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L'hématopoïèse clonale (CH) et l'origine de la leucémieLes mutations somatiques sont fréquentes au cours de notre vie, y compris dans la moelle osseuse, résultant selon les estimations en 25 à 100 mutations par gène dans les cellules souches hématopoïétiques à l'âge de 70 ans. Ces dernières provoquent une CH, tant avec que sans candidats "drivers" leucémiques tels que le DNMTA3, qui est le plus fréquent. Le pourcentage de telles fréquences alléliques (VAF) augmente avec l'âge et, selon la sensibilité de la méthodologie et la valeur seuil (0,5 %), il grimpe jusqu'à des prévalences élevées, supérieures à 80 %.Quelques définitions : CHIP et CCUS. La CHIP, ou "CH de potentiel indéterminé", est définie comme une mutation somatique dans des gènes "drivers" de tumeur myéloïde avec une VAF > 2 %, mais un hémogramme encore normal. Une CCUS est une "CHIP avec cytopénie clonale de signification indéterminée", inexpliquée et persistante. Il y a une nette différence entre la signification d'une CH myéloïde et lymphoïde, M-CHIP ou L-CHIP. La L-CHIP augmente peu avec l'âge, tandis que la M-CHIP fait un bond entre l'âge de 40 et de 70 ans et plus, avec en tête les mutations dites DTA : DNMTA3, TET2 et ASXL1. Dans la M-CHIP, l'incidence cumulée de cancers myéloïdes présente un indice de risque (HR : hazard ratio) de 7,5 sur 10 ans, tandis que la L-CHIP est associée à un HR de 4. En cas d'hémogramme anormal, le HR de la CH est plus élevé - plus de 10 fois - dans ce même intervalle de temps.L'association de la CHIP avec d'autres affections, comme le risque accru d'infarctus du myocarde et d'AVC, est intéressante. Le clone anormal de cellules mutées libère davantage de cytokines pro-inflammatoires, et cela augmente avec l'âge. La CHIP semble également être associée à la BPCO, à la goutte, à l'ostéoporose... jusqu'à l'insuffisance rénale chronique et les troubles hépatiques ! La CHIP double le risque d'affections hépatiques et ce risque est encore plus élevé en cas de mutations, tant TET2 que JAK2.Jetons un oeil sur la prédiction de l'évolution en cas de CHIP ! Les facteurs qui ont une influence sur le risque de progression dans la CHIP incluent le génotype spécifique, la complexité clonale, la capacité clonale (VAF) et le volume érythrocytaire ! Ces facteurs, en association avec quelques autres, déterminent le risque individuel. Un score de risque a été développé : le CHRS, qui distingue 3 groupes de risque : faible, intermédiaire et élevé (cf. diapo 1). D'après l'analyse multivariée, le HR se divise comme suit par classe : 3,3 ; 37 ; et 348. Ces chiffres présentent une nette corrélation avec la survie à 10 ans : 94, 84 et 51 %.En résumé : la CHIP est fréquente et augmente avec l'âge. Les mutations associées à une CHIP augmentent significativement le risque de leucémie. Il est possible de prédire le risque de progression dans le CHRS.Survivants à long terme de l'AML "Nous consentons d'énormes efforts pour essayer de comprendre pourquoi les patients décèdent d'une AML. Peut-être pourrions-nous en apprendre autant en étudiant les patients qui ont survécu à la maladie !" (Dr Charles Schiffer, Buffalo, NY, USA, vers 2016).Une étude de cohorte allemande a été menée auprès de patients (issus d'études cliniques) plus de 5 ans après leur diagnostic, sans récidive et sans traitement ultérieur. La prévalence de comorbidités somatiques a été comparée avec la population générale. Les survivants de l'AML, avec ou sans SCT, sont exposés à un risque 2x plus élevé de diabète, à un risque 3,5x plus élevé d'insuffisance cardiaque, à une prévalence significativement plus élevée d'atteinte de la fonction rénale, mais pas à un risque accru de pathologie coronarienne.Voici encore quelques observations passionnantes faites chez les survivants de longue durée sans maladie :- Prévalence élevée de CH après AML : variantes de gènes CH chez 75 % dans la cohorte chimio et chez 53 % parmi les survivants avec SCT.- La prise en charge de l'AML module le spectre de mutations CH : DNMTA3 et TET2 surtout, mais plus de TP53 et PPMD1D dans le groupe chimio.- La prise en charge de l'AML module le caractère dépendant de l'âge de la CH : dans le groupe chimio, il va de 50 % (moins de 50 ans) à 86 % (plus de 70 ans) ; dans le groupe SCT, le temps après la SCT joue ce rôle : 31 % 5 ans plus tard, 75 % après plus de 15 ans.- La CH est associée au diabète chez les survivants avec SCT et aux cancers secondaires dans le groupe chimio.