...

Le plan de traitement des essais de phase I est défini dans le but d'atteindre les objectifs décrits dans la première partie (voir le précédent BON). La planification de l'essai nécessite donc de choisir la dose de départ et la méthode d'escalade de doses avec la détermination des paliers de dose, le nombre de patients par palier, l'affectation d'un patient à un palier de dose et le critère d'arrêt de l'escalade.La dose de départPour des raisons éthiques évidentes, il ne faut pas prendre le moindre risque de toxicité lors de ce premier test sur l'homme. C'est pourquoi, le plus souvent, la dose de départ est déterminée comme étant un dixième de la DL10 chez la souris si elle n'est pas toxique chez le chien et, sinon, un tiers de la plus faible dose induisant une toxicité chez le chien.L'escalade des dosesLa plus ancienne et la plus utilisée des méthodes d'escalade est celle bien connue et basée sur la suite de Fibonacci modifiée. Le schéma standard prévoit d'inclure des cohortes de 3 patients par palier de dose, les doses étant le plus souvent exprimées en mg/m2. L'escalade de dose est réalisée 'interpatients' et aucune escalade n'est autorisée 'intrapatient'. Le processus continue jusqu'à la survenue d'un pourcentage prédéfini d'une toxicité dose-limitante (TDL). Généralement, la règle de décision d'un tel essai est la suivante : si aucune TDL n'est observée chez les 3 patients de la cohorte, l'escalade continue ; si une TDL est observée chez un seul patient de la cohorte, 3 patients supplémentaires sont inclus au même palier. Si aucun de ces 3 patients ne présente de toxicité, on continue l'escalade, sinon l'escalade est arrêtée ; si on observe une TDL chez 2 ou 3 patients de la cohorte, on arrête l'escalade. Une fois l'escalade arrêtée, 3 patients supplémentaires sont inclus à la dose précédant la dose d'arrêt. La dose maximale tolérée (DMT) est alors définie comme le palier précédant la dose d'arrêt de l'escalade et c'est souvent la dose recommandée pour les phases II subséquentes. Même s'il n'y a aucune base scientifique sérieuse pour cette approche, l'expérience a montré qu'elle présentait peu de risques pour les patients. Cependant, ce schéma traditionnel, largement utilisé en oncologie, présente plusieurs inconvénients : (1) trop de patients reçoivent des doses infrathérapeutiques quand la dose de départ est loin de la dose maximale tolérée, d'autant que, l'escalade de doses étant interdite intrapatient, un patient qui entre au palier 1 (non thérapeutique) recevra toujours une dose non thérapeutique ; (2) chaque étape ne tient aucun compte de l'information obtenue aux précédents paliers ; (3) il est possible de ne jamais atteindre la DMT et (4) si on atteint une DMT, elle peut être différente de la 'vraie' DMT, car elle est obtenue avec une très mauvaise précision. La méthode d'escalade accélérée (en anglais accelerated titration design, ATD) est une méthode en deux étapes qui a été développée pour contourner certaines limites de la méthode selon un schéma de Fibonacci. Le principe est d'accélérer l'escalade pendant une première étape : un seul patient est inclus par palier de dose jusqu'à la survenue d'une TDL, et les doses sont doublées de palier en palier. Dès l'apparition d'une TDL ou de n'importe quelle toxicité de grade 2, on inclut respectivement 6 ou 3 patients à ce palier. La deuxième étape consiste à continuer l'escalade selon le schéma classique décrit plus haut. L'escalade de dose intrapatient est autorisée et se déroule comme suit : escalader en cas de toxicité de grade 0 ou 1 à la cure précédente, rester au même palier en cas de toxicité de grade 2, descendre de palier en cas de toxicité de grade supérieur à 2. Cette approche réduit de façon significative le nombre de patients traités à des doses infrathérapeutiques, du fait, d'une part, du nombre réduit de patients aux faibles paliers de dose pour chaque cohorte et, d'autre part, de l'escalade de doses chez un même patient, lui donnant ainsi une chance de recevoir une dose efficace. Ainsi, les sujets qui seraient sortis de l'étude pour cause de progression peuvent rester plus longtemps dans l'essai. Un avantage non négligeable est une augmentation importante de l'information, particulièrement en ce qui concerne la toxicité cumulative. Cependant, cette escalade de dose plus agressive pouvant aussi être associée à un risque plus important pour le patient, un soin particulier sera porté à l'évaluation de ce qui est acceptable comme risque de toxicité. Si cette méthode présente l'avantage de diminuer le nombre de patients sous-traités, elle ne répond pas au problème de la méthode standard concernant la détermination de la DMT obtenue avec une mauvaise précision.D'autres méthodes alternatives à la méthode classique ont été développées. Parmi ces dernières, la plus connue est la méthode par réévaluation continue (en anglais continual reassessment method, CRM). Cette méthode, basée sur le calcul de la probabilité de survenue d'une toxicité à chaque palier se déroule en plusieurs étapes : (1) avant que l'essai ne démarre, on construit une courbe dose-toxicité. Cette courbe est établie à partir des données disponibles chez l'animal. (2) À partir de cette courbe, on détermine la dose de départ comme celle correspondant à une probabilité prédéfinie de toxicité inacceptable (généralement 20 %). Ce pourcentage peut varier en fonction de la gravité de la toxicité encourue. (3) Un patient est inclus. Une fois évaluée la toxicité induite chez ce patient, on réajuste la courbe dose-toxicité par estimation bayésienne (l'estimation bayésienne révise la probabilité des propositions au fur et à mesure des observations) et on détermine la dose à administrer au patient suivant, qui correspond à la probabilité prédéfinie de toxicité inacceptable. (4) On recommence jusqu'à obtenir une dose stable.Malgré ses avantages, cette méthode est encore peu utilisée, notamment en raison de sa complexité nécessitant des biostatisticiens et des moyens de calcul élaborés. Les cliniciens ont l'habitude d'une méthode simple et considérée comme sûre pour les patients.Référence :Phase I Cancer Clinical Trials: A Practical Guide. Elizabeth A. Eisenhauer (Editor), Christopher Twelves (Editor), Marc Buyse (Editor). Oxford University Press; 2 edition (April 17, 2015), 368 pages.