enfin, si le Professeur Roumeguère reconnaît bien volontiers que la palette des traitements remboursés en Belgique dans la prise en charge du cancer prostatique est très large, le bât blesse par contre en ce qui concerne le financement des techniques de séquençage (NGS, recherche de mutations, Micro Satellite Instability, statut PD-1,...). L'utilité de biomarqueurs pronostiques et prédictifs est pourtant évidente au vu du bénéfice généré par exemple par les PARP-inhibiteurs (olaparib) en cas de mutations BCRA ou par les anti-PD- et anti-PD-L1 dans certains cancers agressifs métastatiques. Ces démarches sont malheureusement trop souvent à la charge des institutions et ne sont actuellement réservées qu'à une population extrêmement limitée (patient jeune, métastases d'emblée, tumeurs très agressives indifférenciées avec des Gleason scores élevés, antécédents familiaux).