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Fin octobre, dans le cadre d'un test clinique à l'hôpital West China, des scientifiques ont injecté à un patient humain adulte, atteint d'un cancer du poumon agressif pour lequel toutes les options thérapeutiques avaient échoué, des cellules génétiquement modifiées par la méthode révolutionnaire CRISPR/Cas9. Dite de "ciseaux moléculaires", cette technique, découverte en 2012 et jusqu'à présent essentiellement utilisée sur des animaux ou des végétaux, consiste à transformer l'ADN d'une cellule vivante en coupant une partie de cet ADN et en remplaçant la portion manquante par une autre plus saine. Une sorte de copier-coller génétique.Les chercheurs chinois, pour en revenir à eux, ont prélevé les cellules immunitaires du patient, puis ont utilisé l'instrument CRISPR-Cas9 pour désactiver un gène, une protéine appelée PD-1, qui ralentit généralement la réponse immunitaire d'une cellule, permettant au cancer de se développer. Les cellules immunitaires exemptes de la protéine PD-1 ont ensuite été cultivées en laboratoire et réinjectées dans le sang du patient. Le but est qu'elles puissent maintenant proliférer pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses.Il est encore trop tôt pour dire si cette expérimentation est un succès mais un des responsables, l'oncologue Lu You, a déclaré que le traitement initial s'est bien déroulé et que le patient dont l'identité n'a pas été révélée allait bientôt recevoir une seconde injection. Au total, 10 patients devraient participer à cette étude. Ils recevront chacun entre deux et quatre injections de lymphocytes T modifiés. Pour s'assurer de la sécurité du traitement, les volontaires seront suivis pendant six mois puis surveillés quelques mois de plus pour évaluer l'efficacité de ce test clinique.Avec cette annonce, la course biomédicale entre la Chine et les Etats-Unis ne fait que commencer. La Chine est désormais en tête. Décomplexée, elle souhaite asseoir son hégémonie en optimisant le génome de ses concitoyens grâce aux manipulations génétiques.Un groupe de l'Université de Pékin espère obtenir le financement et l'approbation éthique pour lancer l'an prochain trois essais cliniques utilisant CRISPR-Cas9 contre les cancers de la vessie, de la prostate et des cellules rénales. De leur côté, après avoir mis au point une thérapie ciblant trois gènes malades, les Américains s'apprêtent à mener début 2017 une expérimentation du même type sur une dizaine de cancers. Elle est financée par le milliardaire du web, fondateur de Napster, Sean Parker.Quant aux pays européens, ils ont une crainte très forte de dérapages eugénistes et freinent l'utilisation des technologies génétiques notamment sur les embryons. Ce faisant, ils risquent d'être complétement largués par la Californie et les pays asiatiques où les chercheurs sont en pleine effervescence devant une technique révolutionnaire qui leur ouvre des portes vers la guérison de nombreuses maladies...référence : Nature, 15 novembre 2016, doi : 10.1038/nature.2016.20988